Le mal-aimé : Ivan Lendl

C’est le moment de s’attaquer à nouveau à un sportif dénigré, maltraité, ignoré, hué, bref mal-aimé. En ce chaud mois de juillet, j’ai décidé de m’intéresser au glacial tchécoslovaquo-américain Ivan Lendl.

« Lui, je l’aime pas », « c’est un somnifère ambulant », « on dirait un robot » : c’est le genre de remarques que mes parents prononçaient devant la télévision familiale dès qu’Ivan Lendl entrait sur un court de tennis. Du haut de mes sept ans j’étais forcément d’accord avec eux. A force de lire des articles de journaux à son sujet, d’écouter les commentateurs sportifs et les réactions du public durant ses matches, j’ai compris que le sentiment de mes parents à son égard était largement partagé et, suivant bêtement l’opinion populaire, j’ai continué à le détester sans raison valable. Puis j’ai grandi, Marc Rosset est devenu champion olympique, Martina Hingis est arrivée, suivie par un jeune bâlois casseur de raquettes et Ivan Lendl a complètement disparu de mon radar. Pourtant c’était le prototype du joueur moderne et toutes les générations de tennismen lui ayant succédé lui doivent énormément.

Ivan pas du rêve

Grandir en Moravie-Silésie communiste dans les années soixante et être témoin de l’invasion de son pays par les tanks de l’URSS n’encourage pas à se tourner vers une carrière de comique troupier. Le petit Ivan se tourne donc rapidement vers le tennis, suivant les traces de sa mère, ancienne top-2 tchécoslovaque. Alors oui, Lendl n’a jamais eu le toucher de balle génial d’un McEnroe ou l’élégance d’un Borg, mais comme disait Jacques Brel, « Le talent, ça n’existe pas. Le talent, c’est d’avoir envie de faire quelque chose. » Et Ivan a très, très envie de faire du tennis. Pourtant avant d’être un grand champion, il a longtemps trimballé une image de loser, de mec qui balance ses matches, de poule mouillée, bref de Benoît Paire avant l’heure. Affichant une grande régularité dans les tournois où la pression lui est supportable, il est no 1 mondial en 1983 sans avoir gagné de titre majeur, soit ce qui peut arriver de pire à un joueur de tennis (coucou Marcelo Rios, mal-aimé lui aussi, mais à juste titre). Il lui fallut attendre sa cinquième finale de Grand Chelem en 1984 pour la gagner, lors d’un match mythique à Roland-Garros contre l’américain John McEnroe. Cette rivalité entre les deux joueurs, le chaud contre le froid, deviendra légendaire. Franchement, entre un type sensible qui essaie de fuir le communisme et qui s’en sort grâce à son travail acharné et une grande gueule sans fair-play qui insulte tout le monde, vous choisissez de soutenir le premier non ? Eh bien le public préférera largement tenir pour le second.

« Le champion dont tout le monde se fout » – Sports Illustrated, septembre 86

On lui reproche son jeu de fond de court ennuyeux, OK je veux bien, il n’était pas hyper spectaculaire mais pour faire sept demies dont deux finales à Wimbledon à l’époque où ce tournoi était encore hyper rapide, il fallait quand même savoir attaquer un minimum. Qu’est ce qu’on lui reprochait d’autre ? Soi-disant qu’il alignait les adversaires montés au filet en visant le corps. C’est pas joli, joli on est d’accord, mais il le faisait sûrement pour s’assurer le point, il n’a jamais tué personne. Noah le détestait pour ça, ne ratant jamais une occasion de vomir sur lui en interview. Lendl, pas revanchard, est pourtant venu participer à l’exhibition organisée pour les cinquante ans du Français. Avec McEnroe leur relation s’est détendue au fil des années et « John le terrible » a fini par avouer l’impact énorme qu’a eu « Ivan le pas si terrible » sur la professionnalisation du tennis. Après lui, fini les fiestas en boîte de nuit jusqu’à pas d’heure et terminé l’hygiène alimentaire douteuse (enfin presque). On peut trouver le tennis d’aujourd’hui moins glamour et plus ennuyeux qu’avant, mais tous les sports sont passés par là. L’entraîneur avec qui Lendl a bâti sa superbe carrière en remportant sept tournois du Grand Chelem n’est autre que l’australien Tony Roche. Eh oui, le même Tony Roche avec qui Roger Federer a remporté six de ses dix premiers titres majeurs. Sans les méthodes mises en place et perfectionnées par Lendl et Roche, peut-être n’aurait-on pas eu le même Federer ensuite. Naturalisé américain en 1992, Lendl, père de cinq filles, vit désormais en Floride avec sa femme et ses bergers allemands, jouant beaucoup au golf. J’espère juste qu’il ne vote pas pour Trump, sinon merci d’oublier cette tentative de réhabilitation.

Parfois surnommé Terminator, il y a en effet aujourd’hui un petit air avec Schwarzy.

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4 Commentaires

  1. Petite correction : Lendl c est 8 Tournois du Grand Chelem . 3 Roland Garros / 3 U.S Open / 2 Austrialian Open .
    P.S : Il a toujours été ouvertement libéral , tenant en aversion le régime communiste pour avoir cassé les carrières de sportifs professionnels. Il était aussi surveillé par le KGB pour  » aimer le confort et l argent occidental  » il était forcement suspect !

    • Merci pour le commentaire, ce n’était peut-être pas clair mais je parlais de sept (sur huit au total) Grand Chelem remporté avec son entraineur Tony Roche

  2. Si vous désirez vous du très grand Lendl , c ‘est du côté du Masters qu il faut regarder* ,en 1986 Becker le bat à Wimbledon mais regardez ce que Lendl en fait au Masters ! . C est 5 Victoires et 9 Finales ! Pour mesurer les performances, Federer 6 V et 10 F, Djokovic 5 V/7 F, Sampras 5 V/6 F .Juste derrière Federer : ça parle !!**

    Pour paraphraser Boris Becker pour parler de leur finale mythique : en 1988 aux Masters dans l iconique Madison Square Garden de N.Y. , Lendl était là dans son jardin…Becker finira par l emporter au bout d un bras de fer époustouflant tout en opposition de styles . Et Becker prendra le flambeau de la domination mondiale.
    Je vous invite à voir ce petit documentaire officiel de l ATPWorldTour.com de 5 min relatant cette finale :
    https://www.atptour.com/en/news/atp-heritage-becker-lendl-1988-masters-finale

    PS: Des matchs entiers sont trouvables sur youtube de Lendl au Masters.

    * https://www.youtube.com/watch?v=P3q9Y5fAdMo&ab_channel=krosero
    ** https://fr.wikipedia.org/wiki/Masters_de_tennis_masculin#Bilan_par_joueur
    Quelques jolis coups lors de son dernier Masters en 1991 :
    https://www.youtube.com/watch?v=cqp1eWMFajY&ab_channel=FranTennis

  3. Ivan a été l’un des meilleurs de sa génération mon préféré il a eu le meilleur coup droit il fait parti des 5 meilleurs joueurs de tennis de tout les temps

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