And here’s to you, Jordan Henderson…

Vous le savez, « Born to Lose » est une rubrique destinée aux losers, à ceux qui avaient tout pour réussir mais qui se sont plantés. Mais aujourd’hui, empli de bons sentiments engrangés durant cet été, j’ai choisi de rendre hommage à un type que tout le monde avait vu comme un futur grand, avant de passer pour un loser, pour finalement gagner en tant que capitaine la plus prestigieuse des compétitions de clubs de football.

En tant que fan de Liverpool, j’avais envie depuis le premier juin dernier de faire un article pour célébrer le sacre en Ligue des Champions. Mais je ne savais pas par quel angle attaquer le sujet alors je me suis laissé quelques semaines de réflexion. L’idée m’est alors venue de parler du capitaine exemplaire et relais de l’ombre de Jürgen Klopp, d’un joueur qui a été encore plus critiqué que blessé, j’ai nommé Jordan Henderson.

Mais qui est-il ?

Jordan Brian Henderson (les parents hésitaient aussi à l’appeler Ethan, Morgan ou Nolan) voit le jour le 17 juin 1990 à Sunderland, une ville du Nord de l’Angleterre connue pour absolument rien, mise à part son équipe de foot elle-même un peu nulle. Il passe pro en 2008 avec ladite équipe un peu nulle et est vite prêté à Coventry pour s’aguerrir, une équipe encore bien plus nulle, avant de se blesser. Il retourne à Sunderland et s’impose rapidement comme titulaire et comme un intéressant espoir du foot anglais de par sa polyvalence (il peut jouer peu ou prou à tous les postes du milieu de terrain), sa puissance et son côté travailleur. Après deux belles saisons dans le club un peu nul, qui était alors en Premier League, le jeune joueur est repéré par Liverpool et transféré chez les Reds pour un montant jugé excessif à l’époque (environ 20 millions d’euros pour un joueur qui n’avait pas prouvé grand-chose).

D’espoir à loser

Sa première saison sur les bords de la Mersey est en demi-teinte. Il joue beaucoup mais ne convainc pas par ses performances, au point d’être moqué par les fans des autres équipes et en disgrâce auprès des siens. A l’été 2012, Liverpool cherche à engager Clint Dempsey, international américain doué et efficace mais vieillissant, de Fulham. Un accord est monté, incluant un échange avec « Hendo », lequel refusera de quitter le club de la Mersey car il souhaite s’y imposer, ce qui fera capoter le transfert. Le jeune Jordan montera en régime les saisons suivantes, notamment celle du crève-cœur en 2013-14, quand les Reds manquent le titre d’un rien, mais lors de laquelle Henderson s’impose comme un titulaire indiscutable au milieu de terrain. Il poursuivra sa progression l’année suivante, au terme de laquelle il sera nommé capitaine à la suite du départ de la légende Steven Gerrard.

Hendo lors de ses premières années en Red

Malheureusement, les saisons suivantes sont émaillées de blessures diverses, dont notamment une fasciite plantaire (rien à voir avec Mussolini), sorte d’inflammation quasi-incurable du tendon sous le pied. Il subira de nombreux coups d’arrêts entre août 2015 et janvier 2018, avant de revenir pour de bon depuis lors, mais globalement bien moins performant qu’avant. Durant toute l’année 2018, il est constamment critiqué, notamment par les pseudos-fans sur les réseaux sociaux. Son manque de créativité, ses nombreuses passes vers l’arrière ou encore son apport offensif inexistant ou presque sont pointés du doigt. Malgré tout, Klopp lui maintient sa confiance, louant son agressivité, son importance pour ses coéquipiers et sa dévotion totale pour l’équipe. De même, Gareth Southgate le sélectionna pour la Coupe du Monde 2018 qui vît l’Angleterre atteindre les demi-finales et Henderson s’imposer comme un titulaire indiscutable avec les Three Lions. Cependant, malgré les louanges de ses coaches, le joueur ne parvient pas à convaincre le grand public et est plus conspué que jamais durant l’année 2018.

Il a aussi fait équipe avec Voldemort sous le maillot des Three Lions

La renaissance du Capitaine

Alors que son capitanat est remis en cause durant l’année 2018, principalement dû au fait qu’il débute une partie des rencontres sur le banc et que Virgil van Dijk, le colosse qui a remis sur pied la défense liverpuldienne, s’impose comme un leader naturel sur le terrain et dans le vestiaire, Henderson ne fait pas cas des critiques et continue à travailler dur, pour l’équipe. Cette attitude continue de lui donner du crédit aux yeux de Klopp, qui ne veut rien savoir des critiques et lui laisse le brassard.

