Des nouvelles d’outre-tombe

«Neuchâtel Xamax» est mort en 2012. De sa mort lente mais spectaculaire sur la fin est né «Neuchâtel Xamax 1912». Son existence a été courte puisque, après une fusion avec le FC Serrières, il laisse déjà sa place à «Neuchâtel Xamax FCS». Ô joie dans les chaumières neuchâteloises ?

Pour l’amateur éclairé de football que je suis, le championnat suisse de 2ème ligue inter ressemble à la mort : il n’a pas d’intérêt mais je n’arrive pas à oublier qu’il existe. Après des mois d’abstinence volontaire, dans un état de manque, tel un patient du docteur F. (ami de Rafael N.), j’ai craqué et me suis arrêté autour d’un terrain de football où d’honnêtes joueurs de football vêtus de rouge et de noir tapaient dans une balle. A première vue, il semblerait que l’ex-club du Pigeon d’Or 2011 n’aille pas trop mal puisqu’il est en tête de son groupe de 2ème ligue inter. D’ailleurs, quoi qu’il arrive, suite à la fusion avec un club de la banlieue neuchâteloise, il évoluera en 1ère ligue classic dès la saison prochaine. Que du bonheur, n’est-ce pas ?Afin de m’assurer que ma période d’abstinence était totalement terminée, j’ai voulu en savoir plus sur la reconstruction de ce club et cette récente nuit de noce entre les deux clubs phares du canton de Neuchâtel. Je me suis tout naturellement adressé au Président du bientôt feu Neuchâtel Xamax 1912, Christian (soulignons la beauté de ce prénom…) Binggeli.
Jusque-là, au travers de la presse et de la télévision, les capacités de ce co-président d’une société spécialisée dans l’installation, le dépannage et l’entretien technique des cabinets dentaires et pédicures ne m’avaient qu’à moitié convaincu ; pouvait-il réellement remettre sur les rails un club habitué à évoluer dans l’élite du football suisse ?
Lundi dernier, juste avant la fusion précédemment évoquée, j’ai pu rencontrer cet homme courageux qui vient de fêter ses 60 ans. Malgré un discours parfois convenu, j’ai senti énormément de lucidité dans son engagement et de sincérité dans ses paroles. Pour l’instant, j’ai l’impression que Neuchâtel Xamax est entre de bonnes mains. Cela fait, au moins, une bonne dizaine d’années que cela n’était plus arrivé ; c’est déjà ça. Mais, est-il vraiment l’homme de la situation ? L’entretien que j’ai eu avec lui devrait vous permettre de vous forger votre propre opinion.

Le bilan de la première année d’existence de Neuchâtel Xamax 1912

CartonRouge.ch : Bonjour et merci de me recevoir chez vous au stade de la Maladière.  Après un an de pouvoir, ne regrettez-vous pas de vous être engagé dans cette aventure ?
Christian Binggeli : Non, au contraire, Il fallait faire quelque chose pour le canton. Tout le monde pleurait après Chagaev. Pleurer, ça ne redonne pas vie à un club ! Et puis, en un an on a fait un excellent travail.
De quoi êtes-vous le plus fier ?
Je sens les Neuchâtelois heureux au stade de la Maladière. Et je suis évidemment content du staff et des joueurs.
Avez-vous des nouvelles de vos prédécesseurs ? Chagaev, la presse en parle assez ; mais qu’en est-il de Bernasconi ?
En effet pour Monsieur Chagaev… Je suis allé voir Monsieur Bernasconi avant Noël pour le connaître un peu mieux. Il m’a raconté ses déboires ; j’ai ressenti de l’écœurement. Je l’ai beaucoup écouté. Mon but principal était de voir s’il était prêt à se réengager d’une façon ou d’une autre pour le club. Et là, j’ai constaté que les cicatrices étaient encore trop profondes. Chose que je peux comprendre.
Que font d’anciens Xamaxiens en fin de carrière comme Bruno Valente à Colombier (2ème ligue inter), Manuel Bühler à Fribourg (1ère ligue promotion) ou encore Pascal Oppliger à Serrières (1ère ligue classic) ? Pourquoi ne jouent-ils pas à Neuchâtel cette année ?
Je me suis approché de Valente après avoir été conseillé par Bernard Challandes. Dans un premier temps, nous ne pouvions pas lui offrir le salaire qu’il demandait lorsqu’il jouait en Challenge League. Plus tard, quelques jours avant qu’il ne signe à Colombier, j’avais un rendez-vous avec lui. Il n’est pas venu et nous a envoyé un sms pour nous dire qu’il avait trouvé sa voie à Colombier. Nous avons été surpris.
Je n’ai jamais été en contact avec Manuel Bühler. Quant à Pascal Oppliger, il était en contact avec Monsieur Cattilaz (entraîneur de la 1ère équipe). Il nous a également envoyé un sms pour nous dire qu’il s’engageait avec Serrières.
Mis à part Page, Doudin et Walthert, deux autres anciens Xamaxiens viendront bientôt nous renforcer. Je me suis également entretenu avec Nuzzolo, Wühtrich et Besle ; ils m’ont dit qu’ils reviendraient un jour.
Vous avez souvent déclaré que votre ambition était d’atteindre la Challenge League à moyen terme ? Est-ce toujours le cas ? Reverra-t-on «prochainement» un match de Coupe d’Europe à Neuchâtel ?
L’ambition est de franchir des paliers sans aller trop vite. Il faudra peut-être passer plus d’une année en 1ère ligue classic. Ensuite, être promu en 1ère ligue promotion ne sera pas facile. Les coûts de fonctionnement sont presque identiques à ceux de la Challenge League alors que ce championnat n’est vraiment pas intéressant pour les sponsors. Mais, au plus profond de moi, ce que j’aimerais, c’est offrir une équipe de Challenge League à la ville et au canton. Après ce ne sera plus mon rôle d’être président ; il faudra un mécène.
En ce qui concerne la Coupe d’Europe, ce n’est évidemment pas pour tout de suite ; je me demande même si, de toute façon, en raison du genre de terrain synthétique sur lequel on évolue, on ne devrait pas, le cas échéant, aller jouer ailleurs…

