L’Epuration Stadion ? Non merci !

A l’instar de tous les passionnés de foot à Lausanne et dans le canton de Vaud, je me suis réjoui lorsque j’ai vu les manchettes des journaux annonçant la présentation d’un projet de nouveau stade dans la capitale olympique. Après des années d’inertie, d’occasions ratées et de bricolage sur les installations en place, Lausanne allait enfin se doter d’une véritable arène pour ses footballeurs. J’ai malheureusement dû déchanter en voyant les tenants et les aboutissants du projet.

Manifestement, l’unique but du projet est de raser la Pontaise et les installations sportives attenantes pour y placer des logements lucratifs et rameuter des contribuables sur Lausanne. Il aurait toutefois été politiquement difficile de faire admettre la destruction du stade sans prévoir de solution de remplacement ; du coup, les autorités, pour donner un os à ronger aux footeux, mettent à disposition, pour ériger le nouveau stade, un lopin de terre ingrat, exigu, coincé entre une autoroute, un cimetière et surtout une station d’épuration, la «fameuse» STEP. Un terrain dont absolument personne n’aurait voulu pour y implanter quoique ce soit. Tous les étudiants ayant fréquentés l’UNIL connaissent la puanteur qui peut régner sur Dorigny certains matins, selon le sens du vent. Et le futur stade du Léman (il faudra beaucoup d’imagination pour deviner la proximité du lac) serait situé beaucoup plus près de la STEP que les bâtiments académiques. Je ne m’imagine même pas assister à un match durant nonante minutes dans cette odeur. Et encore moins que des sportifs puissent accomplir une performance physique dans cette atmosphère. Certes, si les adversaires, peu accoutumés à ces conditions de jeu, ont besoin de masque à oxygène à la mi-temps, cela pourrait constituer un avantage pour les joueurs lausannois. Il y a bien une équipe romande de Super League qui empêche le gazon de pousser et creuse des trous sur sa «pelouse» pour favoriser le style plutôt combat de rue des caïds locaux. Mais il y a sans doute d’autres moyens, plus glorieux, pour redonner au Lausanne–Sport la place qu’il mérite dans la hiérarchie du football suisse.
Par ailleurs, à moins de bétonner le Parc Bourget, les places de parc indispensables à la construction d’un édifice de cette envergure feront défaut. Les stades modernes ne doivent pas vivre seulement un dimanche sur deux, lors d’un match, mais tous les jours de la semaine. Pourtant, on peine à discerner quelles activités économiques pourraient donner au futur stade l’animation et surtout la rentabilité indispensable à son financement dans un endroit aussi défavorisé, coupé des zones d’habitation par des voies de circulation infranchissables et déjà surchargées aux heures de pointe. Si l’on excepte les macchabées du cimetière voisin, on ne voit pas trop quelle clientèle fera vivre, en dehors des jours de match, le centre commercial projeté, situé dans une région, l’Ouest lausannois, déjà saturée en la matière.

Le football d’élite n’est pas la seule victime du projet de nouveau stade lausannois. Les footballeurs des talus, en lieu et place des terrains de la Blécherette, seront relégués sur la deuxième parcelle la plus défavorisée et malodorante de la ville : le long de l’aérodrome, entre le Carrefour du Solitaire et le parking de la Tuilière, soit juste à côté des… compostières municipales. D’un côté, les pouvoirs publics sont prêts à investir des millions pour défigurer l’un des plus beaux sites du canton, au bord du lac, afin d’y bâtir un Musée des Beaux-Arts que personne n’ira voir, de l’autres ces mêmes pouvoirs publics ne concèdent que quelques terres ingrates aux clubs sportifs, à charge pour ces derniers de financer les infrastructures qui y prendront place. Le sport est décidemment l’éternel parent pauvre dans la capitale olympique !
L’athlétisme n’est guère mieux loti. Alors que la Pontaise est unanimement reconnue comme parfaitement adaptée pour l’athlétisme, avec l’une des pistes les plus rapides du monde et une altitude optimale pour les grandes performances sur le sprint, Athletissima devra déménager. Le meeting doit déjà se battre, année après année, pour conserver sa place parmi les plus grandes réunions athlétiques planétaires. Nul doute que, reléguée dans un stade de Coubertin bricolé avec des tubulaires aux allures de Fête fédérale de lutte, privé de sa piste mythique, la manifestation lausannoise perdra rapidement son standing et sera menacée de relégation en troisième division, voire même de disparition pure et simple.
Il ne s’agit pas de contester la nécessité d’un stade spécifiquement consacré au football à Lausanne, ni de remettre en cause la capacité prévue de l’enceinte (15’000 places), parfaitement adaptée aux réalités vaudoises. Il s’agit seulement d’avoir un stade dont on pourra être fiers, où l’on aura envie de s’y rendre et qui n’agisse pas comme un repoussoir auprès des spectateurs et sponsors potentiels. Les supporters lausannois se retrouvent donc confrontés à un grand dilemme. Faut-il adhérer à un projet, certes mauvais, mais qui a au moins le mérite d’exister et de promettre une réalisation à moyen terme ? Ou alors, vaut-il mieux s’engager pour un nouveau projet, plus attractif (par exemple, l’athlétisme dans une Pontaise légèrement re-liftée et un vrai stade de foot soit à Vidy soit au Vélodrome) mais aux perspectives de réalisation plus lointaines ? La deuxième solution me semble préférable. La durée de vie d’un stade est d’au moins soixante ans ; une fois celui-ci bâti, il sera trop tard pour avoir des regrets. De toute façon, la construction du nouveau stade ne résoudra pas tous les problèmes du Lausanne-Sport (voir ce qui s’est passé à Genève). Alors, après «Martigny jamais», «Dorigny jamais» ?

Écrit par Julien Mouquin

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