Y a-t-il le feu dans la maison suisse ?

Résumons. L’équipe de Suisse, absente de la Coupe du Monde 1998, de l’Euro 2000 et de la Coupe du Monde 2002 se qualifie pour l’Euro 2004 au Portugal lors duquel une prestation ma foi assez neutre est offerte. Rien de bien transcendant, mais enfin rien d’humiliant non plus. Arrive la Coupe du Monde 2006, une nouvelle qualification et une défaite assez terne face à une solide équipe d’Ukraine après un premier tour bien maîtrisé.

La progression, statistique au moins, saute aux yeux. Dans le même temps, l’entraîneur en place prône la stabilité, reste campé sur ses principes, procède à de légers ajustements (éviction de plusieurs joueurs, confiance dans ses cadres, bonhomie apparente) et les individualités semblent progresser, du moins leurs statuts. Nous n’en sommes pas au point où les joueurs suisses sélectionnés sont d’indiscutables titulaires dans de prestigieux clubs européens, mais enfin, la majorité des joueurs sélectionnés font partie de la rotation de clubs tels que le Borussia Dortmund, la Lazio Rome, Arsenal, l’Olympique Lyonnais ou le VfB Stuttgart, situation impensable il y a seulement 6 ou 7 ans. Même le plus indécrottable broyeur de noir doit le reconnaître : l’équipe de Suisse progresse linéairement depuis quelques années. Ajoutez à cela la perspective d’un Euro à domicile dans un peu plus d’une année, un incroyable engouement populaire et les résultats encourageants des sélections de jeunes et l’on pourra aisément conclure que l’avenir de l’équipe nationale s’annonce bien.

Et pourtant

Et pourtant, le petit monde du football suisse semble catastrophé à l’heure de découvrir que son équipe nationale ne va pas gagner l’Euro 2008, comme si un être sain d’esprit pouvait seulement avoir eu l’idée de croire que cela pouvait être le cas. Soyons plus précis et plus prudents : la Suisse va peut-être gagner l’Euro 2008, mais disons que cela constituerait une surprise et ne serait pas vraiment révélateur de son niveau, mais plutôt d’un mois de compétition parfaitement maîtrisé. Les écarts à haut niveau sont tellement faibles que l’équipe nationale a parfaitement les moyens de brandir cette coupe si convoitée dans un peu moins de 500 jours, mais bien que le résultat nous remplirait de joie, il conviendrait de garder les pieds sur terre et de n’en pas tirer de conclusions hâtives.
Les récentes défaites contre l’Allemagne, l’Autriche ou la Colombie n’ont ainsi rien d’infâmant, elles ne sont que le reflet de la place de notre équipe nationale sur la scène mondiale. La Suisse progresse, mais elle reste une nation au potentiel largement inférieur aux ténors et comparable à des nations voisines. Perdre contre l’Autriche n’a rien d’infâmant, mais le bon peuple helvète grisé par les succès des années précédentes (mais quels succès, au fait ?) se voit un peu trop beau et aimerait pouvoir rivaliser dès aujourd’hui avec les grands. La Suisse de Köbi Kuhn (en place depuis 2001) progresse, mais la Suisse va à son rythme, n’oublions pas les claques reçues en Russie, entre autres, histoire de remettre l’église au milieu du village ou les chevaux dans l’écurie, au choix.
Cela étant posé, il y a effectivement urgence, le championnat d’Europe approche et l’équipe de Suisse se doit d’y faire bonne figure, ce qui n’est pas le cas actuellement. On peut en effet s’interroger sur les prestations de Cabanas, poids mort du milieu de terrain helvétique lors de la tournée américaine, gloser sur le manque d’assurance et les articulations vieillissantes de Zuberbühler (Laurent Walthert et Xamax étant les principaux bénéficiaires de sa sélection ce week-end, cruelle ironie), s’inquiéter des prestations en demi-teinte des pourtant si prometteurs et si formidables Margairaz, Dzemaili ou Senderos. Alors ? Créer un électrochoc et virer Köbi ? Rappeler N’Kufo ? Introniser Esteban ? Proposer un pont d’or à Hitzfeld pour cumuler Bayern et équipe suisse ? Les questions ne manquent pas, le temps oui. La solution miracle n’existe pas et il est vrai que les prestations offertes depuis la Coupe du Monde donnent à réfléchir, de même que la manière proposée, tant les internationaux donnaient l’impression de sortir de leur chaise longue pour un petit jogging, que ce soit face à la Jamaïque ou face à la Colombie. La question du brassard n’aurait pas du avoir à se poser, pour jouer à ce rythme, autant le laisser à Vogel (en passant, marrant de constater à quel point Pierre-Alain Dupuis a plus d’une fois insisté sur Ludovic Magnin et son rôle de vice-capitaine exemplaire. Bon, il faut dire que Magnin est le seul joueur qui autorise encore Dupuis à l’interviewer…) !

On ironise un peu, mais la Suisse devra sérieusement élever son niveau de jeu au cours des prochains mois et l’on peut douter légitimement de la capacité de Köbi à mobiliser son vestiaire autour d’un objectif commun. Laissons lui cependant le mérite de proposer une direction assez claire, même s’il n’est pas insultant de lui reprocher son manque de communication, tant interne qu’externe. Il fait ses choix, s’y tient et il est indéniable que gérer ces deux ans de matches amicaux n’est pas une tache aisée (demandez à Aimé Jacquet, il vous expliquera cela bien mieux que moi). Il a aujourd’hui quelques mois pour redresser la barre, mais soyons honnêtes, le bateau suisse n’est pas en train de couler. Il vogue simplement à son rythme, qui n’est pas celui que ses supporters imaginent. Attention toutefois à maintenir le vaisseau rouge et blanc dans la bonne direction, celle d’un Euro réussi.

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