It’s over lads…

Donc le FC Bâle devait gagner à Stamford Bridge en marquant au moins deux buts. Croire à cela condamnait le quidam amateur de foot à s’attacher à des pitoyables phrases toutes faites telles que «sur un match tout peut arriver» ou «rien n’est jamais joué en football» qui ne présagent jamais rien de bon.

Le scénario on le connait. Aussi prévisible qu’un épisode d’une série débile avec une naine magique qui fait le bonheur des gens. Les plus optimistes (ou les plus naïfs c’est selon) continuaient à envisager une petite possibilité d’espoir. Chelsea allait prendre Bâle de haut, l’esprit occupé par les trublionneries de Mourinho, l’équipe de Murat Yakin allait retrouver la fougue qu’elle avait eu à White Hart Lane (où soit dit en passant elle avait fait 2 à 2), Philipp Degen allait marquer les trois buts qu’il n’a jamais mis dans sa carrière, etc.
 
En plus, depuis quelques années, on se farcit dans ce pays une espèce de théorie fumeuse qui veut que les équipes du territoire helvète soient à l’aise contre les équipes anglaises… Soit, Bâle a battu Manchester en Champions et éliminé Tottenham en EL. Mais accessoirement, on parle de nouveau de demi-exploits que l’on voit comme grandioses. L’équipe suisse a fait au mieux deux matchs nuls contre l’Angleterre depuis 20 ans et les clubs, mis à part Bâle dans les deux exemples précités ainsi que lors de son épopée européenne d’il y a 11 ans, se sont fait tous déguiller à chaque fois qu’ils sont tombés sur des équipes anglaises. Si arracher un nul de temps en temps contre les représentants de cette nation signifie qu’on est «à l’aise» face à eux, c’est dire l’estime que l’on porte à notre propre football.
 
Espérer que Bâle se sorte de cette demi-finale retour contre l’immense Chelsea à Londres, c’était un peu comme continuer à picoler comme un trou et fumer comme un pompier à 30 ans en pensant qu’à 50 on ressemblera à Robert Downey Junior plutôt qu’à Gainsbourg ou Renaud.

Alors quoi faire ? Zapper sur sa télévision pour regarder des inepties manipulées avec des gens qui font de la cuisine sur la musique d’Armageddon ? Profiter de l’occasion pour passer pour un mec classe qui renonce au match pour emmener sa copine au cinéma voir la dernière pleurnicharderie à la poésie de magasin de meuble suèdois et avec Audrey Tautou en sachant qu’on ne croisera pas le regard moqueur de ses camarades (puisqu’il y a foot ce soir ) ? Se coucher sur son canapé, les yeux fixant le plafond et se poser des questions qu’on trouvait pertinentes à douze ans comme «est-ce que le rouge que je vois, c’est pas le même rouge que les autres ils voient ?»
Et bien non. On va regarder ce combat avec ce romantique espoir impossible qui donne tout l’intérêt de regarder 22 mecs se battre pour un ballon (selon la définition des gens allergiques au foot).
Malheureusement, la froide réalité rattrape vite l’utopie. Pour ceux qui ont déjà eu la chance d’aller à Stamford Bridge, l’enceinte prête justement à ne pas faire le fier en tant qu’équipe visiteuse. Chelsea ne jouit pas, sur le continent, de la popularité des Liverpool et ManU, mais il ne reste pas moins qu’en Angleterre, le club n’est pas considéré comme né avec l’arrivée d’Abramovitch et est relativement apprécié. Les supporters sont tout aussi enthousiastes et chantants que des Scousers et l’ambiance y est très intimidante.
Le match s’engage dans ce cadre donc. En ce qui concerne Bâle, rien à redire. Un excellent état d’esprit, un joli jeu à deux touches de balles, une volonté d’aller de l’avant. C’est réellement une jolie équipe d’Europa League et, à nouveau, cela faisait vraiment longtemps que l’on n’avait pas vu un club suisse si honorable. Un très beau but de Salah à la 46ème vient ponctuer notre ambitieux optimisme. Cependant, une première mi-temps où l’on grille une telle débauche d’énergie face au champion d’Europe en titre qui, lui, ne donne pas l’impression de s’être beaucoup sorti les pouces du colon, peut quand même inquiéter un chouia.
Et les craintes se révèlent ne pas être infondées après la mi-temps lorsqu’en neuf minutes le fier ambassadeur de Super League, ce championnat si mal jugé hors de nos frontières, se mange trois goals dans la mâchoire. Murat sort tous ses joueurs-clefs. Là on commence à douter de la pertinence de rester devant son écran. La suite ressemble à l’histoire attendue. Les Bâlois se battent avec courage mais impossible de ne pas admettre avec froideur le constat qui résume tout : les Suisses sont inférieurs.