L’année prochaine, c’est la 1ère ligue classic, l’antichambre de l’excitante 1ère ligue promotion… Vous réjouissez-vous d’évoluer dans ce championnat ? Düdingen, Naters, Lancy, Schötz, Muttenz ou Dornach vont-ils créer l’événement lors de leur venue à la Maladière ?
Oui, je me réjouis. On monte d’une division. Au niveau de l’impact publicitaire, c’est mieux que la 2ème ligue inter. De plus, si on finit dans les deux premiers, on jouera des finales qui sont toujours motivantes pour tout le club, y compris les supporters. C’est surtout le début d’une ascension. C’est bien pour tout le monde cette remontée par palier, spécialement pour les jeunes joueurs.
Revoir «Neuchâtel Xamax FCS» en Challenge ou en Super League n’est pas pour bientôt. Comment entretenir la «passion» du football à Neuchâtel ? Des événements footballistiques sont-ils prévus, par exemple des tournois avec des équipes prestigieuses qui sont en préparation en Suisse ?
Je crois que ce qui fait revenir les gens au stade, c’est d’être dans les premières places du classement et le beau jeu. Après, concernant la venue d’équipes prestigieuses pour des tournois, il faut des moyens et nous ne les avons pas.
Selon diverses interviews publiées dans L’Express de Neuchâtel, vous êtes passé d’«heureux» à «mendiant» entre août 2012 et janvier 2013 ? Que s’est-il passé pendant cette période ?
J’ai constaté que les gens viennent au match quand ils n’ont pas de ski, un anniversaire ou une sortie et quand il ne fait pas trop froid. Je suis un «mendiant» parce que j’ai envie que les gens viennent au stade. Il est très différent de jouer devant plus de 1’500 personnes comme contre Concordia que lorsqu’il y a 300 spectateurs, comme souvent, autour d’un terrain de 2ème ligue inter. Et, évidemment, que je dois mendier un peu lorsque je vais chercher des sponsors.
Selon la presse, Chagaev a laissé une ardoise de 24 millions suite à la faillite de Neuchâtel Xamax. Beaucoup de privés ont perdu de l’argent ; le contribuable aussi est passé à la caisse. Que pouvez-vous dire des liens que vous entretenez avec les pouvoirs publics ?
Les liens sont excellents avec la ville. Nous pouvons, notamment, bien dialoguer avec le service des sports et Thomas Facchinetti. Je remercie publiquement la ville qui nous a mis à disposition gratuitement les installations pour la fondation Gilbert Facchinetti (pour les juniors). Le prix de location du stade pour la première équipe est très attractif. Il nous permet de reconstruire ce club sereinement.
En ce qui concerne le canton, nous ne recevons pas d’argent. Philippe Gnaegi (désormais ex-chef du DECS du canton de Neuchâtel) est un ami. Il a fait office de médiateur au début de l’aventure. Il vient nous soutenir à des séances si nécessaire.
Depuis que vous êtes à la tête du club, la communication a été nettement améliorée. Le site internet du club, par exemple, n’a rien à envier à celui d’une équipe de Super League. Une présentation de l’équipe aux supporters digne des plus grands clubs européens a eu lieu en début de saison ; vous êtes hyper actifs sur Facebook et le forum de supporters ; une équipe de beach soccer a été créée ; des annonces dans L’Express sont publiées avant chaque match, un shop online de produits dérivés existe et j’en passe. Ce n’est pas un peu «too much» pour un club de 2ème ligue inter ?
Non, non. Ce qui est nécessaire est de redonner de la transparence. On a été tellement frustrés ces dernières années car nous n’étions jamais au courant de rien. Avec mon fils (il a réalisé le site et s’occupe notamment du marketing et du sponsoring du club), dorénavant, on passe beaucoup de temps pour être le plus clair possible sur Facebook ou le forum des supporters. On observe attentivement ce qui se dit et on tente d’apporter un commentaire ou une réponse chaque fois que nous l’estimons nécessaire. Une stratégie de communication a été clairement définie entre le département marketing et moi.

