Score de dictateur pour dictateur fantasque

Il n’y a pas eu de match. Bulat Chagaev a remporté le Pigeon d’Or du mois d’août avec un score digne de ses collègues Mouammar Kadhafi, Mahmoud Ahmadinejad ou autre Saddam Hussein. Un bien bel exploit pour un Tchétchène qui n’a sans doute pas fini de nous faire rêver.

L’actualité de Neuchâtel Xamax Wainach dépasse souvent la fiction. On ne pourra pas refaire le compte, dans ces lignes, de toutes les «Bulateries» proposées par ce grand Monsieur depuis son arrivée aux commandes du club de la Maladière – pour cela, il y a tes quotidiens volés et gratuits préférés. Mais il convient tout de même de saluer l’artiste et ce Pigeon en est la bonne occasion.Le Bulat, il est venu sur les bords du Lac de Neuchâtel avec la meilleure volonté du monde. Au départ, lui, c’est Servette qu’il voulait s’offrir et on peut le comprendre. A Genève, le stade n’est pas vraiment fini, mais il y a au moins quelques spectateurs, un potentiel économique certain et on y tolère les étrangers qui apportent du pognon. Le MCG, ce sont les frontaliers qu’il n’aime pas. Mais les riches, ça il les aime bien quand même.

Région périphérique

Au final, le Bulat se retrouve dans un bled de tout juste 30’000 âmes, dans une région périphérique et avec un dernier carré de 3’256 fidèles. En plus, il se retrouve aux commandes d’une équipe de joueurs surcotés, surpayés et avec le wagon de dettes qui va avec, grâce à la gestion à la petite semaine du précédent président tout heureux de trouver un «pigeon» – le mot est drôlement bien choisi – pour lui refourguer le truc.
Alors notre ami tchétchène, il y met tout son coeur. Comme tout bon dictateur, il ne supporte pas l’échec et il vire à tour de bras – avec les gros chèques qui vont avec – ceux qui l’ont déçu. Joueurs comme entraîneurs, chefs de presse comme hommes de paille. Ça coûte cher, c’est vrai. Il augmente le budget à près de «trente millions de francs», engage tout et n’importe quoi, surtout si c’est grand et noir ou si ça a un passeport espagnol.
Problème, ce n’est pas comme ça que ça marche le football. Enfin, à l’échelle suisse et avec de si petites sommes au regard de ce qui se fait dans le football moderne. Au PSG, à Malaga ou à Manchester City, ça prend forme, c’est vrai. Mais les montants articulés sont totalement disproportionnés et il y avait un peu plus de ciment sur lequel bâtir au départ. Pis bon, si le Bulat peut même pas faire venir le pognon gentiment chipé au bon Ramzan Kadyrov parce que les banques suisses ne veulent pas lui ouvrir de compte, c’est vilain. Même la Raiffeisen, c’est dire !

Réseau Echelon

P’tain, faudra bientôt qu’on s’arrête. Encore quelques mots clés et cet article va être repéré par le réseau Echelon avec tous ces noms sensibles. Bouarf, au pire, ça fera des clics en plus pour nos statistiques mensuelles. Que ce soit un supporter de Xamax, un Valaisan qui veut se moquer ou un enquêteur du FBI, un clic n’a pas d’odeur pour nos gentils annonceurs genre les femmes russes qui veulent toutes nous épouser ou Christian Lüscher qui croit qu’on n’est pas de gauche dans le coin…
Revenons à nos moutons. Le Bulat, il s’y connaît pour faire marcher un business. Dans sa Tchétchénie natale qui s’est ramassée les chars usés de l’armée rouge sur le coin de la tronche pour avoir osé émettre l’idée de se soustraire à la si exiguë Russie, il a réussi à devenir «milliardaire», en fricotant il est vrai avec certains potentats locaux. Mais voilà, il a quand même réussi à y amasser du flouze «sans faire affaire dans le pétrole» paraît-il. Certains esprits chagrins et mesquins de Neuchâtel ont décidé de lui chercher des noises à son arrivée, sous prétexte que son pognon ne serait pas labellisé «100% Bio-Max Havelaar-AOC Suisse». Sensible comme il est, le Bulat se braque. Il veut donc en faire des tonnes, réussir mieux et plus vite que ne l’aurait fait un Peseuien, pardon, un Peseuois, enfin bref, un habitant de Peseux.

