Et comme toujours, l’Angleterre perdit aux tirs au but…

Quand au hasard d’une discussion je dis le fameux «quand j’étais à Saint-Etienne en 98 pour Angleterre-Argentine…» les discussions alentours cessent, tout le monde m’écoute pour de vrai et a l’air complètement ahuri. En effet, ce match qui a déchainé les passions est resté dans les mémoires de tous les amoureux du football, du vrai football.

Cette année le calendrier de l’Avent de CartonRouge.ch ne me disait pas grand-chose et je pensais faire l’impasse. Mais mon escapade d’il y a 14 ans (mon Dieu !) était allée jusqu’aux oreilles du rédac’ chef qui ne m’a pas loupé et me voilà à écrire cet article qui sera lu par 53 cinglés complètement obnubilés par le foot qui tenteront de faire passer leur journée de boulot un peu plus rapidement. Ah pardon, 52, je ne vais pas me relire.Passons au match. Cette rencontre opposait deux équipes incroyables, composées de joueurs qui font rêver tous ceux qui ont vécu leur adolescence à la fin des années nonante. Vous voulez des noms ? Et bien en voilà : Gabi Batistuta, Carlos Roa, José Chamot ou encore Claudio Lopez chez les Argentins. Côté anglais c’est beaucoup mieux : Graeme Le Saux, Tony Adams, David Seaman, Paul Ince et bien sûr le mythique Paul Merson (les ados des années 80 le connaissent encore mieux). Ne comptez pas sur moi pour vous refaire l’historique des antagonismes entre ces deux nations. Je n’ai toujours rien compris aux Malouines et me tape complètement de la biographie de Maradona. Et de toute manière, à 14 ans, sortant de ma campagne chablaisienne, je n’avais aucune idée de ce que représentait le duel anglo-argentin. Je voulais juste voir mon idole en vrai : Teddy Sheringham (comme quoi les «role model» sont importants afin de suivre la bonne direction). Bon ok, il n’a pas joué, mais il s’est échauffé pendant 20 minutes devant moi.

Mais commençons par le commencement. C’est grâce à mon cousin genevois (il se reconnaîtra) que j’ai la chance d’aller à la Coupe du Monde 1998 à Paris pour un vulgaire France – Arabie Saoudite (essuyage de crampons de Zidane en chair et en os quand même) et surtout pour ce match à Saint-Etienne. Rendez-vous est pris pour tout le monde (nous faisons équipe avec des amis anglais qui avaient eux l’air conscients du risque) au McDo de Rennaz. Et oui, en 1998 le Chablais découvrait tout juste les Chicken McNuggets et la sauce chinoise. Le prochain souvenir qui me revient c’est l’arrivée au stade avec des milliers d’Anglais chantant à s’en péter tous les organes présents dans une gorge humaine. Il faut dire que je n’étais habitué qu’à la Pontaise à l’époque, alors vous comprenez le choc.

