Sbornaja to Wi(e)n !

Quatrième et dernière équipe du groupe D à passer sous la loupe, la Russie de l’immense Guus Hiddink est présentée par le non moins immense Timothée Guillemin. Dix points pour te parler de cette nation qui, à défaut de gagner l’Euro, devrait au moins présenter un jeu chatoyant et battre l’Espagne, ce qui est déjà pas mal. Prochain pays : l’Autriche par Psyko Franco !

1) Pourquoi ai-je choisi de présenter ce pays ?

C’était au printemps 1991, j’avais 8 ans, TF1 diffusait une demi-finale de Coupe des Champions. Mes idoles de l’époque s’appellent Lothar Matthäus, Chris Waddle ou Reszo Kekesi, c’est l’époque des Panini et des parties de foot enfiévrées dans le préau, bref c’est le bonheur. Et là, sur l’écran du salon familial, je découvre pour la première fois avec ce Spartak-Marseille ce qu’est le football russe, ces superbes arabesques dessinées sur cet écran de télévision, ces passages dans le dos, ces subtiles déviations, cet amour de la passe juste délivrée comme une offrande à un partenaire, et ce stade Lénine… Mon Dieu, rien que d’y repenser, j’en ai des frissons. Les années ont passé, ma passion du foot professionnel s’est délitée au rythme où mes yeux se sont ouverts sur les dérives du foot-business, mais quand même, le football russe garde une place à part dans mon regard de post-adolescent émerveillé.

2) A quoi sert ce pays ?

Bon, on ne va pas parler de géo-politique, puisqu’il y a plus de chances que Julien Mouquin dise du bien de l’Italie plutôt que je sorte quelque chose de pertinent sur le sujet. Bref, la Russie, sur un plan footballistique, elle sert à ce que les pitres d’Occidentaux se plaignent du terrain (bosselé et en pente), du temps (glacial), des policiers (à matraque et kalachnikov), du jus d’orange (empoisonné et frelaté) et repartent battus, la faute à… ben en fait la faute aux Russes qui sont meilleurs qu’eux, mais ça ils ne l’avoueront jamais, ces braves Occidentaux.

La Russie ça sert aussi à ça : nous émerveiller

3) Comment se sont-ils qualifiés et surtout pourquoi ?

La Russie, belle et éternelle, s’est qualifiée en se montrant régulière quasiment de bout en bout. Placée dans un groupe relativement facile avec la seule Croatie comme gros morceau et deux nations de second plan (Israël et Angleterre), les Russes ont pour commencer battu les petits deux fois sans discuter (Macédoine, Andorre, Estonie), ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé. Solides contre les Croates (deux matchs nuls), les Russes n’ont connu que deux défaites, à Londres et à Tel-Aviv. Les Croates ayant remporté le groupe, les Russes ont terminé logiquement à la deuxième place, devant l’Angleterre et Israël, tous deux trop limités pour espérer autre chose.

En fait, les Russes ont pour une fois magnifiquement géré leur parcours, hormis les deux derniers matchs (défaite pitoyable à Tel-Aviv 2-1 et victoire faiblarde à Andorre 0-1), dans une sorte de réveil de démons que l’on croyait enfouis. Ben non.

4) Pourquoi vont-ils gagner l’Euro ?

Parce que Guus Hiddink. Le Mage a en effet réussi le parfait amalgame, c’est-à-dire combiner le talent inné des Russes avec la rigueur et l’efficacité nécessaires. Là où tous ses prédécesseurs, russes ou soviétiques, n’avaient pas réussi à s’affranchir des trafics d’influence (Romantsev venait du Spartak, Gazzaev du CSKA, Siomin du Lokomotiv…), le Hollandais a fait le ménage ! Hiddink se fout de savoir si tel ou tel joueur vient d’ici ou de là, il sélectionne les meilleurs et se tient à l’écart des clivages existant entre tous les clubs de la capitale. Il agit pour l’intérêt supérieur de la nation et ça marche. Avec Hiddink, les Russes ont trouvé l’homme qu’il leur fallait pour franchir un palier, notamment au niveau psychologique. Envolée la peur de gagner, finis les craquages dans les derniers instants après avoir été flamboyants 89 minutes. Les Russes continuent de bien jouer, mais se montrent désormais efficaces, Zenit style ! Tiens, une équipe russe avec un entraîneur hollandais qui vient de gagner la Coupe d’Europe…

Guus Hiddink réalisera-t-il un nouveau miracle ?

5) Pourquoi vont-ils se faire éliminer au premier tour ?

