Profession étudiant-footballeur

La Choupère League semble être un succès en terme de nombre de spectateurs. Mais qu’en est-il de la place faite aux joueurs formés en Suisse dans un championnat à 10 équipes ? Ainsi, année après année, la plupart des clubs de cette ligue se battent soit pour l’Europe soit contre la relégation ; les entraîneurs peuvent-ils réellement faire jouer des espoirs de leur région sous cette pression permanente ? Peuvent-ils résister à certains dirigeants qui ont la folie des grandeurs ou qui paniquent après la moindre défaite ? Y a-t-il une place dans l’élite du football suisse pour des joueurs talentueux qui ont été formés avec passion et parfois monnaie sonnante et trébuchante dans ce pays ?

A l’aube du match de l’année pour le club de l’antique stade de la Gurzelen face au FCB des bords du Rhin, j’ai voulu en savoir plus en m’intéressant à un milieu de terrain xamaxien de 18 ans actuellement en prêt à Bienne. C’est donc l’histoire d’un jeune joueur formé en Suisse aux portes de la LNA que je m’apprête à vous conter ; un footballeur qui, selon de nombreux observateurs, a le potentiel pour accéder à la ligue qui est super mais à qui on a pas (encore) fait de place.Il est 14h. Max Veloso m’attend déjà. Nous avons rendez-vous pour un entretien dans un bistrot du centre commercial de la Maladière à Neuchâtel. Le lieu n’est pas choisi par hasard. Max vit à proximité de cette ville depuis un peu plus de 18 ans ; il étudie dans un lycée à 200 mètres de là et joue pour le club locataire du terrain au-dessus de nos têtes depuis l’âge de 7 ans. En fait, il passe moins de temps à Neuchâtel depuis quelques mois puisqu’il est prêté au FCB de l’Arc jurassien, celui où n’évolue pas A.F. (nom connu de la rédaction), footballeur en préretraite et rappeur payé en chips dans son temps libre.
Nous nous connaissons déjà, il n’y a donc pas de round d’observation. Je pose mes questions, parfois indiscrètes ; il ne semble jamais mal à l’aise, toujours positif : c’est presque inquiétant. Heureusement, sa page Facebook me rappelle qu’il est un adolescent presque comme tous les autres.

Les études et/ou le football ?

Alors qu’il a déjà signé un contrat pro en 2009 avec Xamax, il tente de terminer une maturité gymnasiale dans un lycée de Neuchâtel faisant cette année, malheureusement, la une des pages «faits divers» dans toute la presse romande.
En compagnie d’un autre joueur xamaxien, Mickaël Facchinetti, il bénéficie d’un programme spécial au sein de cette institution ; ils ont deux ans pour terminer leur dernière année d’étude. Ainsi, Max devrait terminer son Secondaire II en juin de cette année. Il est conscient de sa chance ; je ressens, néanmoins, une certaine pression sur ses épaules ; il me dit que ce serait mieux qu’il réussisse sa matu cette année, pour lui bien sûr, mais également pour les prochains sportifs qui voudraient tenter la même expérience que lui. En effet, la convention entre Xamax et ce lycée pourrait ne pas lui survivre si l’un des deux camarades ne devait pas réussir sa matu cette année.
Le Canton de Neuchâtel a, d’ailleurs, déjà pris  les devants. Dès l’année prochaine, il compte placer les plus grands espoirs du sport neuchâtelois qui veulent obtenir une maturité gymnasiale au Val-de-Travers. Début des cours à 7h35. Départ du train régional de Neuchâtel pour Fleurier à 6h40…  A quelle heure depuis La Chaux-de-Fonds ?… Les journées risquent d’être longues pour ces sportifs d’élite qui, bien souvent, s’entraînent en soirée… Serviront-ils d’alibis pour maintenir artificiellement quelques classes de lycée ouvertes dans une région qui compte une petite dizaine de milliers d’habitants, éloignée des centres urbains, qui peine à attirer de nouveaux résidants mais qui a brillamment élu le responsable du Département en charge de l’école dans le canton de Neuchâtel au Conseil d’Etat ?
Bref, vous l’aurez compris, ça m’énerve mais revenons à Max.  Pour lui, combiner football et études, c’est une histoire d’organisation quasi-militaire ! Une semaine typique c’est 1 à 2 heures de musculation trois fois par semaine à Neuchâtel, 16 heures de cours à Neuchâtel, 1h30 d’entraînement cinq fois par semaine à Bienne, sans compter les devoirs, les matchs et les déplacements… Il semblerait que cela soit le prix à payer pour rêver d’une carrière de footballeur professionnel en Suisse tout en assurant ses arrières. Mais il ne se plaint pas, Max ; il aime tant le football ; il aime le beau jeu par-dessus tout et il n’est pas étonnant qu’Arsenal et Barcelone soient ses modèles.
A l’école, il apprécie l’économie et le droit. Il pourrait étudier ces domaines si son rêve ne devait pas se concrétiser. Pour l’instant, il en est hors de question. Il veut tenter sa chance dans le football : il a l’espoir d’évoluer, un jour, dans une équipe qui joue le haut du classement en Suisse ou ailleurs. Max a 18 ans, du talent, la tête sur les épaules, des rêves pleins la tête. Il a seulement besoin d’être bien orienté dans cette période charnière de son existence.

