La Serie A est-elle en déclin ?

Le championnat italien est toujours supposé être le troisième d’Europe. Il est pourtant l’un des plus dénigrés depuis quelques temps et cela pour plusieurs raisons. Il y a bien sûr les affaires de matches truqués de 2006 (même si maintenant on trouve même des gens prêts à faire de la corruption avec le FC Fribourg…) mais aussi des problèmes récurrents de racisme illustrés encore récemment par les attaques envers le jeune Balotelli de l’Inter, des stades dépassés et des manquements au niveau des infrastructures engendrant une baisse de la fréquentation des matches ou encore les résultats décevants dans les championnats européens où seul le Milan AC parvient, ces dernières années, à tirer son épingle du jeu.

A cela s’ajoute les éternels poncifs dont affublent généralement les partisans d’autres championnats qui, souvent, n’ont jamais vu un seul match de Serie A de leur vie. Aux choix, on y trouve d’illustres lieux communs tels que «c’est que d’la tactique, y a jamais de buts !» ou encore «c’est le catenaccio avec dix joueurs derrière tout le temps !» quand ce n’est pas le pertinent «de toute façon, en Italie, ils font que de tomber !».Il est vrai que derrière chaque cliché se trouve souvent une forme de réalité et que chaque championnat de foot a ses qualités et ses carences. Il n’empêche que réduire le Calcio à un tournoi de vieillards craintifs et simulateurs est aussi injuste que de réduire la Bundesliga à un jeu de bourrins où les défenseurs n’existent pas, la Liga à un championnat à deux avec dix-huit figurants inutiles ou la Premier League à un royaume du pognon. Bien sûr on pourra toujours rester perplexe quant à des stades où, il fut un temps, on balançait des scooters sur le terrain.
Rester sur des préjugés serait, en outre, oublier ce qu’est l’Italie pour le football. Un pays rempli de passionnés, où l’on trouve pas moins de trois grands quotidiens sportifs, où les émissions de foot parlent de foot et ne cherchent pas à nous montrer, contrairement au dimanche matin sur TF1, à quel point Didier Drogba est sympathique, les Bleus sont une vraie bande de copains et que Robinho jongle quand même vachement bien. Et si les problèmes de ces dernières années n’ont, sans doute, pas fait de bien au championnat italien et que la baisse de résultat de ses clubs contre les autres ténors européens tendrait à le prouver, il est cependant intéressant, si l’on jette un regard sur les futurs huitièmes de finale de la Champions League, de pouvoir émettre un simple constat (qui n’aura certes pas valeur de preuve irréfutable). On y trouve en effet trois équipes anglaises, trois espagnoles et trois italiennes, suivies de deux allemandes et deux françaises, le reste se partageant entre le Portugal, la Grèce et la Russie qui comptent chacun un représentant, tout cela semblant asseoir une certaine forme de hiérarchie «classique».
L’Italie c’est aussi et – malgré tout – un championnat où évoluent encore des joueurs d’exception et pas seulement des types qui s’effondrent théâtralement dans les seize mètres (d’ailleurs Bellamy et Eduardo jouent en Angleterre). Le derby milanais de dimanche soir en a été un excellent exemple.

Un duel prenant dès le coup d’envoi

Si l’on ne peut certes pas parler de «match de l’année» (puisque celui-là c’était YB – Lausanne), le derby della Madonnina, joué devant 80’000 spectateurs bruyants, venus malgré le froid glacial, a constitué l’autre soir une jolie vitrine pour jauger des côtés attractifs du Calcio. Et cela surtout par un début de match tonitruant qui vit au bout de 2 minutes de jeu un tacle non sanctionné de Ronaldinho que Roy Keane n’aurait pas renié et un magnifique tir sur le poteau de Sneijder, meilleur joueur du début de match. Le Hollandais allait cependant se faire expulser à la 27ème pour l’éternelle plaisanterie consistant à aller applaudir l’arbitre après une décision douteuse (ici sur Lucio). On notera par ailleurs que, dans le football moderne, il vaut manifestement mieux insulter verbalement un arbitre que faire de l’ironie gestuelle…
Milito avait inscrit le 1-0 pour l’Inter 15 minutes plus tôt et il semblait alors que les hommes de Leonardo, en pleine vague ascendante, allaient enfin se relever. Mais le 2-0 de la 65e, sur un coup franc magnifique de l’excellent Pandev (qui confirme que c’était une très bonne idée de le sauver de la Lazio), contribua à achever les espoirs des Rossoneri. Ces derniers ne firent plus rien d’efficace jusqu’à un penalty (et expulsion de Lucio) en toute fin de match que Ronaldinho se chargea d’envoyer sur Julio Cesar.
Si une certaine baisse de régime s’est faite sentir au milieu de la seconde mi-temps, l’ensemble du match fut tout à fait plaisant à regarder. Parsemé d’excellents mouvements offensifs des Interistes qui faillirent bien mettre KO plusieurs fois Dida. De l’autre côté, Beckham et Ronaldinho auront sans doute été les plus actifs pour tenter de sauver leur équipe mais certains passages à vide collectifs ont trop souvent permis à leurs adversaires de remporter la victoire malgré l’infériorité numérique.
Ce fut, en outre, une soirée pleine pour Mourinho qui, en plus de la victoire, a gagné le droit de faire son cirque sur la télévision italienne, sortant son meilleur regard de chien battu pour se plaindre d’être constamment désavantagé par l’arbitrage.
Quant au grand Materazzi, on notera qu’après avoir passé le match debout au bord du terrain affublé de son immense bonnet «23» et cherchant à tailler une bavette avec chaque personnage qui aurait pu se trouver dans son champ de vision, il eut l’étrange idée, à l’issue du match, de se dire : «Ah ben tiens ! Et si je mettais un masque à l’effigie de Berlusconi pour célébrer la victoire avec mes coéquipiers !» Mais on sait que le champion du monde n’en est pas à sa première bonne blague…

