Le vieux coup du sort

Benfica n’avait déjà pas été gâté en championnat ce week-end en perdant toute chance de titre à la dernière minute. La finale de l’Europa League n’aura guère été plus clémente avec le club de Lisbonne. Pas de bol : Chelsea avait décidé de gagner.

Une finale d’Europa League a un intérêt principal, c’est qu’elle n’intéresse personne. Du coup, on a droit à des affiches originales, des matchs plus diversifiés et une belle ambiance de supporters (même si ceux-ci auront quand même payé leur billet un bras). L’EL c’est un peu l’antre de l’anti-Footix qui aime quand même les confrontations internationales. Et cette finale… eh bien… elle avait comme un petit air de famille avec celle de C1 de l’année passée entre ce même Chelsea et le Bayern. Une sorte d’illusion. L’illusion d’un Benfica qui, en première mi-temps, a semblé être au-dessus, débordant et étouffant des Londoniens qui donnaient l’impression de courir après le ballon. Mais c’est oublier que les Blues ne montrent jamais l’artillerie tout de suite. Bâle peut en témoigner. Et Cech et Torres firent bien vite oublier que Drogba n’était plus là pour saisir la rare opportunité qui se présente.

Bien sûr, Benfica s’offrit l’égalisation plus que méritée sur le penalty de Cardozo, dix minutes plus tard. L’attaquant en a même profité pour innover dans la célébration de goal. Après le berceau de Bebeto, la boxe sur fanion de corner de Tim Cahill et le tir à l’arc de Robbie Keane, le Paraguayen nous a offert «la crampe» qui fera des émules samedi prochain dans tous les clubs juniors, comme Lusitania Lausanne et Domdidier Super Bock.
Mais c’est là où le professionnalisme de Chelsea ne peut pas être toujours assimilé à du vol. Et Ivanovic vint mettre la tête à la 93ème pour assommer l’équipe portuguaise. La froide gestion d’une équipe qui donne l’impression de savoir ce qu’elle fait et qui, du coup, n’a même pas besoin de procéder au moindre changement dans une finale.
Même s’il est souvent de bon ton de cracher sur Chelsea, il faut reconnaître que cette équipe a une belle gueule. Ramires et Mata donnent beaucoup d’eux-mêmes, Cahill, Cole et Ivanovic ne sont pas des défenseurs à la technique fascinante mais ne lâchent rien et David Luiz a une tête marrante. Il y a aussi Cech qu’il est impossible de détester même si aucun commentateur ne saura jamais comment on prononce son nom (quoi ? Serre ? Tchètche ? Cher ? La chanteuse en plastique ?).
Et puis, bien sûr, il y a Monsieur Frank Lampard qui aurait pu être l’incroyable héros légendaire de Londres si quelques millimètres n’avaient pas empêché sa formidable transversale de devenir plutôt un formidable goal. Le milieu n’est pas seulement l’alibi anglais du club au Lion, il en est l’âme. Et un vrai capitaine qui tient aussi son rôle de relais sur le terrain avec l’entraineur, en ce moment Rafael Benitez.
Benitez justement. L’homme faisait peine à voir lors de la célébration des champions. Aucun joueur pour lui donner l’accolade, aucune expression de joie au coup de sifflet final. A peine un timide sourire, presque coupable, lorsque les joueurs qui soulevaient la coupe à deux mètres de lui, la tendirent une demi-seconde pour qu’il puisse quand même l’effleurer de l’index. Dans un anniversaire d’enfants de neuf ans, il aurait été le petit gros qui se fait taper toute la semaine et qui est quand même présent à la fête parce que sa maman a appelé celle de Kevin pour qu’il l’invite.

Pourtant c’est bien lui qui a remonté les Blues dans le championnat, leur permettant d’accéder à la CL l’année prochaine et de remporter leur second titre européen d’affilée. Mais non, il se fera virer comme un malpropre à la fin de la saison, sans doute pour répondre à un caprice d’un autre entraineur. Avec des coups comme celui-ci, on peut se dire que, comparé aux dirigeants de Chelsea, Constantin est vraiment une petite biche pondérée et raisonnable.
Présent aussi à cette remise de coupe, Eusébio, celui qui flaire toujours les bons coups. En le voyant dans les tribunes, il nous revint immédiatement à l’esprit le moment où il remettait les médailles aux champions d’Europe grecs lors de l’Euro au Portugal, en tirant une gueule pas possible comme s’il mettait des diadèmes sur les têtes de mecs qui se seraient tapé sa femme. La prochaine fois qu’une équipe portugaise atteint une finale d’une compétition, il faut absolument empêcher Eusébio de se trouver à la remise des médailles parce que ça ne présage pas grand-chose de bon.
Que dire de plus si ce n’est que, avec ce nouveau titre européen, Chelsea s’impose encore davantage comme un club majeur dans l’environnement footballistique continental. Même si ce n’est QUE l’Europa League, cette compétition dont tout le monde s’en bat les steaks…
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Benfica Lisbonne – Chelsea 1-2 (0-0)

ArenA Amsterdam, 46’163 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : Kuipers (PB).
Buts : 59e Torres 0-1. 68e Cardozo (penalty) 1-1. 93e Ivanovic 1-2.
Benfica Lisbonne : Artur; André Almeida, Luisao, Garay (78e Jardel), Melgarejo (66e John); Perez, Matic, Rodrigo (66e Lima); Gaitan, Cardozo, Salvio.
Chelsea : Cech; Azpilicueta, Ivanovic, Cahill, Ashley Cole; Lampard, David Luiz; Ramires, Mata, Oscar; Torres.
Cartons jaunes : 14e Oscar, 45e Garay, 61e Luisao.
Notes : Benfica sans Maxi Pereira (suspendu). Chelsea sans Hazard (blessé) et Ba (pas qualifié). 88e, tir de Lampard sur la transversale.