Tandis que sa saison 2018-2019 est à l’image de ce qu’il fait depuis plusieurs années, à savoir solide mais sans coup d’éclat et sous les critiques, le natif de Sunderland suggère au début du printemps 2019 à son entraîneur de le faire jouer non plus comme sentinelle devant la défense, son poste depuis l’arrivée de Klopp, mais un cran plus haut, à droite du milieu à trois joueurs du schéma habituel des Reds. Ce faisant, Henderson peut presser plus haut, une de ses principales qualités, se délaisse d’une partie des tâches défensives qui l’encombraient (Fabinho ayant le volume de jeu nécessaire pour pallier cela) et retrouve ainsi plus de liberté pour faire parler sa créativité, qui avait disparu lorsqu’il jouait en numéro 6. Ce choix, qui ne convainquait sur le papier pas vraiment le manager des Scousers, est rapidement apparu comme celui de la renaissance pour l’ancien joyau de Sunderland. Sur les dix derniers matchs de la saison, Henderson a ainsi compilé cinq passes décisives et un but, alors qu’il n’était jusqu’à avril pas impliqué dans le moindre goal des Reds ! Jürgen Klopp a ainsi déclaré que c’était sa faute si le joueur avait joué un rôle trop défensif au cours des derniers mois et que s’il avait su, il l’aurait fait jouer dans cette position depuis longtemps. Hendo ne quitta ainsi quasiment plus le onze de départ en fin de saison alors qu’il était soumis à un certain tournus et à la concurrence féroce de Fabinho jusqu’alors, s’imposant comme un leader non seulement moral mais aussi sportif. De même, il a été titulaire lors de sept des neufs matchs de Liverpool toutes compétitions confondues en 2019-2020 à l’heure où j’écris ces lignes.

La consécration

Mais un bon capitaine, dans un club comme Liverpool, n’est rien s’il ne mène pas son équipe au succès. Et au printemps 2019, les Scousers commencent à avoir un sacré niveau de lose. Un titre de champion perdu d’un rien en 2014, une Ligue Europa perdue également de peu en 2016, une Ligue des champions envolée en 2018, le championnat qui semble tendre les bras à Manchester City en 2019 (Liverpool sera finalement deuxième à un petit point). Et en Ligue des champions, le club de la Mersey a perdu 3-0 en demi-finale aller face à Barcelone et est aussi proche de la sortie de route que Romain Grosjean lors de chacune de ses courses. Oui mais voilà, au prix de l’un des matchs les plus incroyables de l’histoire de la compétition, Henderson (auteur d’un assist) et ses coéquipiers retournent la situation et s’imposent 4-0 dans leur antre quasi imprenable d’Anfield. Ils n’ont plus qu’à finir le travail en finale face aux rois de la défaite Tottenham et Liverpool s’adjuge la Champions League 2019 ! Henderson est ému aux larmes lors du tour d’honneur et soulève enfin son premier trophée majeur, en tant que capitaine, faisant ainsi taire tous ceux qui doutaient de lui. Il est le cinquième capitaine à soulever la C1 avec les Reds et cette seule stat le fait entrer dans l’Histoire du club.

Klopp et son bras droit sous son bras droit, au coup de sifflet final de la finale

Mais Liverpool ne s’arrête pas là. A la reprise, il y a quelques semaines de cela, les Scousers remportent aux tirs au but la Supercoupe d’Europe, reprenant ainsi l’avantage dans la course à distance qu’ils se livrent depuis des décennies avec Manchester United pour le rang honorifique du club anglais le plus titré toutes compétitions confondues. Et c’est bien entendu le gamin de Sunderland qui souleva à nouveau le trophée.

Un état d’esprit exemplaire

Mais si j’ai choisi de vous parler de Jordan Henderson dans cet article, c’est avant tout pour louer son état d’esprit exemplaire. En effet, à une époque où les joueurs de foot sont plus connus pour leurs simulations grossières, leurs affaires de viols ou leurs photos de coupe de cheveux ou de bouée licorne sur Instagram, le capitaine courage de Liverpool s’entraîne dur et ne cherche pas les louanges. Alors que d’autres se roulent par terre pendant des heures, lui part se replacer et faire le chien de garde, viril mais correct, dès qu’un adversaire récupère le ballon. Lorsque nombre de footballeurs se plaignent d’erreurs arbitrales ou de mauvaises conditions de jeu pour excuser un but, lui ne se cache pas et dit que c’est de sa faute si le ballon a été mal dégagé. Quand certains ratent des matchs pour des petits bobos, il joue sous infiltration si son coach a besoin de lui et a même terminé certains matchs blessé ou encore plus cramé que l’Amazonie quand Klopp ne pouvait plus faire de changement. Jordan Henderson n’est et ne sera jamais le joueur le plus adulé, le plus talentueux ni le plus spectaculaire (encore que…), mais il sera toujours un guerrier qui a l’amour du maillot et le relais de Jürgen Klopp sur le terrain et dans le vestiaire. Et toute bonne équipe a besoin d’un tel joueur.

Si j’ai écrit ce papier, qui ne sera pas apprécié par le rédac’chef car trop gentil (t’inquiète Martin, le mois prochain je vais tailler), c’est aussi pour souligner que, si je me moque souvent dans cette rubrique des « futures stars » qui ont fini par se planter, certaines retournent la situation de manière aussi exceptionnelle qu’inattendue. En effet, qui aurait parié, il y a encore deux ans, que Hendo serait le capitaine de l’équipe championne d’Europe ? Probablement autant de personnes qui parieraient sur le fait qu’un entraîneur tienne toute une saison au FC Sion. Et nul doute que si Liverpool, avec Henderson à la baguette, venait enfin à gagner la Premier League une de ces prochaines saisons après presque 30 ans de disette, le kid de Sunderland, la ville un peu nulle du nord de l’Angleterre, deviendrait une véritable légende des Scousers.

A propos Joey Horacsek 84 Articles
Bon ça va, je vais pas vous sortir ma biographie

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