Au final, l’Inter a confortablement (et avec la manière il faut bien l’avouer) assis sa place de leader, même s’il reste encore une demi-saison, dans une journée qui a apporté trois confirmations à ce stade du championnat.
Tout d’abord le fait que la perte d’Ibrahimovic, l’été passé, n’a pas été aussi catastrophique que certains l’annonçaient. L’équipe a pu retrouver un certain équilibre dans le jeu que le Suédois avait tendance à confisquer par son activité vampirisante en attaque.
Ensuite, même si les circonstances de ces dernières années ont remis au sommet du classement les Nerazzurri, on est forcé de constater que ceux-ci disposent d’une force tactique redoutable, amenée par l’intelligence de Mourinho, à laquelle s’ajoute une force de frappe qui n’a pas encore démontré tout son potentiel, avec les associations de Milito, Pandev et Sneijder en plus de ce qu’on peut attendre d’un Eto’o ou même de Balotelli.
Enfin, le leader a mis une claire distance à ses poursuivants. Le Milan n’arrive toujours pas à régler son problème quant à savoir si son effectif se compose de «joueurs d’expérience» ou de vieux croulants. La Roma, malgré sa remontée magnifique après un début de championnat catastrophique (les supporters bâlois s’en souviennent), semble payer ses errances passées et plafonne quelque peu même si elle a obtenu une belle victoire sur la Juventus qui elle semble bien dépassée.
Plus généralement, ce match aura pu contribuer à montrer que la Serie A, ça peut être tout simplement très chouette à regarder, du moins tout autant qu’un autre gros match de championnat.
Il ne manque plus qu’à attendre de voir si l’Inter réussira enfin à se séparer de ses mauvaises habitudes et faire quelque chose en Champions League. Mais pour cela, il faudra d’abord vaincre le très bon Chelsea de cette année… et aussi que Sneijder arrête de féliciter les arbitres.

Inter Milan – Milan AC 2-0 (1-0)

Stadio Giuseppe Meazza, 80’000 spectateurs.
Arbitre : M. Rocchi.
Buts : 10e Milito 1-0, 65e Pandev 2-0.
Inter Milan : Julio Cesar; Maicon, Lucio, Samuel, Santon ;Zanetti, Cambiasso, Muntari (Cordoba87’); Sneijder; Pandev (Thiago Motta 67’), Milito (Balotelli 81’).
Milan AC : Dida; Abate, Favalli, Thiago Silva, Antonini (Jankulovski 77’); Gattuso (Seedorf 46’), Pirlo, Ambrosini (Huntelaar 80’); Beckham, Borriello, Ronaldinho.
Cartons jaunes : Inter : Muntari, Pandev, Lucio ; Milan : Beckham, Favalli, Thiago Silva.
Carton rouge : Sneijder 26e, Lucio 91e.

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15 Commentaires

  1. Intéressant, ce papier, et remarquablement bien écrit aussi.
    Je te rejoins tout à fait sur Téléfoot, qui ferait passer Sport Dimanche pour du Kurosawa. Et tu as tout à fait raison: le « match de l’année », c’était bel et bien YB-LS.

  2. Je rejoins totalement le précédent commentaire… l’article est très bien écrit et les propos globalement très pertinents… Le retard dans l’aménagement d’enceintes sportives dignes de ce nom est cependant un des problèmes que le championnat d’Italie devra régler au plus vite afin de garder toute crédibilité au niveau européen…

  3. Tres bien, les amateurs de poncifs ecules sur le jeu a l’italienne devrait reguarder d’un peu plus pres la Premiership, l’evolution tactique des clubs anglais ne va pas dans le sens du football champagne, je defie qui que ce soit de reguarder jouer Stoke ou Blackburn sans avoir un serrement au coeur.

