G. Prébois : «C’est le meilleur des dopés qui gagne»

Il était une fois un journaliste qui, en 2007, avait décidé de faire le Tour de France à l’eau claire. Tu le prenais pour un taré ? Tu avais bien raison, notre cycliste préféré a remis ça cette année, en encore plus fort. Guillaume Prébois s’est tapé les trois grands tours (Italie, France et Espagne) sans même une goutte de CERA, ni de testostérone ! Rien, peau de balle !

A l’occasion de la sortie de son livre «Brouillard sur l’Angliru», l’homme le plus fou – ou courageux, c’est selon – de la petite reine revient sur CartonRouge.ch avec son humour légendaire. Sans langue de bois, Guillaume te présente son nouvel ouvrage et parle du monde du cyclisme avec des mots qui font peur. Mais qui transpirent la vérité. Ami lecteur, nous t’invitons à lire un entretien-choc absolument passionnant !
 
Salut Guillaume, la forme ?Optimale !
Bon, Guillaume… Un Tour ça ne suffisait pas, cette année t’en as fait trois. T’es juste un grand malade en fait ?
Exact. Je suis tellement en bonne santé que j’en suis malade, en ce sens que mon corps réclame sa «dose» d’efforts. Je me souviens qu’en décembre dernier, je m’étais mis à grimper les marches dans les étages de l’aéroport de Genève en attendant d’embarquer. Les gens me prenaient pour un fou. Moi j’avais juste besoin de me crever pour me sentir bien. L’endorphines «addiction» en somme. Repartir pour trois grands tours en solitaire et sans assistance (à l’exception de mon père), c’était rechercher mes limites et prouver que mon Autre Tour 2007 n’était pas un coup de chance.
Un grand malade, comme le reste du peloton, à voir l’asthme fait des ravages… T’avais pas une petite AUT quand même ?
 
La seule AUT dont je dispose et que je revendique, c’est l’autorisation de rêver et de transformer mes rêves en réalité. J’en ai besoin pour ma santé mentale.
Raconte-nous vite fait ce que tu as retiré de ton expérience cette année.
Le corps humain peut tout faire. Si tu le traites bien, il te le rend. Si tu le tues à coups de cigarettes et d’alcool il te le rend aussi. J’ai terminé la Vuelta, mon troisième tour, dans une forme exceptionnelle. En trois tours je n’ai pas pris un rhume, je n’ai jamais eu une seule crampe, rien de rien et je dormais en moyenne six heures par nuit. Le soir, j’écrivais mon livre, un journal de bord en temps réel.
 
Franchement, le Giro, c’est humainement faisable ? Le Plan de Corones, par exemple, t’as apprécié ?
Le Plan de Corones, je l’aurais volontiers écrit à l’espagnole, avec une «jota» au lieu du «r», histoire de mieux préciser ce dont il s’agissait. Franchement, grimper une piste de ski en terre avec des passages à 22%, c’est magnifiquement inutile : l’écart entre les favoris n’a pas dépassé les 10 secondes au sommet ! L’année prochaine, je suggère aux organisateurs de savonner l’asphalte sur le Mortirolo, ce sera encore plus drôle. Mais il y a eu pire que le Plan de «Cojones» : les transferts ! Parfois 150 kilomètres sur les petites routes sinueuses de Calabre, pour rejoindre le départ du lendemain. Je me suis pointé à 22h30 en cuissard au resto de l’hôtel un soir… Lance Armstrong va s’amuser sur les routes du Sud : les mairies goudronnent les routes la veille du passage du peloton, il faut voir le travail…
Et au soir des étapes, tu préférais les p’tites Françaises, les jolies Italiennes ou les chaudes Espagnoles ?…
Avec la libido polaire que j’avais, le problème ne se posait pas. L’Italienne est jolie mais terriblement matérialiste : grosse bagnole et maison sont nécessaires pour aller plus loin. La Française a le charme bougon, elle fait la gueule du matin au soir. L’Espagnole (en particulier dans le Sud) est «caliente» et insouciante. J’ai compris pourquoi tous les suiveurs se battent pour aller faire la Vuelta, en dépit du peu d’attrait présenté par le plateau des participants…
Et les contrôles a posteriori, tu en feras ?
No contrôle, no party ! J’en ai fait, j’ai encore une prise de sang de prévue, mais franchement j’en ai assez de pisser dans des gobelets en plastique avec des gants en latex sur les mains sous le regard d’un gros moustachu de l’UCI.
On a presque failli te voir une fois et demi à la télé cette année ! Pourquoi les médias sont-ils toujours si réfractaires à te faire de la pub ?
J’ai eu pas mal de reportages en France et en Belgique surtout. Mais, si vous n’êtes pas devant la radio ou la télé quand ça passe, vous avez l’impression qu’on m’a ignoré. La multiplication des chaînes a dilué l’audience. Cela étant dit, les grands médias ne se sont pas bousculés au portillon pour m’interviewer. Pourquoi ? Je vais vous le dire (c’est notre Président qui utilise cette formule à succès) : on caresse les puissants (l’organisateur du Tour) dans le sens du poil mais on crache sur ceux qui dérangent. J’en fais indubitablement partie.
 