Bref, nous sommes dans le stade, il paraît que le Prince Charles est présent en compagnie de Michel Platini et Mick Jagger. On s’en fout ! Où est Teddy Sheringham ?! Le God Save The Queen démarre et là c’est la lambada dans mon slip de gamin de 14 ans. J’en suis même à tenter de bouger les lèvres dans cette langue qui me fait faire des cauchemars durant mes cours de 8e année et sur une chanson que je ne connais même pas. Les fans hurlent leur hymne comme si celui-ci pouvait rendre leur équipe invincible aux tirs au but. J’oublie de préciser : nous nous trouvons dans le secteur réservé aux fans de la Reine, juste derrière Seaman en première mi-temps.
Le match débute et après peu de minutes Seaman se fait l’auteur d’une sortie dont lui seul a le secret et prend Batigol avec lui. C’est pénalty transformé par le buteur à la mitraillette. L’occasion pour mon cousin et moi de vivre la première scène de hooliganisme de notre vie (enfin, étant allé aux Charmilles avant, il devait déjà en avoir vu des supporters un peu teigneux et pas malins). En effet, un gros mouvement de foule s’ensuit et afin de ne pas nous faire piétiner nous sommes protégés par notre ami anglais rugbyman (très utile un pote rugbyman dans ce genre d’occasion) et un gros Anglais gentil sans trop de dents et mâchant du tabac. Nous avons quand même l’occasion de voir passer devant nous des dizaines de supporters gauchos ayant eu la très mauvaise idée de vouloir jouer du tambour dans l’«End» des Anglais. C’est à coups de poings et de pieds qu’ils quittent la tribune, leurs arcades ouvertes et leur nez pissant le sang. Voilà pour l’épisode un peu chaud.
Revenons-en au match. C’est peu de temps après la parade des supportes argentins qu’Owen s’envole sur Ayala, c’est pénalty et une grosse compensation de la part du héros de la soirée M. Nielsen. Shearer envoie un boulet dont lui seul connaît la recette pour le 1-1. Folie dans les tribunes. Motivés comme des habitants du Gros-de-Vaud avant un giron, les hommes de Glenn Hoddle semblent bien partis pour se venger de la défaite de 1986. Michael Owen – à peine plus âgé que moi à l’époque – part comme un avion depuis le rond central et prend de vitesse toute la défense argentine pour envoyer une frappe sublime en pleine lucarne opposée (au passage vous remarquerez le placement très «eighties» de la défense adverse). Le prodige de Liverpool marque là l’un des goals du siècle !
Notre tribune manque de s’effondrer tellement les sujets de Sa Majesté sont extatiques. Ensuite, peu après que Scholes ne manque le 3-1, Veron bénéficie d’un coup-franc à l’orée des seize mètres. L’immonde chauve décale intelligemment Zanetti qui prend tous les Anglais à défaut et crucifie David «Poneytail» Seaman. Les joueurs de l’Albiceleste auront la mauvaise idée de fêter leur but juste devant nous et c’est par dizaines que les bouteilles pleines de Coca et de Fanta leur seront jetées à la tronche. Ce but n’est pas du même calibre que celui d’Owen mais quel souvenir ! Heureusement, il est l’heure du thé. Le béton du stade peut respirer et nous pouvons enfin aller acheter notre Yop (un Yop, non mais franchement).
Au retour des vestiaires Spice Boy prend tout le monde à froid et chatouille le mollet de Diego Simeone. Notre copain Nielsen est pris de panique et sort un carton rouge complètement démesuré par rapport au geste. C’est rouge pour David et la fin d’un spectacle dantesque. A dix contre onze, les Anglais sont admirables d’abnégation et les Argentins incapables de prendre à défaut une défense anglaise pour une fois solide devant le gag Seaman. Il faudra une nouvelle intervention litigieuse de l’arbitre pour ne pas permettre à Tim Flowers et ses potes de fêter le 3-2. Sur un but de la tête de Campbell, Shearer se serait aidé du coude lors de son duel avec Carlos Roa. Pas sûr que l’actuel consultant de Match of the Day ait été rappelé à l’ordre sur pareille action quelques mois plus tôt face à des Coventry, Sheffield ou autre Wimbledon. Quoi qu’on en dise, Nielsen siffle la fin des nonante minutes puis des cent vingt sans que grand-chose ne se passe. La faute à une solide équipe anglaise, à des Argentins frileux et à un arbitre un brin fébrile.

La séance des tirs au but commence très bien pour «Poneytail» qui stoppe la frappe de Crespo, un peu comme Zubi un certain soir à Cologne. Et comme un Streller des grands soirs, Paul Ince rate son pénalty droit derrière. Ensuite tous les tireurs réussissent leur tentative. C’est 4-3 pour l’Argentine et au tour de David Batty de tirer le shoot décisif. Et là, comme s’ils le savaient déjà, mes copains de tribune tremblent, se crispent, se tournent, certains devaient même pleurer. C’est donc tout naturellement que David Batty merde son tir et que Roa devient l’héros de toute une nation.
Profitons-en pour parler du parcours «original» de notre ami Roa. Végétarien en rapport à son appartenance avec l’Eglise du Septième Jour, Carlos prendra une retraite religieuse d’une année en 1999 car il pensait que la fin du monde était proche. Ensuite, il retourne au RC Mallorca sous la condition de ne pas jouer le samedi (jour sacré). Mais après quelque temps, il est frappé par un cancer des testicules. Une fois soigné de celui-ci, le pieux Carlos finira sa carrière à d’Olimpo de Bahia Blanca en Argentine…
En conclusion, l’Argentine sera éliminée de la Coupe du Monde après un splendide match à Marseille face à Bergkamp et Cie. Les Anglais eux perdront encore aux tirs au but en 2004, en 2006 et en juin dernier. En vingt-deux ans, les Anglais auront tout même été éliminés à 6 reprises aux pénalties…
Que dire de plus sinon que je me rappellerai longtemps du retour au parking entre larmes et cris de désespoir surgissant des cohortes de fans anglais. Angleterre – Argentine 98 restera comme un grand moment de football et j’espère toujours pouvoir interrompre quelques discussions en sortant mon «quand j’étais à St-Etienne en 98 pour Angleterre-Argentine…». Sinon, vous aurez remarqué l’œil partisan, bah quoi, j’étais fan de Sheringham et pas d’Abel Balbo…

A propos Julien Echenard 62 Articles
In Haris We Trust

Commentaires Facebook

7 Commentaires

  1. Superbe récit !

    Ma deuxième de de mes multiples déceptions liées aux Three Lions après la demi de 1996…

    Quel match ce fut…Owen, refusé de Campbell, les pénos,etc.

    Merci

  2. Cette série est une merveille! Mais moi je suis comme les gosses, j’ouvre ma porte de calendrier le matin, alors vivement celui d’aujourd’hui! 🙂

    Merci pour ces articles vu depuis les tribunes populaires et pas dans un carré VIP ou depuis la TV, ça transpire la passion et ça fait du bien!

  3. Aaaahhh D.S., la petite blague raciste… donc, votre superbe équipe d’angleterre a perdu contre des filles ??? encore plus mauvais que la réalité dis-donc!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.