Max et Xamax

On ne passe pas une dizaine d’années dans un club sans tisser des liens. Il me dit beaucoup apprécier les physios des rouge et noir qui le conseillent encore lorsqu’il s’entraîne seul dans un fitness de la ville ; il me parle de certains entraîneurs qui l’ont fait progresser comme Stritt et Ursea ; il est toujours proche de certains joueurs comme Facchinetti, Wüthrich, Mveng et Gomes ; sûrement une histoire de génération. Et puis, son visage s’éclaire lorsqu’il parle de Julio Hernan Rossi : pour lui, il s’agit d’un grand professionnel, très humble et qui a su se mettre au service des jeunes du club lors de son passage chez les M21. Il paraît avoir eu une relation privilégiée avec lui : il a su le motiver et lui donner de précieux conseils. Il semblerait que Julio «le banni» réside dorénavant à Lugano mais qu’il traîne encore parfois à Neuchâtel pour y passer de bons moments avec d’ex-coéquipiers ; Max en est heureux ; il semble fier de le connaître.
Xamax n’oublie pas Max non plus. Le directeur sportif, «Monsieur Paolo», vient d’ailleurs de le rencontrer. Il semblerait que Xamax compte sur lui pour l’année prochaine. S’il termine ses études et si sa fin de saison est positive à Bienne, il réintégrera le contingent de la première équipe. Mais, peut-on faire confiance à «Monsieur Paolo» alors que l’avenir du club à court terme est loin d’être clair ? Verra-t-on finalement Max occuper une place de milieu de terrain au sein du Xamax 2011-2012 ?
Au bénéfice d’un contrat avec la Spin-off de Bernasconi, Max n’a encore jamais évolué en Super League. Pourtant, il avait joué quelques matchs amicaux avec la première équipe en été 2009. Lors de la saison dernière,  dès que le maintien xamaxien a été assuré, l’entraîneur de l’époque a fait jouer quelques jeunes ; Facchinetti, Mveng et Etoundi ont pu montrer de quoi ils étaient capables. Pas Max, il était blessé. Etait-ce déjà le premier tournant de sa prometteuse carrière ?

Le FC Biou

Ainsi, Max est actuellement prêté par Neuchâtel Xamax au valeureux FC Bienne. C’est l’étudiant-footballeur qui a pris la décision de jouer pour les Seelandais. Un jour de printemps 2010, «Monsieur Paolo» lui a transmis l’intérêt que Bienne avait à son égard. Il n’a pas dit oui tout de suite. Et oui, vous imaginez vivre à Bienne ?… Il aurait pu rester à Neuchâtel, continuer de s’entraîner avec le groupe pro, espérer fouler quelques pelouses de Super League pendant quelques misérables minutes, continuer de jouer avec les M21.
Il a préféré avoir du temps de jeu dans la ligue qui est un peu moins super ; il a bien fait. 15 matchs de championnat et 3 de Coupe joués plus tard, il a marqué 5 buts et effectué 8 passes décisives. Il se dit très heureux de ces mois à Bienne, ravi de l’ambiance qui règne entre les joueurs, content de l’accueil effectué par le staff technique.
Ses parents ont vécu ce prêt en Challenge League comme un coup d’arrêt dans sa carrière, comme un mauvais présage. Max est persuadé que ce sera un tremplin pour la suite. L’objectif fixé par Xamax et l’entraîneur biennois était qu’il emmagasine le plus d’expérience possible : comme l’appétit vient en mangeant on lui demande dorénavant de prendre plus de responsabilités. Il a de la chance, Max : Philippe Perret connaît bien les adolescents, le football suisse et «ses» deux clubs. Il ne le grillera pas.