Heureusement, les subtils fans bâlois sont venus avec leurs fumigènes et amènent une charmante fantaisie. Dès lors en Europe, la Suisse sera connue pour son amour des montres, du chocolat et des pétards qui font de la fumée qui pue.
La vraie question demeure. Avoir vu Bâle en demi-finale d’Europa League est déjà une belle chose sur laquelle on n’oserait lancer le moindre crachat. D’autant plus avec un parcours tout ce qu’il y a de plus honorable, avec une équipe qui a fait vraiment plaisir à voir jouer et un Murat Yakin qui mérite des louanges. De même, se faire éliminer par Chelsea n’a rien d’infâmant. Mais si l’on s’efforce d’être honnête, on a quand même le sentiment que ce ne sera pas tous les ans qu’une équipe suisse aura l’occasion d’atteindre une finale de Coupe d’Europe. Et cela restera une frustration qui ne sera jamais compensée par le fait d’«avoir fait bonne figure». Même s’il y a des effets positifs collatéraux.
Un aspect non négligeable que le foot suisse y gagne se situe dans les points obtenus au classement UEFA qui donnera à nos clubs des places européennes plus avancées que des septièmes tours préliminaires. Et puis, les jeunes joueurs bâlois ont émergé grâce à ce joli parcours.
Mais le vrai point positif, finalement, est que si le FC Bâle s’était fait éliminer avec un vieux 2 à 2, on aurait encore vu se pérenniser ce fait irréfutable que les équipes suisses sont à l’aise contre les Britanniques.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Chelsea – Bâle 3-1 (0-1)

Stamford Bridge, 39’403 spectateurs.
Arbitre : Eriksson (Su).
Buts : 45 + 1’ Salah 0-1. 50e Torres 1-1. 52e Moses 2-1. 59e David Luiz 3-1.
Chelsea : Cech ; Azpilicueta, Cahill, Ivanovic, Bertrand ; David Luiz (82e Aké) ; Ramires (66e Oscar), Lampard, Moses ; Hazard (75e Mata), Torres.
Bâle : Sommer ; Steinhöfer, Schär, Sauro, Voser ; Serey Die, Elneny, Frei (75e Diaz), Stocker (61e D. Degen) ; Salah ; Streller (61e Zoua).
Cartons jaunes : 56e Azpilicueta. 67e Schär. 88e Serey Die.
Notes : Chelsea sans Cole (suspendu). Bâle sans P. Degen (blessé) ni Dragovic (suspendu). 9e poteau de Lampard. 63e latte de Frei.

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5 Commentaires

  1. Est-ce que le péno non sifflé de la 1ère mi-temps pour Bâle aurait changé qq chose? Sans doute pas, tant Chelsea était supérieur. Malgré tout à 0-1 en deuxième mi-temps, et sur quelques malentendus, Bâle aurait pu passer. Ou pas…

  2. Excellent article!
    Le FC Bâle a eu le mérite de faire vibrer les gens même en Suisse romande et du coup d’atténuer le mur se trouvant entre la Suisse romande et la Suisse allemande.
    Bravo!

  3. Le titre du match aller aurait pu être repris:
    rien à dire.

    Les Blues étaient plus forts, c’est clair. Et pourtant, le fan arrive quand même à regretter qq mini-choses qui auraient (auraient!) peut-être (peut-être!) pu changer le résultat final.

    Parce qu’au final, on a un but à la dernière seconde du match aller, un pénalty non-sifflé pour Bâle et une latte de Frei.

    Alors bien sûr, a contrario, y a aussi poteau de l’autre côté et un péno imaginaire au match aller.

    Il aurait fallu un méga-concours de circonstances pour que ça passe, qu’absolument tous les rouages aillent dans le même sens, ce qui, en toute logique, n’a pas été le cas.

    Mais Bâle nous a fait bien plaisir. Il se sont quand même retrouvés à un but et une mi-temps d’une finale européenne et, comme dit dans l’article, on sait pas quand on reverra ça!

    Et puis, quel but de David Luiz! Le plus beau que j’ai vu cette année.

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