LHC, trois lettres qui nous laissent rêveurs

Nous vous retrouvons, chers lecteurs, à l’heure de l’Acte II de la première demi-finale de l’histoire du LHC, pour laquelle les adeptes du patinage arrière dans leur zone défensive ont revêtu leur habit de lumière après s’être brillamment débarrassés du Club des Patineurs de LangnaOUUU (prononciation sponsorisée par Geoffrey Vauclair) au septième acte de leur confrontation à tiroirs non sans avoir royalement gaufré les deux précédents. Bref, nous voilà invités à un feu d’artifice étoilé qui laisserait David Hasselhoff, expert ultime en la matière s’il en est, bouche bée. Et pourtant, à l’aube de cette rencontre décisive, la rédaction de Carton-Rouge s’apprêtait à livrer le bilan d’une saison qui était en passe de nous laisser un sale goût d’emmental moisi après une énième déroute qui aurait redonné au terme “pathétique” trop souvent galvaudé ses lettres de noblesse.

Eh oui, Roger Federer et le Lausanne Hockey Club ont bien failli partager le chiffre 100 pour de bien mauvaises raisons. Si pour le génie bâlois on parle de titres (un mot disparu du dialecte du Pays de Vaud depuis fort longtemps), en ce qui concerne les Agriculteurs de la Gagne de Malley 2.0 (l’engrais adéquat semble enfin avoir été trouvé) on allait atteindre le siècle de sécheresse en séries finales. Et franchement, comme on semblait loin d’en prendre de la graine sur les bords du Léman, l’envie nous titillait déjà de chroniquer le pitoyable effondrement vaudois dès l’expression “demi-finale” imprimée par les médias locaux à 3-1 en leur faveur dans leur série face aux braves paysans bernois. On était déjà prêt à railler Lausanne pour n’avoir fait que respecter son plan de marche pourvu d’autant de rebondissements qu’un scénario de Godard auquel il croyait dur comme fer avec ses guerriers auto-proclamés qui jusqu’alors étaient aux playoffs ce que Todd Elik est à l’école des bonnes manières de la Baronne de Rothschild.

Le fameux patinage synchronisé à 5 qui fait tant plaisir à Stéphane Rochette.

D’accord, on aurait exagéré la moindre en couchant cela sur papier (virtuel) puisque les playoffs n’existent que depuis 1986, mais finalement pas plus que Zangger et consorts à qui l’on avait clairement répondu “il ne nous reste que le générique, mais c’est moins cher” quand ils étaient passés acheter une dose de solidité mentale sur la route menant à la cité emmentaloise jeudi passé. L’ordonnance n’incluait malheureusement pas de hargne, grinta et autre rage, ces qualités qui portaient la griffe des Tigres d’en face (et même, à notre plus grand désarroi, celle des atroces Grenat de Chris McSornette dans leurs authentiques jeux du cirque face à Berne) à ce moment-là. Heureusement pour tous les palpitants lémaniques, il devait en rester un stock découvert sur le tard dans le vestiaire du CIGM provisoire, juste assez pour définitivement dégoûter l’outsider bourbine. Si le but de ce septième match de tous les dangers était d’effrayer à peu de frais les débonnaires supporters prillérans, dont la zénitude devant la tentation des sifflets faciles, des quolibets gratuits et des crises d’enfants gâtés est aussi grande que la pointe de vitesse et la réactivité du duo de menhirs scandinaves Junland-Lindbohm, véritables druides de la relance précise et instantanée, il y avait probablement mieux à faire. Il aurait suffi d’attendre le 30 septembre et la venue de Gritty, la tristement célèbre mascotte des Philadelphia Flyers dont les partisans risquent la cécité à chaque apparition de la seyante tenue qui leur sert d’uniforme à domicile et avec laquelle seuls les équipements nineties d’Andre Agassi peuvent rivaliser.

Mark Streit à l’époque où il représentait les couleurs innommables des Flyers.

C’est là toute la magie du hockey sur glace. Après une saison régulière record qui aura rythmé la vie du spectateur lambda (enfin celui qui paie une blinde pour avoir accès aux matches) pendant trois des quatre saisons helvétiques, l’hiver, l’histoire aurait pu ne retenir que l’incapacité du LHC à porter l’estocade face à une escouade de la cambrousse emmentaloise dont les principaux leaders avaient vu leur contrat avec les Lions ne pas être reconduits pour cause d’incompatibilité avec les nouvelles ambitions du club. A l’inverse, elle (l’histoire donc, il faut suivre) retiendra que Heinz Ehlers, Harri Pesonen, Alexei Dostoinov, Federico Lardi et Larri Leeger (on pourrait ajouter le pur produit du HC Villars Nolan Diem et ses 8 buts par match seul dans le slot face au chef-lieu de son canton formateur) ont été renvoyés à leurs chères études et que leurs plans machiavéliques de vengeance sont restés aussi vains qu’un coup de patin de Tim Traber et aussi inutiles qu’une pénalité du préposé bipolaire aux fusibles du stade Chris DiDomenico. La Gagne, qui semble bien plus facile à cultiver dans un sol arrosé à l’humilité, est à nouveau à portée de mitaine. Et dans ce domaine, être passés aussi près d’une humiliation d’ampleur quasi fribourgeoise semble avoir aidé les futurs pensionnaires de la Vaudoise Aréna à avoir la main aussi verte que leur sponsor titre. Il est vrai que gagner l’insigne privilège d’affronter les virtuoses de la crosse que sont Rouen, Cardiff ou encore Belfast en phase de groupes de la reine de toutes les coupes, celle qu’on ne présente plus, la Champions Hockey League, aurait pu faire tourner la tête à des joueurs moins chevronnés que nos boys. Mais au Lausanne HC, ses 0 titres, ses 9 relégations, ses 5 défaites au 7e acte d’une série de playoffs dans l’élite du hockey suisse et son DJ, on s’applique à ne pas aller plus vite que la musique dorénavant.

