Faut-il s’en réjouir ?

Emmenée par un immense Valon Behrami, la Suisse s’est offerte la deuxième victoire de son histoire contre le Brésil au terme de l’une des prestations les plus abouties de l’ère Ottmar Hitzfeld. Ce succès de prestige prémunit-il pour autant la Nati d’une immense désillusion lors des traquenards scandinaves et balkaniques à venir ? Non. Bien au contraire même.

Vingt-quatre ans après un succès 1-0 sur un pénalty à la dernière minute de Kubilay Türkyilmaz, déjà à Bâle mais devant seulement 13’000 spectateurs à l’époque, la Suisse a obtenu la deuxième victoire de son histoire contre le grand Brésil. Si une telle victoire n’a peut-être plus le même retentissement qu’elle a pu en avoir à une autre époque, on ne va pas bouder notre plaisir. Pour être franc, on n’attendait pas grand-chose de ce match amical et, après nous être coltinés l’inévitable chaos du trajet jusqu’à Bâle (on devrait prohiber les matchs à Saint-Jacques en semaine), on regrettait déjà presque d’avoir fait le déplacement. Mais au final, la rencontre s’est avérée bien plus intéressante que prévu. En outre, la Suisse a obtenu une victoire de prestige non pas en se recroquevillant en défense et en marquant sur un malentendu, comme contre l’Espagne en 2010, ou face à une formation complètement expérimentale, comme l’Allemagne en 2012. Ce succès, la Suisse l’a obtenu sans se cacher et en faisant jeu égal, voir même davantage, avec son prestigieux adversaire qui alignait son équipe type qui s’est dégagée de la récente Coupe des Confédérations (à l’exception de Jefferson pour Julio Cesar au but et Dante pour David Luiz en défense centrale).

Klose marque des points

Le début de match n’a pourtant guère rassuré. Après une dizaine de minutes, Senderos était déjà averti pour une faute d’antijeu rendue nécessaire par une grosse erreur de placement qui a contraint le Genevois à jouer un un contre un lancé face à Neymar. Et quelques minutes plus tard, Benaglio devait sauver devant Hulk qui arrivait seul. Mais après cette entame un peu délicate et en dehors d’une tête de Paulinho sur la latte, la défense helvétique a parfaitement contenu les starlettes brésiliennes, de moins en moins dangereuses à mesure que le match avançait. Le juvénile quatuor défensif de la dernière demi-heure avec Lang, Klose, Schär et Rodriguez préfigure d’ailleurs ce qui pourrait être le verrou helvétique de demain. Même si pour l’instant von Bergen et Lichtsteiner ne se discutent pas. Avec à leurs côtés, pour les prochains matchs, Ricardo Rodriguez, excellent contre le Brésil, et Timm Klose, dont le calme, l’assurance et le comportement taille patron affichés à Bâle, en font désormais le candidat numéro un pour venir seconder von Bergen dans la charnière d’Hitzfeld. 

Enorme Behrami

L’autre grande satisfaction du jour, cela a bien sûr été le match énorme réussi par le Doppelsechs Blerim Dzemaili et surtout Valon Behrami. Si le duo napolitain confirme sa performance, dans un contexte complètement différent, contre l’Islande, on voit mal comment Ottmar Hitzfeld pourrait par la suite justifier le retour comme titulaire de son capitaine Gökhan Inler, qui sera suspendu contre les insulaires et qui a si souvent déçu ces derniers temps avec la Nati, en particulier contre Chypre. Pour le reste, Diego Benaglio a été, comme c’est le cas depuis très longtemps en équipe nationale, impeccable, sa place de numéro un ne se discute pas, malgré la hype Sommer. Très remuant à la pointe de l’attaque et à l’origine de l’unique but du match, Seferovic a également confirmé sa bonne entrée contre Chypre, il faudra voir de quel temps de jeu il dispose à la Real Sociedad mais il semble quand même que la page «Derdiyok, faute d’alternative» peut gentiment être tournée. Sans regret. Sur les côtés, Shaqiri et Stocker n’ont, comme d’habitude avec la Nati, brillé par que par intermittence, mais bien davantage qu’un très discret Barnetta dont la situation complètement bouchée à Schalke 04 devrait bientôt interpeller Ottmar Hitzfeld. Enfin, dans un registre un peu plus négatif, Granit Xhaka a confirmé qu’il n’était pas un numéro dix : on peut se demander si, lorsqu’il faudra faire le jeu face à des adversaires plus modestes, Hitzfeld ne devrait pas tenter le coup avec Gavranovic, Mehmedi, Drmic voire le revenant Costanzo.

