Seul contre tous

Avec dix points d’avance sur ses dauphins Leverkusen et Mainz, quatorze sur le Bayern, le Borussia Dortmund paraît idéalement placé pour enlever le septième titre de champion d’Allemagne de son histoire. Même si les renversements de situation spectaculaires ont nourri la légende de la Bundesliga. A vérifier dès ce soir avec le choc Leverkusen – Dortmund.

Hannover 96 (4e, 31 points)

Avec Hanovre, on peut mesurer toute la différence entre un début de saison réussi et un début de saison raté. L’an dernier, les Bas-Saxons avaient mal entamé leur championnat, ils étaient restés toute la saison en pleine déprime, n’assurant leur place en Bundesliga que lors d’une victoire à Bochum lors de l’ultime journée. Cette saison en revanche, l’euphorie du maintien et quelques succès en début d’exercice les ont portés vers des sommets insoupçonnés. Alors même que l’effectif n’est pas franchement meilleur que celui qui se traînait lamentablement en queue de classement il y a douze mois. Certes, l’Autrichien Pogatetz a stabilisé la défense aux côtés d’un Eggimann qui retrouve peu à peu le niveau qui en avait fait l’un des meilleurs défenseurs de la ligue en 2007-2008 avec Karlsruhe, il y a eu quelques bonnes trouvailles issues de 2e division à mi-terrain comme Stindl ou Stoppelkamp et l’attaquant norvégien Abdellaoue a été l’une des  révélations du début de saison, dans la sillage du remarquable Didier Ya Konan.
Mais pour le reste, c’est surtout une question de confiance : même les fantasques Hanke et Schlaudraff, après des années de déprime et de bancs de touche, ont retrouvé les joies du terrain et le chemin du but. Au printemps dernier, l’entraîneur Mirko Slomka avait débuté son mandat à Hanovre par six défaites consécutives, tout le monde attendait son licenciement, il a tenu bon et aujourd’hui il est l’entraîneur heureux d’une équipe qui a réussi le meilleur premier tour de l’histoire du club. La belle aventure pourrait se poursuivre ce printemps puisque Sechsundneuzig, le maintien quasiment en poche, peut légitimement prétendre à une première qualification européenne depuis la saison 1992-1993. On n’aurait pas parié là-dessus en début de championnat mais maintenant, avec l’euphorie ambiante, cela n’a rien d’utopique.
Départ : Hanke (Mönchengladbach).
Arrivée : –

Bayer 04 Leverkusen (3e, 33 points)

En enregistrant le retour de Michael Ballack, Leverkusen postulait clairement au premier titre de champion d’Allemagne de son histoire. La Werkself a été plus ou moins exacte au rendez-vous puisqu’elle devance tous les autres favoris dans la course au titre au terme du premier tour. Et ce malgré les blessures prolongées de nombreux joueurs cadres comme Ballack, Hyypiä, Rolfes, Kiessling ou Helmes. C’est dire qu’avec une équipe au complet, le Bayer peut être redoutable ce printemps et l’entraîneur Heynckes va devoir faire face à quelques dilemmes de riches : les expérimentés Friedrich et Hyypiä en défense central ou le prometteur Reinartz ? La star Ballack, le capitaine Rolfes, le Chilien Vidal, énorme au 1er tour, ou le jeune Bender en demi défensifs ? Barnetta, Renato Augusto ou le prodige Sam dans les couloirs ? Kiessling, Helmes ou Derdiyok pour former le duo d’attaque ?
Ce mélange d’expérience et de jeunesse, cette profondeur de banc ainsi que le vécu de Jupp Heynckes devraient permettre au Bayer d’éviter son traditionnel effondrement printanier pour fêter son grand retour en Ligue des Champions. En revanche, pour le titre, cela paraît plus compromis car il y a eu un gros bémol dans le premier tour des Rheinländer, les reléguant à 10 points du Borussia Dortmund et les empêchant de creuser l’écart sur un Bayern déliquescent : un bilan famélique à domicile de 9 matchs / 13 points. On veut bien admettre que l’ambiance feutrée de l’échangeur d’autoroute de la BayArena ne pousse pas à se sublimer mais c’est bien sûr largement insuffisant pour un prétendant au sacre. Du coup, Neverkusen jouera déjà sa dernière carte dans la course au titre ce soir à domicile contre Dortmund. Un succès du Bayer le ramènerait à 7 points du BVB et tout serait relancé, en revanche une défaite reléguerait Vizekusen à 13 longueurs et le contraindrait à remettre ses rêves de titre à plus tard. Si tu n’es pas abonné à Sky, c’est le seul match de ce 2e tour du championnat le plus exaltant du monde que tu pourras voir en direct, sur une chaîne publique (ARD), c’est à ne rater sous aucun prétexte. Sauf si tu es au stade, auquel cas passe boire une bière vers nous, on sera dans le secteur F.
Départ : –
Arrivée : Kampl (Fürth).