Parce que ça reste quand même la Russie ! Hiddink a beau avoir des pouvoirs surnaturels, il ne peut quand même pas lutter contre des décennies d’échec. La Russie, comme d’habitude, va perdre ses deux premiers matchs de manière pitoyable avant de faire un superbe troisième match qui ne servira à rien. Comme en 1990, 1994 et 2004, classique.

6) Qui sont les joueurs à surveiller ?

Les meilleures individualités ? Tout d’abord le gardien, Igor Akinfeev, de loin le meilleur joueur russe. En fait, c’est le seul joueur de la sélection que l’on peut raisonnablement classer dans les 5 meilleurs mondiaux à son poste, ce qui n’est pas rien. Vainqueur de la Coupe de l’UEFA alors qu’il était à peine majeur, Akinfeev a une expérience déjà impressionnante malgré ses 22 ans et sera un des atouts majeurs de la Sbornaja, ça ne fait aucun doute. En plus, son remplaçant, Vyatcheslav Malafeev est pas trop mal non plus, donc du côté des gardiens, la Russie va bien et vous remercie. Autres joueurs à surveiller, l’excellent milieu de terrain du Zenit Saint-Pétersbourg Konstantin Zyrianov, milieu relayeur capable de percuter et de se montrer dangereux, un peu dans le style Michael Ballack. Sinon, Dinyar Bilyaletdinov, jeune milieu de terrain du Lokomotiv, est un joueur très élégant et très stylé qui devrait taper dans l’œil des esthètes et je sais qu’il y en a parmi vous. Un dernier ? Bon d’accord, on va dire Vladimir Bystrov, une véritable torpille sur le côté droit. La dernière version de la «Russian Rocket» ? Ouais, si tu veux.

Akinfeev, la révélation du tournoi ?

7) Qui sont les joueurs à ne pas surveiller, mais dont on peut éventuellement se moquer ?

Andreï Arshavin ! En fait, c’est pas qu’il est mauvais, l’attaquant du Zenit, c’est juste qu’il a réussi à se faire expulser à la 81ème contre Andorre et à prendre 2 matchs de suspension, ce pitre. Pis comme y a quand même une probabilité non négligeable que sa suspension représente 2 tiers du parcours des Russes à l’Euro, ben voilà, on a le droit d’éventuellement se moquer un peu d’Andreï Arshavin (vainqueur de la Coupe de l’UEFA avec le Zenit, on ne le dira jamais assez).

8) Une bonne raison de les supporter ?

Alexander Pavlenko ! Le milieu offensif du Spartak est présent dans la liste des 25 de Guus Hiddink et ce, pour suppléer éventuellement Andreï Arshavin. Sa particularité ? L’indispensable Yves Martin t’en parlera mieux que moi, mais ce jeune joueur de 23 ans a évolué dans sa jeunesse au… Lausanne-Sports. Je laisse mes copains répondre, mais outre la Suisse, le LS sera-t-il représenté à cet Euro autrement qu’avec Sacha Pavlenko ? Pas sûr… Amis du LS, supportez la Russie !
 
Bon, je viens de recevoir un SMS de Guus Hiddink, il a finalement décidé de ne pas sélectionner Pavlenko dans son cadre définitif des 23. La poisse. Du coup, une autre bonne raison de supporter la Russie, c’est de passer pour un brillant visionnaire vu que la Russie est la nation émergente du football européen et que c’est le dernier moment pour passer pour un analyste éclairé et pas pour un opportuniste. D’ici 4 ans, ils auront gagné la Ligue des Champions et seront favoris pour la Coupe du Monde 2010. A ce moment-là, vous pourrez prendre un air blasé et dire «Ouais, c’est pas une surprise, ça faisait longtemps que je les voyais venir» et tout le monde sera super-impressionné par vos dons de visionnaires. Personnellement, ça fait depuis 1991 que je suis amoureux du foot russe, donc j’ai mangé mon pain noir, merci !

Une autre raison de supporter la Russie…

9) Une bonne raison de ne pas les supporter ?

Parce que si la Sbornaja gagne, je pense que je vais être insupportable et infliger ça à tous mes amis pendant à peu près 45 ans, ils ne le méritent pas.

10) Bon d’accord, mais sinon ?

Laissez-vous surprendre par cette jeune équipe russe ! Pis franchement, ça amènerait un peu d’air frais une équipe offensive et talentueuse dans ce triste football européen, non ? Et en plus, la même année, être sacré champion du monde de hockey, vainqueur de l’Eurovision (bon d’accord…), vainqueur de la Coupe de l’UEFA et champion d’Europe de foot, ça claquerait, pas vrai ? Velikaïa Rossija !

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Groupe D

De la «pro-Grèce-ion» dans l’air ?

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