L’énigme brésilienne

Il y a quelques mois, tu étais ringard si tu citais le Brésil parmi les candidats à la victoire en Coupe du Monde 2014. Pour être à la mode, il fallait absolument être pour l’Argentine ou l’Espagne, éventuellement l’Italie ou l’Allemagne. Je trouvais un peu prématuré d’enterrer ainsi la Seleçao, laquelle possède les joueurs nécessaires – Thiago Silva, David Luiz, Dante – pour construire le bloc défensif qui peut suffire à emmener une équipe au titre mondial malgré une offensive un peu miteuse, on l’a vu avec la France en 1998, l’Italie en 2006 ou l’Espagne en 2010. Puis est venue la Coupe des Confédérations et la cote brésilienne est remontée en flèche jusqu’à en faire un épouvantail. C’était à mon sens excessif et accorder beaucoup trop d’importance à un tournoi qui s’apparentait davantage à une exhibition commerciale qu’à une vraie compétition sportive avec des équipes, à part le Brésil,  peu motivées, expérimentales et en pré-vacances après une longue saison.
On n’a pas assez souligné le rythme inexistant, l’intensité nulle et le peu d’impact physique de ces rencontres du moins de juin. Bien sûr, ce manque de compétitivité a favorisé des matchs ouverts et des gestes spectaculaires qui ont ravi le chaland derrière sa télévision mais pas vraiment renseigné sur la vraie valeur de cette équipe du Brésil. On ne tirera pas non plus des conclusions péremptoires du contexte assez gentillet d’hier soir avec pas mal de joueurs encore à court de compétition et en pleine préparation. Néanmoins, on a vu que, dans un contexte physiquement un poil plus engagé, le Brésil était vite en difficulté et un peu léger. Scolari ne sera pas très rassuré par la manière dont un Valon Behrami, qui n’a plus joué de match officiel depuis le mois de mai, s’est rendu maître absolu du milieu de terrain, gagnant tous les duels, récupérant un nombre incalculable de ballons et mettant à l’agonie les milieux adverses à chaque accélération. En outre, les Brésiliens ont démontré une grande fébrilité face à l’adversité avec des vilaines fautes de Marcelo et Fernando, sans même parler du comportement pathétique d’un Neymar qui a déjà manifestement bien intégré les us et coutumes de son nouveau club et qui a multiplié les jérémiades et les chutes avec en prime un geste revanchard qui aurait eu le poids d’une expulsion en match officiel.

Vaincre le Brésil, craindre l’Islande

La Suisse a donc parfaitement su maîtriser ce Brésil-là, quadrillant parfaitement le terrain, défendant avec beaucoup d’intelligence et n’hésitant pas à aller titiller la défense adverse avec quelques actions très bien amenées. La Nati a réussi les plus beaux mouvements du match, s’est créée les meilleures occasions et a donc parfaitement mérité sa victoire, même si le but doit beaucoup à Dani Alves qui a hésité entre dégager un ballon guère menaçant en corner ou le remettre à son gardien pour finir par opter pour la solution médiane : la tête en pleine lucarne. Malgré une ambiance amicale et une nouvelle fois pourrie par ces infects machins en carton à bannir beaucoup plus urgemment des stades que la pyrotechnie, on a donc passé une soirée plus sympa que prévu à Saint-Jacques. Cela dit, cette victoire contre le Brésil ne nous rapproche en rien de ce même Brésil. On va affronter deux adversaires scandinaves et deux adversaires balkaniques cet automne en qualifications de la Coupe du Monde, il m’aurait semblé qu’un vieux Suisse–Finlande devant 4’000 pelés à Thoune ou Neuchâtel ou un déplacement à Skopje ou Podgorica sur un terrain dégueulasse auraient constitué une meilleure préparation à ces joutes futures. Mais l’ASF n’a pu résister à l’attrait d’un match de prestige lucratif contre le quintuple champion du monde. Pour le plus grand plaisir d’un public toujours tristement événementiel puisque, même s’il n’a pas rempli le stade, il est venu deux fois plus nombreux, malgré des prix prohibitifs, pour ce match sans enjeu que pour celui, capital, contre Chypre. On espère vivement que le Wankdorf fera le plein début septembre contre l’Islande, notre prochain adversaire. Lequel ne manquera pas de poser des problèmes bien différents que le Brésil d’hier soir, avec un jeu plus physique, plus défensif, laissant moins d’espace. Ces dernières années, nos exploits contre des grandes nations du foot ont souvent été suivis d’assez près par des revers navrants contre des sans-grades (le Honduras après l’Espagne ou le Pays de Galles après l’Angleterre). Espérons que cette fois, la Nati saura tirer le positif (et il y en a eu beaucoup) de ce Suisse–Brésil sans s’enflammer ni choper la grosse tête et aborder le match contre l’Islande de manière plus convaincue et convaincante que celui contre Chypre du mois de juin. Avec notre nouveau statut de «FIFA-Konföderationen-Pokal-Sieger-Besieger» (© St. Pauli, je n’allais pas finir un article sans pique contre le Bayern), on devient grandissimes favoris de la prochaine Coupe du Monde, ce serait dommage de ne pas nous rendre au Brésil pour confirmer cette étiquette d’épouvantail.      