Après le Tour de France à l’eau claire et les trois grands tours en 2008, la descente de l’Everest en trottinette ?
Vous ne croyez pas si bien dire ! Le projet 2009 existe. Est-il réalisable ? Sa folie touche au romanesque et, cette fois, je m’éloignerai de l’antidopage pour me concentrer sur une aventure incroyable et humaniste. Vous en saurez plus dès que j’aurai la certitude que I CAN DO IT.
On vient de lire «La face cachée de L’Equipe», on comprend mieux pourquoi Amaury & Cie protègent leur «bébé»… Ce mélange des genres, c’est sain pour la presse ?
Le Tour a été inventé pour que le Journal de l’Auto, l’ancêtre de l’Equipe, vende davantage chaque été. Le compromis existe depuis toujours. Pour avoir fréquenté quelques mois les couloirs de ce quotidien (adolescent, je m’occupais de la rubrique des résultats à Vélo Magazine, même groupe de presse), je peux vous dire qu’on est plus en sécurité à Kandahar tant l’hypocrisie y règne entre les journalistes.
 
Comment ça se fait qu’il y a encore des cons dans le peloton qui pensent passer entre les mailles du filet ? Des gars comme Schumacher, Ricco et Kohl, ils se doutaient bien qu’ils allaient se faire choper ! Le dopage n’est-il pas principalement une maladie mentale en fait ?
Personne n’imaginait que le CERA serait détecté. C’est tout. Ce qui me fait rire, c’est que j’avais consacré un article sur ce fameux CERA dans le journal Le Monde il y a 4 ans ! Imaginez le nombre de courses qui ont été gagnées par des pros utilisant ce produit… Le problème du dopage est culturel. On enseigne aux jeunes que, pour passer dans la catégorie supérieure, il faut «prendre ça ou ça». Chez les pros, le mécanisme est le même. On part du principe que les adversaires vont «se préparer», comprenez se charger, et qu’il faut donc s’adapter en faisant de même pour rétablir l’échelle des valeurs. Tout le monde sait que pour gagner, il faut «prendre». Si tu veux un contrat pour l’an prochain, il faut des résultats, donc il faut gagner. Puisque qu’il y a au moins un dopé dans le peloton, tu sais que tu ne pourras pas le battre «propre» donc tu te charges, donc tout le monde se charge. C’est le meilleur des dopés qui gagne. Ceux qui ne prennent rien terminent dans la voiture-balai ou dans le groupetto ; ça vous choque ? Désolé, c’est la vérité.
Suspendre quatre ans au lieu de deux les tricheurs… C’est une façon pour l’UCI de se donner bonne conscience ? A CartonRouge.ch, on serait pour les traîner par les testicules derrière la voiture-balai, ne serait-ce pas plus rigolo pour tout le monde ?
Radiation à vie, radiation éternelle, tous dans le lac de feu de la destruction. Il s’agit de la seule solution. Assister au retour des fils prodigues comme Basso ou Vinokourov, à qui des imbéciles demandent même des autographes, c’est insupportable. Comme le dit un vieux dicton italien : «le loup perd son poil, mais pas son vice». Ce qu’ils ont fait hier, ils le referont demain.
 
