Veni, vidi, Winti

Il est des déplacements que les supporters attendent avec impatience. Cela tient généralement au fait que l’adversaire est particulièrement fort, le groupe adverse spécialement haï ou apprécié, le stade joli ou le LS en forme… Cela peut aussi simplement dépendre de la date : un match de reprise, après les 12 ans d’hibernation estivale, a toujours la saveur particulière de l’événement qui te permet de ne pas passer le week-end avec ta femme.

Pour faire simple, disons qu’en LNB, si l’on devait chaque week-end jouer à Vaduz contre Baden, dans un stade comme l’Utogrund et devant les supporters de Wohlen, il y a longtemps que je me serai roulé en position fœtale sous mon lit.

Le déplacement à la Schützenwiese est depuis quelques années l’un de mes préférés : stade sympa, politique de prix agréable, bière servie au demi-litre pour 4 francs et supporters bien présents. Cela fait quelques temps que j’avais des contacts avec certains membres de la subtilement nommée Bierkurve, et comme ce n’est pas avec les alcooliques gauchos que j’ai le plus de problèmes, je me promettais une fois de repartir en piste avec eux. De fait, cela avait déjà été le cas lors du tout premier déplacement du BWFK à Winterthour, en avril 2002, où certains supporters locaux, pas plus effarouchés que ça par leur défaite 4-1, nous avaient fait découvrir Winti-Underground-by-night-avec-deux-glaçons.

L’arrivée au stade a un bon petit côté folklorique et organisation à la mords-moi-le-nœud : une porte ouverte en bordure d’un terrain d’entraînement nous permet d’entrer sans effraction directement dans le stade, sans passer par la caisse ni la fouille, avant que la police locale ne nous fasse ressortir histoire d’emprunter les chemins balisés, le tout dans la bonne humeur et les moqueries. Celui qui avait oublié de fermer cette porte a pris un magnifique savon juste à côté de moi, et franchement, se faire engueuler en suisse-allemand, ça confine à la double peine. Par contre, c’est très déçus que nous comptons nos troupes en arrivant dans notre secteur : 10 BWFK et 4 RL, pour un match à Winterthour un samedi à 17h30 par grand beau. C’est juste honteux. La passion est donc soluble dans le ventre mou.

Sur le plan du foot, le LS s’est un peu rassuré en rendant une copie correcte contre Concordia, après avoir saboté le match à Locarno. On sent que certains jeunes, s’ils sont correctement encadrés, peuvent prétendre à mettre un pied dans la porte, et comme le LS n’a que 6 joueurs qui sont encore sous contrat pour la saison prochaine, une arrivée de sang neuf est obligatoire. Ainsi les Pasche (16 ans), Basha (17) et Lalombongo (17) ont tous enfilé le maillot lors de ces derniers matches, et comme Arona revient de blessure du haut de ses 19 ans, un coin du futur sportif du LS semble se dévoiler. Sans compter que quelques jeunes appartiennent au LS et sont susceptibles de revenir de prêt (comme Garcia à Echallens, par exemple). Dame ! Le centre de formation du LS est l’un des tous meilleurs du pays, et gageons que les supporters Lausannois sont prêts à pardonner beaucoup à une équipe formée de gamins du coin. Ainsi la moyenne d’âge de l’équipe était-elle de 23 ans au coup d’envoi (20 ans pour le milieu de terrain), ce qui peut expliquer les difficultés rencontrées au cours du match.

Chez les plus anciens, le retour de Bugnard, de Kaissi et de Ebe soulageait un peu les entraîneurs, qui devaient jongler avec les absences conjuguées de cinq titulaires indiscutables en début de saison. Cela n’empêcha pas Scalisi de débuter le match latéral gauche (!) et le LS d’évoluer dans un 4-1-4-1 qui pourrait devenir sa marque de fabrique.

D’emblée, le LS presse haut et la jouerie est bonne. La balle circule bien, on utilise les côtés comme l’axe, et c’est tout naturellement que Kaissi ouvre la marque d’une superbe reprise de volée. Winterthour ne joue pas mal, se créant même quelques franches occasions, mais le LS est dans le match, et il le sera jusqu’à la mi-temps.

