Clubbing: le guide du championnat de Suisse (l’autre)

Qui regarde encore la Credit Suisse (oups…) Super League le dimanche après-midi à 16h15 euh pardon le samedi soir à 20h10 sur la RTS ? Franchement, nous on n’en manque pas une miette, surtout en cas de derby Winterthour-Saint-Gall. Ou pas. Bref, on s’en fout tous un peu, surtout depuis que le FC Sion nous a quittés (petit ange parti bien assez tard), que les 3 clubs vaudois ne font plus trop illusion (on nous souffle que le LS gagne un peu, mais ça joue pas avec l’histoire qu’on veut raconter, désolé) et surtout depuis que Servette est carrément bon. Pourquoi dès lors ne pas s’intéresser au championnat de Suisse féminin, sponsorisé par votre assurance RC ? La vie est trop courte vous dites ? Franchement, si vous êtes déjà allé à la Pontaise au mois de décembre et vous êtes resté 90 minutes – déjà, un grand bravo – on se donne le droit de refuser cet argument fallacieux. D’autant que l’Euro 2025 à la maison c’est dans à peine un an et demi. C’est donc le moment de faire connaissance avec quelques-uns des stades dans lesquels… personne ne jouera lors de ce tournoi.

Le format

Aussi fou que cela puisse paraître, cette ligue existe depuis 1970 (LNA à l’époque, Super League depuis 2020), c’est-à-dire un an avant que les femmes n’obtiennent le droit de vote dans notre pays. On vous donne 10 secondes pour digérer cette info … ⏳… Voilà. Oui, notre championnat avait donc à l’époque plus ou moins le même statut que la toute nouvelle ligue féminine saoudienne actuellement. Pensez-y la prochaine fois avant de vous moquer (ce qu’on n’oserait jamais faire sur CR).

L’honnêteté du site de la ligue, effectivement écrit en français fédéral, est tout à son honneur.

Contrairement à leurs collègues masculins, les championnes se qualifient directement pour la Women’s Champions League. Mais non, on déconne évidemment. Il y a deux tours préliminaires à passer avant de peut-être gagner le droit de prendre des déculottées monumentales contre Chelsea ou Arsenal, comme l’ont fait Servette et Zurich dernièrement. Mais vous pouvez très vite oublier tout ça comme la WCL sera entièrement refondue pour 2024/2025 sur le modèle de son homologue mâle et qu’une sorte d’Europa League y sera ajoutée. C’est probablement plus dans la seconde nommée qu’on retrouvera l’une ou l’autre escouade helvétique.

Bon, et on le gagne comment ce championnat ? C’est probablement là qu’on va perdre les trois derniers footeux qui nous avaient fait l’amitié de rester… Depuis la saison 2021/2022, il y a… il y a… 🥁 🥁 🥁 DES PLAYOFFS !!! LES 10 EQUIPES pardon on arrête de hurler les 10 équipes s’affrontent en matches aller-retour pendant la saison régulière et ensuite les 8 meilleures participent aux séries finales en matches aller-retour également (premier contre huitième, deuxième contre septième, etc.) avant une finale sur un match sur terrain neutre (ou pas suivant les finalistes) décidé à l’avance. Les neuvième et dixième participent à un tour de relégation face aux deux meilleures formations de deuxième division (qui n’a apparemment pas de nom complètement con, c’est juste la LNB).

La compétition

Là on retrouve nos vieux repères masculins puisque c’est plus ou moins toujours les mêmes qui gagnent. Le FC Zurich a gagné 11 titres depuis 2009. Et les autres ? Un titre pour le Servette FC Chênois Féminin en 2021, un pour le FC Neunkirch (qui a immédiatement fait faillite, c’en était trop) en 2017, un pour YB en 2011 et un pour un certain Racing Club Pandémie en 2020 dans ce laps de temps. Vous parler de ce qui s’est passé dans cette ligue avant cette période reviendrait à faire de la préhistoire au vu du développement récent du foot féminin, on ne s’y attardera donc pas.

Bon, et c’est fort le foot féminin suisse au niveau mondial ? Comment vous dire… vous avez vu les derniers résultats de la Nati ? Eh bien dites-vous qu’à quelques exceptions près nos internationales aux 2 victoires en 16 sorties en 2023 jouent toutes dans des championnats plus huppés que le nôtre. Lisez plutôt cette liste de résultats récents du FCZ Frauen en Champions League pour mieux comprendre. 0-6 et 0-2 contre l’Ajax, 1-3 et 1-9 devant Arsenal, 0-2 et 0-5 face à la Juventus et 0-3 et 0-4 contre l’OL.

Un dernier truc rigolo: Inka Grings détient le record du nombre de buts marqués en une saison avec le FC Zurich en 2012/2013 avec 38 réussites. Pour vous donner une idée, c’est 10 de plus que le précédent record. En 2022/2023, la tête du classement des buteuses était co-détenue par Fabienne Humm (FCZ) et Natalia Padilla (Servette) avec 21 goals chacune. Bref, dommage que l’ex-goléador allemande n’ait jamais su transmettre cette notion à ses ouailles de la Nati.