FSV Mainz 05 (2e, 33 points)

Mainz a créé la sensation en débutant sa saison par sept victoires consécutives, égalant le record du Bayern Munich en 1995-1996 et de Kaiserslautern en 2001-2002 (ces deux saisons-là, Dortmund avait été sacré champion…) Cette performance était d’autant plus remarquable que l’on s’attendait à une deuxième saison plutôt difficile dans l’élite pour le Karnevalsverein après un premier exercice pleinement réussi ; mais Mainz a fait encore mieux et qui plus est en présentant un jeu beaucoup plus spectaculaire, avec la révélation de nombreux jeunes talents comme Hotlby, Schürrle, Szalai ou Allagui. La suite a été un peu plus laborieuse, sans doute parce que l’équipe, malgré le turnover mis en place par l’entraîneur Thomas Tuchel, n’avait plus la fraîcheur physique nécessaire pour imposer le pressing très agressif qui avait fait son succès. Et aussi peut-être parce qu’elle a un peu manqué d’humilité, à l’image des supporters qui ont sifflé leur équipe après une défaite contre Hanovre alors même que celle-ci occupait toujours une fantastique 2e place au classement. Or, Mainz n’a pas un effectif suffisamment chevronné pour s’autoriser la moindre seconde de relâchement.
Reste que, malgré une fin de 1er tour un peu plus chaotique, Mainz figure toujours sur le podium. De quoi en faire un candidat au titre, comme l’a prétendu Louis van Gaal, après un succès mayencennois probant à Munich contre le Bayern ? Je n’y crois pas, ni même à une place en C1, la défense me paraît trop limitée pour aborder les matchs décisifs de fin de saison. En revanche, l’Europa League pour inaugurer le nouveau stade l’été prochain, cela paraît jouable, à condition de retrouver l’enthousiasme et le dynamisme du début de saison mais c’est loin d’être acquis. 
Départs : Borja (FC Pueblo), Babangida (?).
Arrivée : –

Borussia Dortmund (1er, 43 points)

J’ai déjà eu vaguement l’occasion d’en dire quelques mots, on ne va donc pas trop allonger sur le premier tour du Borussia Dortmund, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 17 matchs, 14 victoires, 1 nul, 2 défaites, 39 buts marqués, 10 encaissés. Soit un total ahurissant pour un club qui n’a de loin pas le plus gros budget de la Bundesliga, le championnat le plus dense d’Europe, où la hiérarchie est sans cesse bousculée, rien à voir avec ces ligues en carton-pâte où l’un ou l’autre mastodonte phagocytent toute concurrence à coup de millions et de transferts pharaoniques. Reste que ce premier tour exceptionnel n’aura pas servi à grand-chose si le BVB ne va pas au bout. Car, même si l’entourage du club s’en défend («on va prendre match après match et on fera les comptes à la fin»), l’objectif ne saurait dès lors être autre que le titre. Ce d’autant plus que le Borussia, désormais débarrassé de l’Europa League et de la Coupe d’Allemagne, pourra concentrer ses forces sur le championnat, ce qui est plutôt une bonne nouvelle quand on connaît l’immense débauche d’énergie exigée par le jeu prôné par l’entraîneur Jürgen Klopp. Autre bonne nouvelle, malgré les innombrables rumeurs qui ont couru durant la trêve, il semble bien que le BVB parvienne à conserver tous ses jeunes prodiges, les Hummels, Subotic, Sahin, Kagawa, Bender, Schmelzer, Götze et autres Barrios. Jusqu’en en juin du moins.
Dès lors que peut-il arriver à Dortmund ? La pression d’abord, qui va immanquablement aller grandissante, tant les attentes sont élevées (tous les hôtels de la région sont déjà complets lors de la dernière journée pour fêter le titre), alors que l’équipe reste très jeune (le onze de base tourne à moins de 23 ans de moyenne d’âge). Il faudra assumer ce statut de leader que tout le monde voudra accrocher et personne ne peut dire comment l’équipe réagira si elle devait concéder deux défaites de suite et voir son avance au classement fondre. Surtout si l’un ou l’autre joueurs-clés, comme Sahin ou Hummels, devaient faire défaut. Les obstacles sont donc encore nombreux dans une ligue fertile en effondrements spectaculaires. Mais avec l’enthousiasme de la jeunesse, une ferveur populaire à nulle autre pareille et un talent fou, les augures sont plutôt favorables. Et pourraient l’être encore plus en cas de succès à Leverkusen en ouverture de second tour. 
Départ : –
Arrivée : –

Écrit par Julien Mouquin