Et la fusion avec le FC Serrières ?

Je dois vous poser la question que tout le monde se pose à propos de cette fusion : quel stand garderez-vous à la Fête des vendanges ? Celui de Xamax ou Serrières (probablement le stand le plus populaire de cette orgie automnale) ?
Celui de Serrières ! Notamment cette année pour fêter le vingtième anniversaire du stand du FC Serrières. Mais il y aura une touche rouge et noir dans le vert !
Et cette fameuse fusion évoquée depuis cet été avec le FC Bienne qui aurait permis de retrouver l’élite plus rapidement : pourquoi a-t-elle capotée ?
Je vous explique. On a été abordé de la manière suivante : tant que Bienne n’était pas sûr d’avoir un stade, ils sont venus nous demander de fusionner. Ce qui les intéressait aussi, c’était nos clubs de soutien ! Je ne sentais donc pas bien les choses mais on m’a demandé de ne pas refuser tout de suite.
Plus tard, je suis allé trouver Monsieur Senn (Président du FC Bienne). On a parlé d’homme à homme ; je lui ai demandé si l’année prochaine il serait encore président. Il m’a répondu que non. Il m’a cité 2-3 noms de successeurs possibles et là j’ai senti que cela n’irait pas. Malgré tout, on a continué de nous mettre la pression pour cette fusion. Mais dès que la ville de Bienne a annoncé la construction du nouveau stade, on a reçu un e-mail du FC Bienne qui nous disait que qu’ils n’étaient plus intéressés ! Il faut aussi ajouter que nous avions des conditions : notamment jouer en rouge et noir, garder le nom de Xamax dans l’appellation du nouveau club.
Pourquoi la fusion avec le FC Serrières n’a-t-elle pas eu lieu l’année passée ? Neuchâtel Xamax 1912 (FCS ?) serait alors reparti depuis une division supérieure.
L’année passée, au mois d’avril 2012, il n’y avait pas de club. On ne pouvait donc pas donc fusionner avec du vent. J’avais aussi l’impression que Monsieur Rohrer (Président du FC Serrières) n’était pas prêt. On aurait brûlé une étape.
«Neuchâtel Xamax FCS» est le nom du futur club : le «S» de Serrières, ce club plus que cinquantenaire, ne signifiera plus rien d’ici quelques années, n’est-ce pas ?
En effet, c’est comme parler aujourd’hui à un jeune de «Cantonal». Mais le club de Serrières a déjà perdu beaucoup de son identité depuis son déménagement dans les hauts de la ville. Nous, on tient à maintenir celle-ci, notamment, en gardant les juniors. Ils sont environ 200.
Et les jeunes joueurs xamaxiens, ceux de la première équipe et les autres, que deviendront-ils alors que de nombreux Serrièrois pourraient prendre leur place ?
Pour les jeunes, nous sommes l’équipe miroir. Ils ont désormais en vue un club de 1ère ligue. Cela doit les motiver. Mais, cette ligue est bien différente de la 2ème ligue inter. C’est un autre football, c’est du rentre-dedans, c’est dur physiquement. Il leur faudra un temps d’apprentissage ; ceux qui le désireraient pourraient être prêtés à Colombier ou à La Chaux-de-Fonds.
Comme je l’ai déjà déclaré, la porte est ouverte aux joueurs actuels de Serrières : mais quel joueur, marié, père de deux enfants et qui travaille la journée, sera d’accord de venir s’entraîner six fois dans la semaine ? Les jeunes Xamaxiens continueront donc, probablement, d’avoir une place de choix dans l’effectif de la première équipe.