L’ambiance

Absolument aucune. On joue dans des centres d’entraînement en pleine cambrousse (GC Campus à Niederhasli) ou encore des enceintes dévolues aux ligues inférieures masculines (la Fontenette) voire même des stades partiellement détruits (Espenmoos). Essayez une fois de regarder un match du FCZ Frauen au Heerenschürli, au nord du zoo de Zurich, via le live stream gratuit de la ligue. Une « tribune principale » (sic) qui fait un tiers (à tout casser) de la taille de celle du Stade du Censuy à Renens, des gens qui promènent leur chien autour de la pelouse, bref, l’indifférence générale. Comment ça « aucune différence avec les matches du SLO masculin » ? Pas du tout ! Il n’y a pas de chiens aux matches du SLO, voyons.

FC Aarau: Ça commence fort: le club n’a qu’une ébauche de page Wikipédia. On y apprend quand même que l’équipe a remporté les 4 premières éditions du championnat en des temps immémoriaux. Direction Blick (et DeepL) pour y lire que Raimondo Ponte, entraîneur bien connu du FC Zurich masculin de notre enfance notamment, a été engagé par les « Red Boots Aarau » (oui, c’est vraiment leur surnom, regardez bien le logo) au printemps dernier… et viré après 3 matches de championnat cet automne (0-3, 0-3, 0-7). On ne sait pas trop si c’est les résultats ou le fait qu’il devait s’entraîner sur un demi-terrain et faire la lessive de ses joueuses lui-même qui l’ont fait fuir.

FC Bâle: Au vu de ce qui (ne) se passe (pas) du côté masculin, il est peut-être temps pour les fans bâlois de se tourner vers le foot féminin. Et c’est mieux ? Oui ! Les gagnantes de la Coupe 2014 sont en tête du championnat au moment où on écrit ces lignes après 10 matches, avec 1 point d’avance sur Servette et Zurich. Outre l’internationale suisse Coumba Sow, le FCB compte dans ses rangs la fameuse Heiðdís Lillýardóttir, islandaise de son état, très pratique pour la soirée Scrabble de fin d’année organisée par le club.

Grasshopper Club Zurich: Le club a été fondé trois fois. En 1977 en tant que DFC Schwerzenbach, en 2006 sous le nom de FFC United Schwerzenbach et en 2009, enfin incorporé à GC (dommage, « City Schwerzenbach » aurait été un nom qui claque). On notera un titre de champion de Suisse et une joueuse (l’internationale croate Ana Maria Markovic) labellisée « plus belle footballeuse du monde » par des titres dont le sérieux ne se dément plus comme le Daily Star et le 20 Minuten. Pour briller en société, vous pourrez également dire que vous savez prononcer le nom de l’internationale lituanienne Ugnė Lazdauskaitė (on ne peut pas en dire autant), récent transfuge du FC Sion Féminin.

Les Sauterelles en visite à la Fontenette le 30 septembre dernier.

FC Lucerne: Successeur du FC Sursee et du « SC LUwin.ch » (probablement le fruit de la fusion entre le FC LUlose.ch et le LUdraw.ch CF). Les Lucernoises ont été reléguées en LNB en 2009, puis en première ligue en 2010. Comme elles n’avaient pas le même carnet d’adresses que Sunderland histoire de négocier un docu Netflix sur le thème des relégations en série, elles ont préféré s’associer au SC Kriens, alors en première division, pour rejoindre l’élite. Habile. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle une LUwin-win situation (.ch).

FC Rapperswil-Jona: Cinq lignes sur Wikipédia, on a la flemme, on sait qu’elles viennent d’être promues au détriment d’Yverdon (voilà qui pourrait faire office de déclaration prémonitoire en foot masculin) et franchement on n’a pas besoin d’en savoir beaucoup plus. Quel cirque cet article quand même.

Servette FC Chênois Féminin: Si vous êtes romand, vous n’avez pas le choix: c’est votre club en première division. Si vous êtes tessinois… eh ben vous pouvez aller vous faire voir apparemment puisque Lugano a été relégué il y a deux saisons déjà. On sent que pour les versions Wikipédia non francophones ça va être compliqué. En effet, la phonétique du nom est immédiatement ajoutée: [sɛʁ.vet ɛf se ʃɛn.wa fe.mi.nɛ̃] Voilà, c’est beaucoup plus clair. Comme l’acronyme de Football Féminin Chênois Genève (FFCG) était un peu compliqué, on a décidé de rattacher le club au Servette FC. SFCCF, c’est quand même bien plus simple et autrement plus esthétique. On apprend d’ailleurs que la Super League s’appelait NLA+ Ladies first (la galanterie se perd, ma bonne dame) l’année où Servette l’a intégrée pour la première fois en 2018, avant de remporter le titre en 2021, seul triomphe romand tous genres confondus au XXIème siècle. De là à se souvenir qui avait été le dernier lauréat en 1999…

Image rare de la formation d’un groupe de réflexion en vue de créer un groupe de travail.