L’enfer est pavé de bonnes intentions

Le Bulat, il «aime bien la Suisse et il aimerait lui rendre tout ce qu’il a reçu». Il applique du coup avec un zèle rare les méthodes qui lui ont si bien réussi outre-Mer Noire : le moindre petit début de contestation et c’est la porte. Il paie, il commande. Il aime pas la tronche d’un sponsor ? Loin. Il trouve que le nouveau gardien a mal dégagé sa sortie de but lors de son premier match ? Loin. L’entraîneur n’applique pas à la lettre ses desideratas ? Loin. L’équipe ne remporte pas par 8-0 tous ses matchs ? Loin le staff technique (pardon, administratif, l’autre n’étant plus là – on vire ce qu’on a sous la main).
Peut-on décemment lui reprocher de vouloir le bien des Neuchâtelois malgré eux ? Ne fallait-il pas tenter le «management à la Tchétchène» lorsque le «management à la Bernasconi» n’a permis que de viser au mieux le bas de classement de la Super League depuis qu’il est là ? C’est clairement de la mauvaise foi de faire les vierges effarouchées alors que l’autre mégalo mauvais perdant de Martigny vire ses douze entraîneurs par an et qu’il provoque la honte de la Suisse entière sur la planète foot en s’attaquant à la FIFA, à l’UEFA et aux valeurs les plus élémentaires de l’esprit sportif.
Mais voilà, le Bulat, il est tchétchène. Du coup, il n’a pas profité du moindre bénéfice du doute. Sa plus petite erreur a été le prétexte à montrer que médias, politiques et ménagères de plus de 50 ans s’intéressent au foot, parce qu’ils sont tous ensemble contre le méchant Bulat. Le virage de tous les employés du club a bon dos pour justifier a posteriori que «oui mais on savait qu’avec lui (que personne ne connaissait), ça allait mal se passer. Ouais.» On n’est pas passé loin du Mouvement des Citoyens Neuchâtelois sur le modèle de leurs grands frères genevois avec un seul point de programme : virer Bulat. Une fois qu’il sera loin, tout ira mieux à Gzamax qui pourra à nouveau jouer les places européennes.

Et si c’était nous, les pigeons ?

Du coup, comment expliquer que le Bulat ait réuni un tel score en sa faveur pour l’élection du Pigeon d’Or mensuel ? Qu’a-t-il de plus que ses contradicteurs (Eto’o, Holtz, Hopp, Wick et le si méritoire Jacquier) ? Serait-ce à cause de ses valises de blé, qui feraient pâlir d’envie le premier président français venu ? Ou de son absence de valises de blé, justement ? Car sa prise de groin avec son «frère» dictateur Kadyrov pourrait, bêtement, puer assez intensément pour l’état de ses finances, vu qu’il semblerait que ce soit pas la meilleure idée de se mettre à dos les dictateurs omnipotents. Voyons les choses en face : il aurait gagné ses premiers matchs en maintenant le staff bernasconien, tout le monde se féliciterait d’avoir un tel amoureux du foot à Neuchâtel, tel l’irréprochable Pishyar genevois. Mais non, il choque les droits-del’hommistes bien-pensants et va finir tôt ou tard la tête rasée sur la place Pury, la «Bulat zéro».
Finalement, même la ligue suisse décide de hurler avec les loups en s’acharnant sur le pauvre et sympathique Bulat, sous prétexte qu’il aurait de la peine à blanchir son oseille pour assurer les garanties exigées pour tout proprio de club de foot dans un pays nanti. Donc vu que la Ligue et nos lecteurs n’ont jamais tort par décret de notre rédac-chef, nous décernons à Bulat Chagaev le

Pigeon d’Or du mois d’août

avec un certain sourire en coin, car la probabilité de retrouver le Bulat bien placé en décembre pour la grande finale paraît aussi élevée que de voir Gzamax relégué en 5ème ligue avant Halloween.
Classement final :
1. Bulat Chagaev : 640 votes – 69.7 %
2. Samuel Eto’o : 125 votes – 13.6 %
3. Gérard Holtz : 56 votes – 6.1 %
4. Nicolas Jacquier : 67 votes – 7.3 %
5. Roman Wick : 17 votes – 1.9 %
6. Dietmar Hopp : 13 votes – 1.4 %
Nombre de votes : 918

Commentaires Facebook

4 Commentaires

  1. Ca faisait bien longtemps que je m’étais pas autant marré avec un de vos articles! Y’a pas à dire, les pigeons ça manque et ça assure le ton cynique et décapant qui me fait venir sur ce site … même avec la tronche à Lüscher en première page! (j’ai cru à une blague)

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.