Au jour d’aujourd’hui, selon les sources, le budget varie de 450’000 à 600’000. Qu’est-ce qui est prévu pour l’année prochaine ?
Actuellement, il est d’environ 450’000. L’année prochaine on va tourner aux alentours de 600’000 mais si on arrive à faire en-dessous, on le fera.
Quelle sera la philosophie de ce nouveau club ? Un modèle à la sauce Athletic Bilbao, qui ne comprend pratiquement que des joueurs locaux, formés dans leur région ou avec des racines régionales, est-il envisageable ?
Oui, pour avoir vécu la filière africaine sous l’ère Bernasconi, on n’avait presque plus de joueurs de la région dans l’effectif. Cela m’attristait. Avec Monsieur Catillaz, on a décidé de redonner place aux jeunes du canton appuyés par des anciens Xamaxiens. Cela va continuer ! Mais, en arrivant dans les ligues supérieures, ce ne sera probablement plus possible.
Pour terminer cet entretien, puisque nous sommes sur CartonRouge.ch,  je vous autorise à brandir un carton rouge à quelqu’un ou quelque chose qui appartient au monde du football.
Je choisis la 1ère ligue promotion. Elle n’amène rien. La télévision ne s’y intéresse pas. Cela n’entraîne que des coûts supplémentaires pour atteindre la Challenge League. Dans quelques années, j’en suis sûr, on reviendra en arrière. A mon avis, on a voulu donner la possibilité à des joueurs remplaçants de Super League de faire un championnat. J’aurais préféré qu’on augmente le nombre de clubs de Challenge League, ce qui aurait créé un championnat plus ouvert et plus intéressant.
Merci et bonne fusion !
PS : ceux qui n’ont pas peur d’affronter «la mort» en face peuvent se rendre ce dimanche sur le toit de la «Maladière centre» où se tiendra le désormais traditionnel derby du littoral (aussi surnommé le «Clasico du chasselas»…) entre Neuchâtel Xamax 1912 et le FC Colombier. Le coup d’envoi sera donné à 16h.
Photos Christian Fauzia et Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

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3 Commentaires

  1. Neuchâtel Xamax S est apparemment
    la « Dream Team » de cette première ligue Classic en cette saison 2013-2014 au vu de son effectif,de son budget (1 million…le plus gros de tout les clubs) et de son histoire.

    Veulent ils remonter les échelons
    comme Servette et le LS l’ont fait il y’a quelques années après leur faillite respective?Ils y étaient arrivés mais quand on s’aperçoit du résultat aujourd’hui
    au niveau sportif et engouement….

    Je suis vraiment étonné qu’ils étaient au bord du gouffre financièrement en Super League
    et qu’à présent ils puissent repartir de plus belle comme ca…Tant mieux pour tout les amoureux du foot neuchâtelois mais cela me laisse un peu perplexe!

    Déjà plus de 1000 abonnés pour de la 1ère ligue Classic et un site internet qui frise avec la perfection…WOW!!!!

    Xamax de retour en super league en 2016??
    N’allons pas trop vite en besogne mais bon!

    Puis juste une question?Pourquoi la ligue amateur n’a t elle pas placé Xamax dans le groupe 1?(à la place de YB2)Cela aurait constitué un groupe entièrement romand et fort joliment attrayant avec nombre d’anciens clubs de Challenge League ou LNB voire LNA…Je ne comprends pas pourquoi Xamax est l’intrus romand du groupe 2 et YBII l’intrus alémanique du groupe 1…..

    Bonne saison à Xamax ainsi qu’à tous les autres clubs 🙂

  2. Xamax de retour en super league en 2016?
    disais je il y a moins de 2 ans

    Ben ça va peut être se concrétiser d’ici une année…qui sait?

    Bravo aux Xamaxiens,les joueurs,leur comité et président
    et tous leurs supporters avec leurs soutiens divers et leur engouement (8500 spectateurs contre Carouge pour de la 3ème division suisse,on est presque en zweite Bundesliga là 🙂 )

    Si le club est sain ? dans leurs structures et infrastuctures,financièrement,que les gens et les fans continuent de les suivre comme ça et qu’une équipe se forme avec des joueurs talentueux compétitifs sportifs conquérants et solidaire dans l’effort,alors le championnat 2015-2016 de Challenge League va être intéressent et passionnant et Ne Xamax sera peut être de retour parmi les grands clubs deSuisse en obtenant une 4ème promotion à la suite,ce qui serait tout bonnement incroyable!

    Si tel devrait être le cas je leur souhaite de garder une structure saine à tout les niveaux du club et après de perdurer le plus longtemps possible! (LS,Servette,Xamax,Bellinzone,Baulmes,Chaux de Fonds) les misères financières je l’espère n’arriveront plus!

    Après cela reste du foot avec tout cela implique et on sait que le fric gangrène une bonne partie des sports.

    Bravo FCS Neuchâtel Xamax et bonne chance pour la suite!

    Et hopp le FCF (ou Team Fribourg d’ici peu de temps,ça va se faire ou pas finalement?)!

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