On notera les présences dans le contingent des détentrices de la Coupe des internationales portugaises Inês Pereira dans la cage et Joana Marchão, des membres de la sélection marocaine Imane Saoud et Elodie Nakkach, de la taulière du banc de la Nati Sandrine Mauron ainsi que de la Suédoise (pas du tout internationale, mais qui a impressionné la rédac’ lors de ses deux visites à Carouge et à l’occasion de la dernière finale de Coupe*) Cassandra Korhonen.

*Mais ne le dites à personne. Officiellement on était au Bamee pour regarder le LS évidemment.

FC Saint-Gall: A en croire notre meilleur ami Wiki, le Saint-Gall-GC d’ouverture de la saison 2020/2021 au Kybunpark est le tout premier match de championnat suisse féminin à être retransmis en live à la télévision. On ne sait pas trop si c’est super ou si c’est très triste. Leur coach d’alors était Marco Zwyssig, ce qui nous rend vachement nostalgique quand même.

FC Rot-Schwarz Thun: Les gens qui fabriquent un logo et qui donnent ensuite le nom des couleurs dudit logo à leur club pour faciliter l’intégration des fans daltoniens, ça nous fascine. D’ailleurs, qu’est-ce qui est rouge et noir, qui monte et qui descend ? C’est Thoune bien sûr ! 8 promotions et relégations entre la LNA et la LNB de 1991 à 2005, ça se fête !

BSC Young Boys Frauen: On n’a pas précisé le « Frauen » à chaque fois, mais là, comme c’est vraiment très rigolo, on se doit de le faire. Le FC Sion peut aller se coucher, son record est battu: 15 victoires en Coupe pour les Bernoises évoluant sous le nom de FC Bern jusqu’en 2009 (si en plus le changement de nom est récent, on se marre d’autant plus). Avec 11 titres, elles sont d’ailleurs deuxièmes derrière le FCZ au classement des escouades les plus décorées en championnat. Impossible de ne pas mentionner la prodige de 17 ans Iman Beney au sein de leur effectif. La fille de l’ancien portier Nicolas et nièce de l’ex-joueuse Noémie avait d’ailleurs été sélectionnée pour la dernière Coupe du monde avant de se déchirer les ligaments croisés du genou à l’entraînement un jour après l’annonce. Il reste à espérer que la relève compte également d’autres membres (sans mauvais jeu de mots, vous nous connaissez) en vue de 2025…

FC Zurich: 24 titres, 15 Coupes, un huitième de finale de Ligue des Champions (en 2013/2014) et donc un parc à chiens en guise de stade. Cela dit, une fois toutes les 17 années bissextiles (si Jupiter et Saturne sont bien alignées), elles ont le droit de jouer au Letzigrund, comme lors de ce derby face à GC en finale de Coupe en 2022, théâtre du record national d’affluence: 7916 spectateurs. En ce qui concerne les rencontres européennes, ce record est toutefois la propriété des Grenat qui avaient affronté Chelsea devant 12’782 curieux en 2021 (0-7 à la Praille). Un record difficile à battre pour Zurich l’année dernière malgré la venue de Lyon, Arsenal et la Juve puisque les championnes de Suisse avaient été reléguées à la Wefox Arena de Schaffhouse, hors de portée des rédacteurs de CR les plus pugnaces. Toutes proportions gardées en termes de population globale, la garniture féminine d’Arsenal s’apprête elle à recevoir Chelsea ce dimanche devant 55’000 personnes selon les derniers chiffres de ventes de billets à trois jours du duel à l’Emirates Stadium. Y’a encore du boulot, comme dirait l’autre.

Une influenceuse TikTok nommée Alayah Pilgrim, 20 ans, repérée (à fort juste titre) par Inka Grings pour le FCZ puis la Nati.

A part ça, Zurich ADORE les playoffs puisque les pensionnaires du Heerenschürli sont doubles championnes en titre en ayant terminé à chaque fois deuxième de la saison régulière derrière Servette. Une dernière pour la route: outre Alayah Pilgrim, Seraina Piubel, Fabienne Humm (Suisse), Viktoria « tcheu c’te » Pinther (Autriche) ou encore Diane Caldwell (Irlande), la grande artisane du succès zurichois récent se nomme… Inka Grings bien sûr, puisque la troisième meilleure buteuse allemande de tous les temps y a gagné deux titres et deux Coupes en tant que joueuse et encore réalisé un doublé comme coach.

 

Crédit photographique:

Alayah Pilgrim: Zz42/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Alayah_Pilgrim_vs_Olympique_Lyonnais_(7.12.2022)_(cropped).jpg

A propos Raphaël Iberg 174 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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