Malley 2.0 en folie après la délivrance improbable.

Cette humilité leur est d’ailleurs revenue en pleine face, à la manière d’un slapshot du Mark Streit de la grande époque, dès le début de leur demi-finale face au grandissime favori zougois. En effet, dès l’appel de la première reprise, le magicien Dustin Jeffrey était annoncé K.O. C’était donc le potentiel offensif de Ville Peltonen dans son ensemble qui jetait l’éponge. Autant dire que sans le tireur le plus rapide de l’Ouest (lausannois), il ne restait plus aux protégés du Mike Horn du hockey finlandais, épris de sensations fortes et de risques inconsidérés, qu’à se mettre en chasse-neige dans la peinture bleue de leur infortuné dernier rempart et attendre la cavalerie personifiée par l’hombre le plus efficace au sud de la Venoge. Après avoir tenté sans succès de tenir le 0-0 jusqu’au retour de leur plus fine gâchette (sur un malentendu au quatrième jour de prolongations ça aurait pu marcher…) lors de l’Acte I, il ne restait qu’à remettre la compresse à Malley 2.0 deux jours plus tard. Ben oui, c’est bien connu, à Lausanne on a un système et on préférerait nommer Pascale Blattner à la présidence que d’en changer. En tout cas l’attitude combative des Fauves de l’Avenue de Provence n’était déjà plus à prouver lorsque le stagiaire en communication du club publiait, cinq heures avant le match, les plus plates excuses de son équipe concernant sa sortie avant la fin de la remise des prix mardi soir. Ils n’ont enfreint aucune règle, mais ils ne recommenceront plus, promis. Commencer la partie la queue entre les jambes, c’était déjà du grand art, foi de félin.

Promis, cette fois les Lausannois sont restés sur la glace jusqu’au bout.

Et franchement, on a eu peur l’espace d’un demi-tiers de s’ennuyer ferme. Certains piliers de comptoir du Virage Ouest parlaient même déjà du Suisse-Gibraltar de haute volée qu’ils comptaient s’enfiler après un LS-Chiasso en guise d’apéritif, c’est dire. Et soudain, après un power play lausannois de 18 secondes immédiatement suivi par un double box play pour faire bon poids, c’est l’avalanche. Robin Leone le bien nommé, l’ex-joueur de beau temps Ronalds Kenins, Benjamin Antonietti et Cory Emmerton (malgré Tobias “Houdini” Stephan) répondaient à Reto Suri et David McIntyre, ce dernier ayant été bien aidé par Jonas Junland, adepte du dicton de M. Mégot “le sportif intelligent évite l’effort inutile”, qui prenait le temps de faire du lèche-vitrine pendant la percée de l’attaquant canadien. 4-2 à la deuxième sirène. On se prenait même à croire en une série équilibrée tout à coup. C’était évidemment sans compter le repli massif du LHC dans sa carapace finlandaise à l’étanchéité discutable, bien aidé en cela par l’insupportable et néanmoins diablement talentueuse sangsue Carl Klingberg et les hommes en noir. Yannick-Lennart Albrecht et Garrett Roe, brillamment assistés par l’arrière garde des lieux, pouvaient remettre les deux formations à égalité. Vladimir Petkovic n’aurait certainement pas renié la douce panique qui s’était emparée du camp vaudois à ce moment-là. On ne regrettera finalement pas les 12 minutes supplémentaires d’insultes (dont la plus insoutenable était “SUISSE-ALLEMAND !”) au rythme aussi soutenu que les pulsations de notre ami Junland de certains quinquagénaires du bloc lausannois car c’était l’occasion pour Joël Genazzi de cadrer un tir pour la première fois depuis 2013 et de délivrer le Chaudron. 1-1, puck au centre. Rendez-vous samedi soir dans les contrées sauvages de Suisse centrale pour ce qui pourrait devenir aussi épique que 15 minutes de football danois un mardi soir à Bâle.

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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2 Commentaires

  1. Bravo M. Iberg, félicitations!
    Votre prose est un délice !
    Chaque phrase, chaque mot, c’est du grand art !!
    Dommage que vous ne jouez pas au hockey ou membre du staff.
    Vous seriez d’une grande clairvoyance.
    Encore toutes mes félicitations pour votre article et de plus j’ai ri un ou plusieurs bons coups !!

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