This is football

C’est dimanche matin. Les bières et le sourire de la serveuse de la veille font encore un peu mal à la tête et au coeur. L’avion du retour est prévu à 7h45 le lundi et toute une journée de libre s’ouvre à moi dans cette bonne ville de Manchester…

Que faire ? Aller bêtement regarder Liverpool – Manchester City dans un pub ? Bof… Je sais même pas si mon foie va encore supporter beaucoup de bibines locales. Refaire le tour de la ville pour la 22ème fois ? Bof… Ils ont beau tenter de faire croire que le marché de Noël local est le plus mieux bien d’Europe, je n’y ai pas cru très longtemps et leur vin chaud était juste infect. Aller voir le Phoenix de Manchester au hockey ? Bof… Il faut aller dans une patinoire toute pourrie à Altrincham, alors que le club évoluait encore dans une patinoire de 17’000 places il y a une dizaine d’années…

Non, je vais aller voir le FC United of Manchester. Mais oui, vous savez, ce club créé par des fans de ManU, en mode socios et anti-Glazer, qui évolue en Northern Premier League Premier Division (le 7ème niveau national)… Fondé en 2005, il gravit gentiment les échelons des obscures ligues britanniques. Bon, c’est vrai, il perd un peu de public chaque année (de 3000 au départ à environ 1800 de moyenne la saison dernière), mais le fait de jouer à Gigg Lane, du côté de Bury c’est pas vraiment sexy.

Nouveau stade

Dimanche, nous étions un peu mois de 2000 pour le match du 3e tour qualificatif face au terrible Altrincham FC, qui évolue deux niveaux en-dessus, en Blue Square Bet North. Mais les types ont des ambitions. Ils veulent construire à terme leur propre stade un peu plus près de la ville. Ce qui m’a permis de me délester d’une bonne partie de ma petite monnaie, en la refilant aux gamins qui passent avec leur saut pour essayer de te tauper un peu d’argent. Ils en sont à près de 330’000 livres depuis le début. Il en faudrait environ dix fois plus pour voir la nouvelle enceinte sortir de terre.

Ce que je venais chercher, outre un gros rhume, au bout de 51 minutes de bus, alors que la nuit tombait aux alentours de 15h00 et qu’il faisait un vent à décoiffer un roux ? Le football tout simplement. Celui de l’apple pie à la mi-temps. Celui qui veut encore dire quelque chose, avec le n°2 qui évolue latéral droit et où le n°9 joue avant-centre. Le foot où tu comprends pas ce que ton voisin te dit, soit à cause de son vilain accent, soit parce qu’il lui manque une dent sur deux. Celui où trois tribunes chantent – parce qu’il n’y avait personne dans la quatrième – et où t’entends pas du chinois à la buvette. Bref, une sorte de retour aux sources et un sacré choc des cultures après avoir vu Manchester United – Newcastle la veille.

10 noeuds de moyenne

Parti du centre de Manchester vers midi, il était important tout d’abord de se tromper de bus. Au lieu des 51 minutes réglementaires, j’ai mis environ une heure et demi pour rejoindre Bury après un petit détour bien involontaire par Radcliffe. En sortant du car, le choc. Il fait environ – 8000° et le vent m’oblige à me pencher de côté pour espérer avancer. Après un petit kilomètre de marche en mode Alinghi (quand j’écartais les bras, j’atteignais les 10 noeuds de moyenne), arrêt nécessaire dans le seul bistrot du coin. Une bière plus tard, je suis des types avec des écharpes histoire d’être sûr d’être dans le bon sens.

Après avoir doublé des quartiers typiquement anglais – un de ces coins où, si tu rentres bourré à la maison, tu dois essayer 38 serrures avant de trouver la tienne -, j’arrive au stade du FC Bury, occupé également en alternance par le FC United of Manchester. J’étais un des premiers sur place et s’il n’y avait pas eu une boutique et un type qui gueulait «Maaaaatch prograaaaaame !» toutes les 35 secondes, je me serais fait du soucis. Une hot-dog plus tard, les caisses ouvraient et je pouvais me «réchauffer» avec un café 3dl dont ces gens ont le secret et devant la première mi-temps de Swansea – Aston Villa sur une télé toute pourrie – pffff, les larmes de Shay Given à la suite du suicide de Gary Speed, ça te remue le bide autant que leur café.

Le n°5 perd connaissance

Le match ? Exactement ce que je m’attendais à voir, même si j’ai été étonné par l’excellent niveau technique global. Bon, c’est vrai, ils sont un peu tous semi-pros au sein des deux effectifs, mais quand même. Un début de match prudent toutefois – ces deux équipes mancuniennes étaient sans doute troublées par l’absence de pluie -, mais des bons rires grâce au n°5 ventripotent de United. Tel un stoppeur anglais moyen, il sort à la 15ème parce qu’il saigne. Trois minutes après, à la suite d’un nouveau choc, il tombe dans les pommes. Ni une ni deux, ses coéquipiers le mettent en position latérale de sécurité. Après un coup de flotte sur la nuque, il se relève et finira le match… Ils sont pas comme nous ces gens.

Le FC United finira par enflammer le stade juste avant la mi-temps. Carlos Roca, anglais né à Manchester comme son nom ne l’indique pas, a alors ouvert le score d’une superbe frappe du droit, enroulée en pleine lucarne et prise de 25 mètres. Quoi de plus normal, pour un n°7 de Manchester ? Il faut dire que cet ailier de 27 ans avait un compte à régler avec le Altrincham FC. En 2008, il y a passé quelque temps, disputant sept matches, sans jamais s’y imposer et de poser ensuite ses bagages à United.

Les adversaires banlieusards ont égalisé sur corner par leur avant-centre de 1m60 juste après le thé, mais il était écrit que United allait poursuivre sa belle aventure en Coupe. L’excellent Michael Norton a repris de la tête un centre du n°11 dont le nom m’échappe et Gigg Lane a pu se laisser aller à divers chants qui m’ont donné une piloérection presque aussi violente que les frimas mancuniens. Le FC United of Manchester a glané son ticket pour le 1er tour du FA Trophy et retrouvera Guiseley AFC à ce stade de la compétition. Pour ma part, il était temps d’aller reprendre le bus (le bon cette fois) et de chercher un pub avec wifi pour vibrer à la victoire de l’OM sur le PSG. Une bien belle journée de football.