Le ¼ de finale de Coupe Suisse entre le FCB et le FCB (ou Xamax 2 contre FC Novartis)

Depuis la reprise du championnat, l’excitation ne fait que grandir au sein du club bernois. Ce match, les dirigeants, les joueurs et les journalistes locaux l’attendent depuis plusieurs semaines. Par contre, si vraisemblablement il devrait y avoir 5-6 mille spectateurs pour cette partie exceptionnelle, le Biennois moyen ne s’intéresse toujours pas vraiment à son club de football ; les quelque 700 spectateurs de moyenne en championnat sont là pour en témoigner.
Ce quart de finale verra donc s’affronter les leaders du championnat de 1ère division à «la réserve» de Neuchâtel Xamax : en effet, pas moins de 5 joueurs appartenant au club de la Maladière ou ayant joué pour eux font partie de l’effectif. De plus, l’entraîneur et son assistant ont fait les beaux jours de Xamax dans les années 80 en tant que joueurs. L’effectif biennois contient même plus de joueurs formés dans le canton de Neuchâtel que celui cher à Sylvio Bernasconi. A propos, il en est où ton centre de formation Monsieur le Président de Gzamax SA ?

Max se réjouit de cette rencontre. Une fois n’est pas coutume, tous les joueurs vont passer la nuit qui précède ce choc des FCB dans un hôtel de la région. Il pense qu’il faudra tenir 20 à 30 minutes pour faire douter les Gigi Oeri Boys. Après, avec une pelouse dans un état lamentable, il sera plus difficile aux Bâlois de continuer à faire le jeu et sur un contre, tout est possible… «Oublie que t’as aucune chance, on sait jamais, sur un malentendu cela peut peut-être marcher», pourrait dire Jean-Claude des «Bronzés font du ski» à l’équipe seelandaise…
L’arrivée récente de Giuseppe Morello (attaquant, ex-YB et Thoune) dans le club ferme de Xamax a eu des conséquences sur leur système de jeu. L’entraîneur est passé d’un système en 4-2-3-1 à un 4-4-2 d’école. Max a, par conséquent, moins la possibilité de revendiquer une place de titulaire. Mais comme depuis la trêve, Bienne a perdu ces deux matchs avec ce système de jeu, Perret décidera-t-il de changer quelque chose ? Max jouera-t-il d’entrée face à Streller et compagnie ?
Il fait gris. Nous sommes maintenant devant le stade. Je prends quelques photos pour l’article. Nous avons parlé pendant près d’une heure. Je ne lui ai pas dit mais l’ai déjà vu évoluer deux fois cette année avec le FCB.  Je pense qu’il pourra bientôt revendiquer une place en Super League même si, physiquement, il a encore du travail et il lui manque du temps de jeu en Challenge League. Si les «agents» qui tournent autour de lui ne lui montent pas la tête, il pourrait bien réaliser son rêve. Une carrière de footballeur est courte ; l’année prochaine sera décisive et Max le sait bien. D’ici là, s’il marque un autre but de ce style face aux Bâlois, il se pourrait que tout s’accélère…

Commentaires Facebook

2 Commentaires

  1. Joli article. Je suis content que CR s’intéresse au FC Bienne, une formation toujours porté vers l’offensive Il est vrai que l’équipe n’a pas encore réussi à beaucoup accroitre son public depuis la montée de première ligue, mais c’est avec des matchs comme celui de jeudi qu’on fait revenir peu-à-peu les gens au stade.

  2. Oui c’est vrai, super article … mais bon c’est pas le Xamax deux non plus … il y a aussi YB 😉

    Mais quelques jeunes de la région qui pousse bien.

    Le supporter s’intéresse plus au hockey qu’au foot à bienne … c’est comme ça.

    il devrait avoir 6900 spectateur ce soir pour le match de coupe.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.