Le retour de Lance Amstrong, franchement, qu’en penses-tu ? Tu peux vider ton sac (mais pas n’importe où, y’a peut-être des seringues dedans)…
Ayant été en procès avec Lance suite à un article dans Le Monde (mais le Texan a été débouté), je dois dire que son retour m’enchante ! Paradoxe ? Non, non, je suis ravi qu’on ait une nouvelle occasion de tester Lance, de le contrôler, de le surveiller. Et puis, franchement, ce sera pas beau de le voir ricaner en sortant de son pullman aux vitres fumées avec son bodyguard asiatique qui lui fraye un chemin puis de voir toute l’équipe Astana en file indienne à 45 km/h sur le Galibier ? Moi, je ne me priverai de ce spectacle pour rien au monde !
Finalement, autorisons le dopage, tu ne crois pas ? Regarde les joueurs de football américain qui meurent de vieillesse à 38 ans et demi, c’est beau non ?
Et l’ancien vainqueur du Giro en dialyse à 40 ans ? Et l’ancien vainqueur de Milan-San Remo devenu impuissant et quitté par sa femme ? Ça c’est du spectacle ! Libéraliser le dopage, ce sera effacer toute l’hypocrisie du dopage et de l’antidopage. Quand on sait qu’un test coûte 500 euros, on pourrait économiser des sommes folles à reverser aux banquiers qui ont fait faillite, un peu d’humanitaire quoi !
Allez, on est sympas, t’as 37 secondes pour faire la promo de ton bouquin (pour l’exemplaire dédicacé à la rédac’, on s’est arrangé).
 
Puisque, dans notre société, tout tourne autour du sexe, pour vendre je dirais : «20 cm et 650 grammes de plaisir». Pour les romantiques : «six mois de vie, 3 Tours, 3 pays, 350 photos, évasion et passion garanties».
L’année prochaine, le Tour de France passe en Suisse romande. Si tu es de nouveau sur la route, viendras-tu te ravitailler à la rédac ?
S’il y a du rösti, pourquoi pas. Mais, en réalité, après 4 grands tours en 15 mois (Tour 2007, Giro 2008, Tour 2008 et Vuelta 2008), je crois bien avoir fait le tour… de la question.
 
Franchement, on aurait préféré que Jeannie Longo – alias la Jeanne Calment du peloton – soit aussi dopée, non ?
Sous la selle de Jeannie il y a 50 ans de vélo. Dans les selles de Jeannie il n’y a pas d’EPO. Une femme exceptionnelle qui devrait arriver au JO de Bagdad 2048.
Il paraît qu’il y a une nouvelle ecstasy qui tourne dans les rave parties en France, on l’appelle la «Vinokourov», t’y as goûté ?
Non, je ne sais pas danser ni sniffer ni me piquer. Je ne suis vraiment qu’un bon à rien.
 
Enfin, comme lors du dernier entretien, une petite devinette s’impose : quel est le point commun entre Carlos Sastre et Vincent McDoom ?
Qui est Carlos Sastre ?
Dur, hein ? Non en fait, leur point commun, c’est qu’ils ont les deux un bon coup de pédale !
Merci Guillaume et à l’année prochaine pour de nouvelles aventures !



A lire aussi :
le premier entretien avec Guillaume Prébois

Pour commander son livre, une seule adresse : www.guillaumeprebois.com


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21 Commentaires

  1. J’avais beaucoup apprécié les chroniques de Prébois en 2007 dans le Monde.

    Maintenant, plus je le lis, plus je me dis que ce gars a besoin du dopage, des affaires dans le cyclisme pour exister, en particulier médiatiquement. Il pense durer combien de temps sur ce créneau du « chevalier blanc »? – son « utilité » ou apport dans le débat sur le dopage est proche du néant (pas besoin de faire le Tour à l’eau pour se poser des questions…)

  2. @ Henri Leconte
    et toi ton utilité sur le débat tu l’évalues à combien? Si tu veux ouvrir ta gueule sur le sujet, fais 3 Tours en 15 mois, écris un bouquin, et après viens la ramener sur le sujet. .
    Si y’avait pas des gars comme Prébois pour démystifier le dopage, y’aurait bien plus de tricheurs qui dormiraient en paix…et ça, ça serait une vraie défaite pour ce beau sport

  3. @ cc

    Mon utilité? nulle, inexistante. Jamais dopé, nul en vélo (et ai arrêté de suivre le cyclisme depuis un moment…)

    Sur Prébois, j’avais trouvé l’idée de faire le Tour un jour avant et les articles dans le Monde absolument super et très originale.

