«J’aime bien ou ça craint» avec Timea Bacsinszky

Alors que Roland Garros battait son plein, CartonRouge.ch a eu le plaisir de rencontrer Timea Bacsinszky. L’occasion pour la nouvelle numéro 1 helvétique, actuellement en convalescence, de nous livrer ses sentiments sur l’actualité tennistique, sa carrière, ses rêves…

Salut Timea ! Pour commencer, peux-tu nous donner quelques nouvelles de ton état de santé ? Je vois que tu as toujours la cheville dans le plâtre…Ma convalescence se passe très bien. Les dernières images ont montré que tout est bien en place, et j’ai la chance d’avoir un super entourage ! J’ai vraiment une famille géniale, j’ai mes nièces à la maison, ça me fait plaisir parce que je ne les vois pas très souvent. J’ai des amis qui me soutiennent à fond, et un copain très présent qui est là depuis le début puisqu’il était à deux mètres de moi quand ça s’est passé ! Et en plus il est physio… (elle rigole) J’enlève ce plâtre dans trois semaines, et ensuite j’aurai un plâtre amovible durant six semaines. Je pourrai donc réapprendre à faire fonctionner ce pied dans lequel j’ai quand même trois vis. Après, on verra en fonction des douleurs, je pourrai recommencer l’entraînement. Je peux pas vraiment donner de date pour un retour. J’ai envie de revenir au moment où cela sera le plus approprié pour moi, parce que le but est que ma carrière dure longtemps…
J’aime bien ou ça craint… le site Carton Rouge.ch ?
Je le consulte rarement, mais j’aime bien… je l’ai connu par le bouche à oreille. Mon manager m’en a aussi parlé. Le concept est sympa, c’est quelque chose de décalé. J’ai l’impression que le monde fonctionne justement souvent avec des idées décalée, votre site en est un bon reflet. Les choses qu’on y lit peuvent être bien ou mal prises, tout dépend l’état d’esprit dans lequel on est…
La première question sur l’actualité du tennis : j’aime bien ou ça craint… la retraite  de Patty Schnyder ?
J’aime bien, mais… ça craint ! C’est une fille que j’ai toujours appréciée, elle a été un modèle pour moi. Ça me fait un peu mal au cœur. En janvier, j’ai souffert du retrait de Tathiana Garbin, ma partenaire en double. Maintenant, c’est au tour de ma compatriote. La presse a été assez trash avec elle, je pense qu’il est plus important de s’intéresser au sport plutôt qu’à sa vie privée. C’est un peu dommage, parce qu’elle a eu une belle carrière ! C’est dommage que sa retraite soit un peu salie, comme cela avait déjà été le cas pour Martina Hingis. Je suis un peu triste, et je me demande qui sera la prochaine
J’aime bien ou ça craint… devenir cheffe de file de l’équipe de Fed Cup à 22 ans ?
(Sans hésiter) J’aime bien, c’est une chouette responsabilité. Je me réjouis déjà d’être sur les terrains, c’est égal quand ! J’ai envie de revenir et jouer longtemps, pour garder ce poste de nombreuses années ! C’est inscrit dans une certaine logique, je voyais bien qu’avec l’âge de Patty, ça devait forcément se faire un jour.

