Fatih Terim, l’injustice réparée

Nul doute que si CartonRouge.ch et l’élection du Pigeon d’Or avaient déjà existé en novembre 2005, Fatih Terim aurait fait exploser tous les scores. Quatre ans plus tard, un énième échec de la Turquie en qualifications de la Coupe du Monde donne enfin au gentleman des stades l’occasion de recevoir son Pigeon mensuel. En attendant mieux ?

Après Alexandre Vinokourov en été 2007, Fatih Terim est le deuxième Asiatique à remporter un Pigeon d’Or mensuel. Le point commun entre les deux, c’est qu’ils sont prêts à tout pour gagner. La différence, c’est que le Kazakh mettait surtout sa propre santé en danger, alors que le Turc a plutôt tendance à menacer l’intégrité physique d’autrui, en faisant jouer les matchs des différentes équipes qu’il a entraîné dans des climats haineux et passionnels pour intimider arbitres et adversaires.

Souviens-toi, novembre 2005…

Même s’il avait déjà quelques antécédents douteux, c’est surtout en novembre 2005 que le personnage va se révéler aux yeux du public suisse. Eliminée deux ans plus tôt en barrages de l’Euro 2004 par la modeste Lettonie, la Turquie ne peut pas se permettre un nouvel échec en vue de la Coupe du Monde 2006 en Allemagne, où vit une très importante communauté turque. Avant même le match aller, Fatih Terim multiplie les polémiques en récusant l’arbitre initialement prévu pour le match retour (fort heureusement d’ailleurs) et en prétendant que les supporters turcs n’ont pas reçu assez de billets au Stade de Suisse (alors qu’ils en avaient reçu 1’000 de plus qu’imposés par la FIFA). Puis, après avoir constaté l’écrasante supériorité helvétique au match aller, l’Empereur des éliminations en qualifs de Coupe du Monde décide de passer au stade supérieur de l’intimidation, avec notamment la fable de l’hymne turc hué au Stade de Suisse (alors qu’il ne s’était agit que de sifflets épars en réaction à diverses provocations).

La suite, tu la connais : interminables formalités douanières, accueil musclé, menaces verbales et physiques contre les joueurs suisses, intimidations envers les arbitres, provocations durant l’échauffement, jets d’objets très divers ininterrompus durant 90 minutes (encore merci aux 8’000 policiers turcs qui nous avaient plus ou moins protégés), appels du speaker à siffler dès que la Suisse touchait le ballon, présence de gros bras de la mafia et de l’extrême-droite dans le couloir des vestiaires et, pour finir, agression sur certains joueurs helvétiques…

L’imposture de 2008

Alors que le caractère prémédité et concerté des innombrables débordements qui ont émaillé ce sinistre Turquie – Suisse était évident, la FIFA s’était contentée de sanctions alibis contre la Turquie et son entraîneur, lequel a donc pu continuer à sévir. Pour le plus grand bonheur des supporters turcs, dans un premier temps, avec une demi-finale de l’Euro 2008. On a même entendu dans nos contrées cette phrase grotesque : «si seulement on avait un entraîneur comme Fatih Terim !» Personnellement, je préfère engager des entraîneurs qui nous qualifient pour la Coupe du Monde. A part instiller une rage de vaincre démentielle à ses joueurs, l’ancien mentor de Galatasaray s’est montré incapable de mettre en place un quelconque système de jeu ou la moindre organisation défensive.
Seul un malheureux concours de circonstances, entre les ratés de Yakin contre la Suisse, la bourde de Cech contre la Tchéquie ou l’incompétence de Rosetti contre la Croatie, ont permis à la Turquie d’aller aussi loin dans la compétition. Les qualifications de la Coupe du Monde 2010 permettront de lever le voile sur l’imposture qu’avait constitué la présence turque dans le dernier carré de l’Euro 2008. Dans un groupe certes pas facile (avec l’Espagne) mais où la 2e place semblait largement atteignable, la Turquie a sombré corps et âme. Consommant ainsi le troisième échec de son entraîneur en qualifs de Coupe de Monde en autant de tentatives (1994 comme assistant, 2006 et 2010), faisant éclater au grand jour ses limites sur le plan tactique qui lui avaient déjà valu quelques déboires à la Fiorentina et au Milan AC. C’était sans doute l’échec de trop pour Fatih Terim, poussé à la démission peu après.

Dès lors, pour cette élimination peu glorieuse, pour l’ensemble de son œuvre, pour toutes les fois où il a flirté, voire dépassé les limites de ce qu’il est acceptable de faire pour gagner un match de foot, la rédaction est très heureuse de décerner le

Pigeon d’Or d’octobre 2009

à Fatih Terim. Lequel fait d’ores et déjà figure de sérieux prétendant à la victoire lors de la grande finale de décembre. Le cas échéant, notre rédacteur en chef Marc-Olivier Reymond sera ravi d’aller lui remettre son trophée devant 50’000 supporters turcs déchainés au stade Sükrü Saraçoglu d’Istanbul.

Pas de chance pour Diego

La sélection était particulièrement relevée ce mois-ci car Diego Maradona aurait lui aussi fait un magnifique Pigeon d’Or. Mais, malgré une belle résistance, El Pibe de Oro a dû d’incliner devant la rage de vaincre de Gandhi Terim. Le fait que la Turquie ait été éliminée grâce à Terim, alors que l’Argentine s’est qualifiée malgré Maradona y est sans doute pour quelque chose. Nos lecteurs anglophiles, qui n’ont toujours pas digéré la main de Dieu, seront sans doute un peu déçus mais qu’ils se rassurent : si la fédération argentine n’a pas la présence d’esprit de changer d’entraîneur d’ici-là, nul doute que Diego Maradona reviendra en force dans la sélection des Pigeons «spécial Coupe du Monde 2010», lorsque son équipe d’Argentine aura fini bonne dernière d’un groupe de la mort composé par ailleurs de la Suisse, la Slovaquie et la Nouvelle-Zélande.
Face à un tel duo, Bernie Ecclestone, qui cherchait un doublé inédit pour le monde merveilleux de la Formule 1, David Aebischer et Serge Aubin, dignes représentants d’Il grande Lugano et de l’autoproclamé champion suisse 2009-2010, n’ont pas eu voix au chapitre. Enfin, Marouane Chamakh échoue au dernier rang : manifestement, invoquer un prétexte fallacieux pour décliner une sélection en équipe nationale choque plus nos lecteurs lorsque l’équipe en question est celle de Suisse de Coupe Davis plutôt que celle du Maroc de football.
Tu trouveras très prochainement la suite des trépidantes aventures des Pigeons d’Or 2009 dans ces colonnes.
Election du Pigeon d’Or du mois d’octobre – Classement final :
1. Fatih Terim : 274 votes – 36,7%
2. Diego Maradona : 244 votes – 30%
3. David Aebischer : 118 votes – 14.5%
4. Bernie Ecclestone : 110 votes – 13.5%
5. Serge Aubin : 42 votes – 5.2%
6. Marouane Chamakh : 24 votes – 3%
Nombre de votes : 812

Écrit par Julien Mouquin (texte) et Robert Johanson (dessin)