    Mais le fait de grimper des cols à longueur d’année justifie-t-il de le placer sur un piédestal, comme le chevalier blanc autoproclamé du cyclisme?

  4. Même avis que xyz ci-dessus. Je précise pour que les choses soient claires que je ne défend en tout cas pas les cyclistes pro, bien au contraire, puisque je pense que la grande majorité sont dopés.

    D’autre part, ça me gêne un chouilla que CartonRouge fasse de la pub juste sous l’article afin d’aider ce Monsieur à vendre son livre…ça mérite reflexion, tout ça…un site comme CartonRouge devrait rester totalement indépendant. Vaste question, j’en conviens…tout avis constructif à ce sujet est le bienvenu.

  5. le « trouvez-vous un vrai travail » je l ai entendu la dernière fois de Georges W Bush à l’attention de Michael Moore…

    Je trouve sa démarche simplement superbe..et on est des millions à gober ces conneries alors il a encore du boulot.

  6. Je suis egalement de l’avis de H. Leconte et Ch. Logoz.

    La premiere fois, l’idee etait absolument geniale, maintenant ca ressemble (il le dit lui meme d’ailleurs) a une addiction et aussi quelque peu a une soif de reconnaissance et de publicite qui me derange quelque peu.

  7. @ Fabio

    Vu le nombre d’affaires de dopage, avérées ou présumées, dans le cyclisme ces 5 ou 10 dernières années, je ne suis pas certain que les « Tours tout seul et à l’eau » de Prébois aient convaincu grand monde de plus que le dopage dans le cyclisme existe…

    Les millions qui croient encore au cyclisme professionnel propre, s’ils existent, je sais pas trop quoi en penser (et je veux pas tirer sur des ambulances…).

    L’Autre Tour de 2007 était une initiative sympathique – le côté gars lambda qui fait un truc invraisemblable, c’était très attachant. Le reste…

  8. Ce qui magique sur Internet, c’est que n’importe qui (même ceux qui se choisissent un pseudo bidon du type Henri Leconte), peut dire n’importe quoi (voir la prose du même Leconte) et bénéficier de l’audience des internautes sans dévoiler son vrai nom. Un acte de courage démentiel! Ce pauvre Prébois est un idiot, plutôt que d’en baver sur le vélo, il lui suffisait de se choisir un pseudo sur ce forum pour venir faire la morale à tout le monde.

  9. Sathip: ça pour un pseudo, c’est un pseudo! On n’a même pas envie de savoir qui se cache derrière! Les Saintes Ecritures disent vrai: « ce n’est pas ce qui entre dans le corps de l’homme qui le souille, mais ce qui sort de sa bouche ». De la merde, pour le sympathique Sathip, victime de son vocabulaire limité. Dieu ait pitié de lui.

  10. Ben Henri, c’est la première pour moi, et je trouve très bien…

    ensuite, je viens pas d’une grande ville …et la majorité des gens, ici, milieu de haute campagne, sont tout simplement des benets ! Mais tu peux difficilemenet imaginer à quel point (style moyen-âge).. et je crois que tu sous-estime la cote du cyclisme en suisse…ils en sont tous dingue…

    Voilà, je soutenais déjà le Dr Fuentès… qui lui causait comme ça…au moin Prébois il parle de son vécu, et je le remercie de le faire pr moi parce que j’aime pas avoir une selle de vélo dans l cul…ni des shorts moule-bite

  11. à tout ceux qui critiquent : essayez de faire la moitié du défi de Prébois ! Je doute que vous puissiez encore faire la morale ensuite… Ahhh ces sportifs de canapé qui passent leur temps sur les forums !…
    Henri Leconte ? Va un peu courir je trouve que tu as pris du poids ces derniers temps… 😛

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