Malheureusement, la machine se dérègle en deuxième partie de match. Nous pensions bien devoir résister pendant les dix premières minutes, mais il a fallu faire le dos rond jusqu’à la dernière seconde. Comme des métronomes, les joueurs de Winti se créent des occasions, et c’est le plus naturellement du monde qu’ils égalisent. On espère que cela va fouetter l’orgueil de nos jeunes, mais rien à faire : on a l’impression qu’en face ils sont plus rapides, plus athlétiques, plus nombreux. Alors bien sûr, peut-être cette équipe s’est-elle rapprochée en se serrant les coudes pendant 45 minutes. Mais le résultat est là, et le deuxième goal, on ne peut plus logique, vint sanctionner une défaite indiscutable.

C’est alors que l’improbable se produisit. Votre serviteur, qui d’habitude après une défaite de Lausanne s’emmure dans sa plus épidermique mauvaise humeur, envoie paître son entourage et rentre se flageller à la maison en écoutant du Pierre Bachelet, décide avec son Président d’aller connaître d’un peu plus près la Bierkurve et ses improbables punks, dipsomanes et autres supporters rouges et blancs. Ni une ni deux, nous nous invitons et apprenons que l’un des piliers du groupe fête ses 40 ans et qu’à cette occasion tout, absolument tout, est offert : de la bière à la caïpirinha, de la saucisse au buffet de salade à gogo, il y a là de quoi nourrir un troupeau de Carlos et abreuver trois générations de Gainsbourg.

Il faut souligner que nous sommes accueillis comme des rois, comme si nous étions des amis de toujours. Impossible d’ouvrir son portemonnaie, même plus tard au bistro, ou de se reposer entre deux gorgées… Ici, c’est la Bierkurve, et on fait en sorte d’être dignes de cette AOC. Le mélange bière-caïpirinha a des effets tout à fait étonnants sur l’équilibre et la pesanteur. Ainsi, aux alentours de point d’heure, me suis-je discrètement retiré pour méditer 45 minutes, pendant qu’une partie de la troupe emmenait mon Président dans un pub-disco-boîte-cave de derrière les fagots. C’est là que je le rejoignis, vers 2 heures du matin, afin de contrôler qu’il était correctement couché à moitié sur une table. J’ingérais quelques céréales afin de me remettre d’aplomb (du houblon, entre autres). Le temps que tout ce petit monde se réveille, j’eus l’occasion de parler du FC Winti, de la Bierkurve, de leurs inimitiés avec Schaffouse et Wil, de leurs liens avec les «Cirrosi Epatica» de Locarno (tiens donc…) Vers 4 heures du matin, enfin ensemble, il apparut qu’il était trop tard pour aller se coucher, malgré les invitations de la moitié du canton. Afin de goûter au maximum au charme désuet et résolument coquet de l’endroit, nous finîmes par investir la piste de danse et par nous contorsionner sur de la Punk-House-Trance, mélange de fusillade dans le Bronx, de sirènes de pompier et de scie musicale.

Le premier train étant habilement prévu à 6h00 du matin, une arrivée en fanfare à la maison, où la moitié de ma belle-famille m’attendait, était programmée aux environs de 9h15 dimanche matin. Avec dans l’œil la lueur d’intelligence qui sied si bien à Rio Ferdinand, je me suis empressé d’aller mourir pendant une heure et demie, avant de virer tout le monde du salon à 10h45 parce que Téléfoot commençait. La vie est un long fleuve.

Winterthur – Lausanne-Sport 2-1 (0-1)

Schützenwiese : 1450 spectateurs.
 
Arbitre : M. Meier
 
Buts : 6e Kaissi 0-1, 69e Romano 1-1, 88e Romano 2-1
 
FC Winterthur : Stöckli, Thrier (88e Avanzini), Romano, Kohler, Radice (81e Hauser), Ohayon, Senn, Barlecaj (46e Murati), Viola, Fejzulahi, Maksimovic.
 
FC Lausanne-Sport : Favre, Kaissi, Lacroix, Miéville, Scalisi (90. Arona), Cabral, Basha (65e Bugnard), Reis (55e Ebe), Crettenand, Malgioglio, Thurre.
 
Cartons jaunes :
33e Kohler, 59e Cabral, 67e Scalisi.

A propos Yves Martin 247 Articles
Cette Nati a deux vertus : celle de faire rêver quasi tout son peuple, et celle d'emmerder les connards de la fachosphère. Longue vie à elle.

Commentaires Facebook

1 Commentaire

  1. Superbe récit camarade. Hilarant et si.. terre à terre. Il est vrai que Winti est un déplacement chaleureux.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.