© Ron Angle

J’aime bien ou ça craint… regarder Roland Garros sur France Télévision ?
J’aime bien, j’aime bien… Les matches, en tout cas, oui ! Après, tout ce qui se passe après les rencontres, genre interview avec Tatiana Golovin, c’est pas trop mon truc ! (Elle rigole)
Tu devances ma question suivante ! J’aime bien ou ça craint… la présence sur le plateau et les «analyses» de Tatiana Golovin ?
Ça craint un peu… (elle rigole) Je peux citer en exemple une critique sur Fabio Fognini, où elle l’a traité de comédien. Sur Eurosport, Emilie Loit en a fait de même… En tant qu’anciennes joueuses de tennis, elles ont sûrement déjà eu des crampes, elles doivent savoir ce que ça fait. Alors soit elles sont anti-italiens, soit elles ne l’aiment pas trop.
J’aime bien ou ça craint… regarder le même tournoi, mais sur la TSR ?
(Elle hésite et rigole) J’aime bien, mais ça dépend qui commente ! Même si je sais pas toujours qui est au micro. Maintenant, pour être honnête, ces derniers temps, que ce soit sur France 2, sur la TSR ou sur Eurosport, le son est toujours très bas, et je regarde d’un œil en faisant d’autres choses en même temps, pour compatir avec mon copain qui prépare ses examens…
J’aime bien ou ça craint… l’idée de gains identiques en Grand Chelem pour les hommes et les femmes ? (Pour information, une élimination au premier tour de Roland Garros rapporte 15’000 euros, la victoire finale 1,2 millions…)
Alors ma réponse va déplaire à toutes les femmes, mais je ne suis pas du tout féministe ! Sur l’année, on gagne moins car on a moins de tournois que les hommes. Les Grands Chelems nous permettent de gagner plus d’argent, mais il faudrait imaginer, comme pour les hommes, de mettre un handicap supplémentaire pour l’occasion, par exemple des sets plus longs. De cette manière, les hommes n’auraient plus rien à redire… Mais pour le moment, par rapport aux hommes, c’est un peu injuste.
J’aime bien ou ça craint… l’idée qu’il n’y ait pas chez les femmes, au contraire des hommes, de joueuses véritablement au-dessus du lot ?
J’aime bien, mais ça craint… Ça veut dire que quand je joue contre une top 10, j’ai quand même ma chance ! (Elle rigole) Quand je rentre sur le terrain, je sais que c’est faisable. Mais par contre ça craint, parce que du coup le tennis féminin est pas mal critiqué pour ça, et ça ne donne pas une très bonne image. En tant que joueuse c’est positif, mais pour le grand public c’est plutôt négatif : il y a moins d’audience, les gens s’y intéressent moins. Federer, même si c’est une exception, remplit les stades, alors qu’en Fed Cup… Cette hiérarchie pas vraiment établie décrédibilise un peu le tennis féminin.
Dans la même idée : j’aime bien ou ça craint… voir un classement mondial dominé par une joueuse qui n’a jamais gagné de Grand Chelem ?
(Sans hésiter une seconde) Ah ça craint… Dans le fond, on joue pourquoi ? On joue pour les Grands Chelems ! Personnellement, mon but est toujours de bien jouer dans ces tournois. Je pense que ça doit aussi être le but d’une numéro 1 mondiale. C’est dommage, ça ne donne pas une bonne image du tennis féminin.
J’aime bien ou ça craint… le seul titre en simple remporté au Luxembourg en octobre 2009 ?
Ça craint, parce que je n’en ai pas encore d’autres ! On joue pour gagner des titres ! Depuis que je suis avec mon coach, à chaque fois que je suis arrivée en finale, je l’ai gagnée. Avant cette finale perdue à Bad Gastein… Du coup, la statistique en a pris un coup… (elle rigole) Ça craint vraiment, surtout qu’actuellement (elle montre son pied plâtré du regard), je peux pas faire grand-chose pour que ça change…
J’aime bien ou ça craint… les joueuses qui hurlent sur le court ?
Ça me dérange pas plus que ça. Je vais pas dire que j’aime bien. Je comprends que pour un spectateur, ça peut parfois être assez insupportable. J’ai joué Maria Sharapova, j’ai aussi joué Victoria Azarenka et elle, c’est du lourd ! (Elle rigole) C’est surtout à l’entraînement qu’on y fait attention. En match, on est tellement concentrée qu’on arrive pas à dire si l’adversaire crie ou pas. Pour le public c’est pareil : si tu es concentré, les bruits ne te gênent jamais, mais si tu ne l’es pas, le moindre paquet de chips qui s’ouvre, et tu as envie de tirer la balle vers le pauvre monsieur qui a ouvert le paquet !
J’aime bien ou ça craint… le fait qu’une joueuse comme Justine Henin puisse prendre sa retraite et revenir en réintégrant facilement le top 5 mondial ?
Ça craint pour le tennis féminin. Avant, il y avait une énorme différence entre le top 10 et le top 100. Maintenant, c’est plus ouvert, tout est plus compact, les différences sont moindres. Justine Henin, par son expérience, a pu revenir facilement. Si on regarde Jelena Dokic, elle a un peu plus de mal…