Suisse – Brésil 1-0 (0-0)

Parc Saint-Jacques, 31’100 spectateurs.
Arbitre : M. Aytekin.
But : 48e Dani Alves (autogoal, 1-0).
Suisse: Benaglio; Lichtsteiner (62e Lang), Senderos (46e Schär), Klose, Rodriguez; Behrami, Dzemaili (75e Schwegler); Shaqiri (86e Mehmedi), Xhaka, Stocker (46e Barnetta); Seferovic (75e Gavranovic).
Brésil: Jefferson; Dani Alves (69e Jean), Thiago Silva, Dante, Marcelo (56e Maxwell); Paulinho, Luiz Gustavo  (56e Fernando); Hulk (62e Lucas Moura), Oscar (59e Hernanes), Nemyar; Fred (56e Jo).
Cartons jaunes : 11e Senderos, 23e Neymar et Behrami, 83e Fernando, 90e Schwegler.

Écrit par Julien Mouquin

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5 Commentaires

  1. Dur de juger, mais ça confirme qu’on est jamais meilleur que contre un adversaire qui joue et attaque, et qu’on a toutes les peines du monde face à des adversaires regroupés.

    Je reste un peu dubitatif sur certains éléments, comme mentionné Xhaka en 10 (voir même Xhaka n’importe où, en fait) c’est pas la grosse folie, j’ai aussi beaucoup de mal avec Senderos, lent, pas souvent bien placé, régulièrement battus dans les duels (même aériens, CF la barre de Paulinho) et j’ai largement préféré la performance de Klose. Klose – Von Bergen, ça mérite d’être testé.
    Concernant Inler, je pense pas qu’on peut lui enlever sa place de titulaire malgré les bonne prestations de Behrami et Dzemailli, il est quand même titulaire indiscutable d’un grand club européen, et a un rôle de leader important.

    Bref, rien de nouveau mais ça fait plaisir de voir qu’on sait aussi jouer au ballon.

  2. Euuh je me trompe ou je suis le seul a avoir vu un Shaqiri énorme? Il a donné le tournis à tout les maillots jaunes, simplement intenable hier soir.

    Bref, tous à Berne en Septembre histoire qu’on puisse battre le Bresil chez eux cette fois-ci, chez nous c’est trop facile

  3. Senderos… Que dire… Je l’avais vu à l’échauffement contre l’Allemagne (5-2)… Il avait toutes les peines du monde à remettre une balle du plat du pied que Michel Pont lui envoyait… Il en a fait une dizaine avant d’en remettre une correctement

    C’était amusant à voir, mais quelque part, c’est aussi terrible…

  4. la suspension d’Inler est parfaite ……remplacé très avantageusement par Dzemaili, l’équipe a enfin tourné comme jamais.
    Neymar !!!! joueur (protégé!!!) d’ordinaire, nous a démontré malgré son indéniable talent et ….sa propension à se laisser tomber et à rouspéter. (un peu à la Stocker!!!!)
    Pour l’ensemble de l’équipe un immense bravo….

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