  4. Téléfoot, c’est peut-être ringard pour vous, alors regarder Sport Dimanche, avec les « analyses » des « journalistes sportifs » sur la TSR. N’empêche que TF est l’émission la plus regardée en France… ABE
    Les reportages sont toujours très intéressants même s’ils sont rébarbatifs… ABE
    En tout cas, avec leur nouvelle formule du dimanche, je ne regarderais plus jamais « Sport Dimanche ». Le foot sur la TSR, excepté qu »il passe des match de CL, c’est nul

  5. Je dirais justement que le fait que l’émission soit la plus regardée en France ne veut pas dire grand chose, ou plutôt que ça ne parle pas en faveur des français.
    Mais bref, très bon papier, avec un bon résumé. Le football italien a eu quelques pépins mais se relèvera très bientot, ça ne fait aucun doute!
    Mai la juve n’est pas dépassée, pour le moment ayant suivi tous les matchs je peux dire que c’est beaucoup la faute à pas de chance et le nombreux blessés.
    Elle se relèvera aussi sans aucun doute et ça fera mal!

  6. Suisse francais ?

    On dit pas Suisse Romand ?

    Telefoot est d’une maigreur abyssal !
    Il est claire que si tu compares à la TSR, même Maïté peut nous présenter le 19:30 !

    Depuis le départ de Gilardi(RIP) sur Canal, Telefoot n’est plus !

    Lulu

  7. eh ouais, eh ouais
    (comme dirait le philosophe S. Boulay, ou Steeve B.)

    si téléfootr est autant regardée en france, et bien on vous féééélicite ! Le bassin de suisse-romande n’a plus à rougir de ses trop fidèles serviteurs de la TSR…

    Chez vous, c’est pas mal non plus en effet…malgré le départ du très très regretté T. Roland ou Thierry R, également philosophe du III Reich, l’émission a gardé sa substantielle moelle footballistique, à savoir quel gomina utilise C. Ronaldo et combien fait-il d’abdo par jour, comment Malouda se dread les loks, et quel chanteur de Fado viendra jouer au prochain match de charité entre banquiers et avocats…

    A quand un recyclage de Jean-Pierre Pernaut à Téléfoot ?

    OK, la TSR très peu pr moi, je préfère payer C+ pr qu’au moins, lorsque je perd mon temps devant ma téloche, ca ne soit pas pour avoir envie de me pendre après..

  8. Tu oublies aussi le quart d’heure que consacre tous les dimanches Telefoot à Didier Drogba: Didier Drogba au ptit déj’, Didier Drogba joue à la Playstation, Didier Drogba fait du shopping, Didier Drogba coule un bronze…

    Juste avant l’incontournable reportage dédié à Thierry Henry et l’analyse d’Arsène Wenger sur la semaine de Didier Drogba et Thierry Henry.

  9. Les rares fois ou j’étais pas encore rond le dimanche matin et que j’ai regardé cette footixerie sur TF1 y avait à chaque fois un reportage sur La Côte d’Ivoire et son ambassadeur aimé de tout Marseille, Didier Drogba.

  10. Po mal l’article, mais un peu inexact, en CL
    si on remonte dans le passé et qu’on prend les 20 dernières années, les clubs italiens
    sont présents 13 fois en finales et gagnent 6 fois, pour un championnat vieillissant, scusez
    du peu, si on dit qu’il n’a que le Milan et de temps en temps la Juve, les autres pays c’est kifkif, Espagne c’est Real et Barca
    et l’Angleterre, c’est Liverpool et Manchester
    les milliardaires Chelsea et Arsenal font illusion depuis longtemps, mais les résultats suivent pas, et perso je suis convaincu que même des clubs comme Bari seraient dans le top five des championnat anglais et espagnols, quant à l’Inter, c’est un club de bouffons, dernière victoire en CL, la plupart de leurs fans n^étaient pas nés.

  11. Perso, et bien que l’Inter m’a toujours parue un club un peu strange, je vais les vénérer si ils foutent dehors les roastbeef !!

    Je les trouve imbattable en Italie, malgré la mocheté de leur jeux, ils sont efficaces..

    Et ils ont juste recruté PANDEV !

    C’est foutu…

  12. @Pinokio

    Les bouffons c’est toi et Gepeto,
    Tjs la même rangaine avec la champions. Vis au présent, ça fait belle lurette qu’il n’y a pas photo en Italie…. C’e solo l’Inter et ça s’est bien confirmé ces dernières semaines!!!!!

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