Parlons un peu des hommes : j’aime bien ou ça craint… la première moitié de saison de Novak Djokovic ?
C’est monstrueux ! Bravo… J’aime bien pour lui, mais ça craint pour les autres… (A cet instant, on lui demande son favori pour la victoire finale à Roland Garros, alors que les demi-finales ne sont pas encore jouées. Après une longue hésitation à peser le pour et le contre pour chacun des quatre derniers prétendants, elle se lance…) Allez, je dis quand même Rodg’…
J’aime bien ou ça craint… l’attention que portent les médias helvétiques aux autres joueurs et joueuses que Roger Federer ?
Ça craint un peu… surtout pour Stan. Il est quand même top 20 depuis un bon moment. Je pense que pour lui, Federer doit être une source d’inspiration, ça doit le booster. Mais d’un autre côté, j’aimerais que les médias s’intéressent encore plus à lui, car en plus d’être un bon joueur, c’est une chouette personne. J’aimerais qu’on parle plus de lui avant que Federer ne prenne sa retraite…
J’aime bien ou ça craint… le barrage Suisse-Portugal qui se profile à l’horizon, début juillet ?
Ah, ça j’aime bien ! C’est en Suisse, donc je pourrai aller voir ! (Elle rigole)
Allez Timea, quelques dernières petites questions : ton tournoi de rêve, celui que tu aspires à gagner un jour ?
(Sans hésiter une seconde) Roland Garros ! Avant il y avait Zurich, j’aurais bien voulu le gagner, comme Patty. Petite parenthèse, ils peuvent le remettre, ça peut donner une source de motivation pour les plus jeunes ! Bref, mon rêve, ça reste Roland… Tiens, une histoire que je n’ai pas racontée depuis longtemps : quand j’avais 9 ans, je suis allée disputer un tournoi international en France. Quand les autres sont allés faire un tour en bateau-mouche, moi je suis partie visiter le stade de Roland Garros. Pendant que mes parents discutaient dans les gradins, j’ai sauté sur le terrain, j’ai pris un caillou et j’ai écris sur la terre du Court Central «n’effacez pas ce message, je reviendrai jouer ici !» Mon message a sûrement été effacé depuis, mais je veux jouer un jour sur ce Central !
Le classement qui fait rêver Timea ?
Comme tout le monde, numéro 1 mondiale ! Maintenant, je sais pas si je suis prête pour… Certaines filles donnent tout pour le tennis, et moi j’ai envie de faire les sacrifices, mais à ma manière. On a la chance d’avoir une vie, de vivre sur cette planète tous les jours. Le tennis sera ma vie jusqu’à mes 30 ans, il me restera ensuite les deux tiers de mon existence ! Ma plus grande satisfaction serait qu’à mes 60 ans mes enfants me disent que j’ai été une chouette maman ou que mon futur mari me dise qu’il a aimé passer sa vie à mes côtés plutôt que d’être numéro 1 mondiale. Je sais qu’avec cette philosophie j’irai beaucoup plus loin que si je m’enferme dans une petite boîte ! Etre numéro 1 mondiale, qui s’en souviendra dans une centaine d’année ?! Oui, la place de numéro 1 fait rêver, mais c’est plus important de profiter de la vie ! Mais de la manière dont je vois les choses, les deux ne sont pas forcément incompatibles. Voilà, c’était la minute philosophique…
Dans ton sommeil, à quelle joueuse que tu n’as jamais battue mets-tu deux roues de vélo ?
Alors ça m’est arrivé de rêver de tennis, mais jamais d’une joueuse en particulier. Généralement, quand je rêve, je mets un ace sur une balle de match en finale d’un grand tournoi ! Maintenant, j’aimerais bien battre Serena Williams, elle est tellement au-dessus de tout le monde ! Alors si un jour je lui mets juste une roue, ça sera déjà pas mal… (elle rigole)
Et chez les hommes : Stanislas Wawrinka gagnera-t-il un jour un Grand Chelem ?
J’espère vraiment pour lui… Il mériterait, c’est un bosseur !
Et Roger Federer, il va encore en gagner combien selon toi ?
(Elle réfléchit) Minimum un…
Redeviendra-t-il numéro 1 mondial ?
Si Djoko joue encore longtemps à ce niveau, ça va être chaud. En plus s’ils sont deux contre Roger, ça va être compliqué… Mais il en a les capacités, c’est un joueur qui dure, ça peut se faire !
Pour terminer, à qui voudrais-tu adresser un carton rouge ?
(Elle réfléchit longuement, semble trouver une idée, mais se ravise…) Tatiana Golovin, j’ai déjà critiqué, je vais pas en remettre une couche… (elle rigole et réfléchis à nouveau) Allez, une joueuse que le circuit déteste clairement : Anastasia Rodionova. C’est une catastrophe, une joueuse totalement irrespectueuse. (Timea fait référence à son comportement suite à une balle de match gagnée face à Sabine Lisicki à l’US Open 2009, durant laquelle son adversaire s’est blessée) Pour tout te dire, c’est la seule fille à qui je n’ai pas serré la main après un match de double…
Un grand merci Timea !