Saga des cartons rouges : le moustachu des Carpates

C’est probablement la plus belle performance suisse en Coupe du Monde à ce jour. On ne parle bien entendu pas de ce match vaillant, mais ô combien dégueulasse livré par l’équipe de Suisse en Afrique du Sud face à l’Espagne. Mais bien d’un match disputé sous le toit du stade de Detroit lors d’un Suisse-Roumanie de 1994 qui reste dans les mémoires. Si le festival offensif livré par la Nati a probablement marqué toute une génération, un événement moins racoleur survenu lors de cette rencontre mérite également son heure de gloire.

Lieu : Pontiac Silverdome de Detroit.
Date : 22 juin 1994.
Match : Suisse – Roumanie (4-1), deuxième match du Groupe A.
Fautif : Ion Vladoiu.
Victime : Christophe Ohrel.

Le contexte :

L’équipe de Suisse de 1994. Probablement l’une des meilleures équipes suisses de tous les temps. Une qualification pour les Etats-Unis historique avec cette victoire contre l’Italie à Berne (j’en pleure encore, mais pas probablement pour les mêmes raisons) sur un but de Marc Hottiger et ce festival offensif contre l’Estonie pour clore la qualification devant les rivaux portugais et écossais. On se remémore la ferveur qu’il y avait pu avoir autour de cette World Cup, une fête du football à laquelle participait pour une fois la Nati, après plus de vingt ans d’absence. Le premier match de l’équipe dirigée par le mythique Roy Hogdson avait un peu laissé sur leur faim la plupart des supporters suisses. Un score de 1-1 face à l’hôte du tournoi, réputé assez faible. Une partie qui se résume à une histoire de coup-franc puisque Georges Bregy et Eric Wynalda en avaient chacun inscrit un de superbe manière peu avant la mi-temps. Un point somme toute service minimum pour une Suisse qui avait dominé les débats mais qui s’était exposée aux dangereux contres de Wynalda, Harkes, Stewart et consorts.


Ils n’en reviennent pas, la Suisse se balade en Coupe du Monde

Dans l’autre partie de ce groupe, la Roumanie avait créé la sensation en disposant de la Colombie que Pelé lui-même plaçait parmi les grands favoris au titre. Comme quoi le vieux Brésilien raconte quand même souvent des conneries. Une victoire 3-1 des coéquipiers de Gheorghe Hagi, obtenu notamment grâce à un doublé de Florin Raducioiu. On se souvient notamment du lob exceptionnel de 30 mètres de Hagi, le Maradona des Carpates, qui avait filé dans la lucarne des buts défendus par Oscar Cordoba. Une victoire tellement cinglante qu’elle faisait de la Roumanie un sérieux prétendant à la première place du groupe. Il faut dire qu’elle possédait elle aussi une génération dorée, probablement la plus talentueuse de son histoire.

Les faits :

Le 22 juin 1994, au Pontiac Silverdome de Detroit, la Suisse affronte la Roumanie, un match que l’on annonce difficile pour la Nati. La Roumanie, forte de son probant succès inattendu sur la Colombie, fait clairement office de favori pour cette rencontre. Un élément peut toutefois venir redistribuer les cartes. Les Etats-Unis étant un pays relativement vaste, les déplacements entre les villes hôtes sont parfois longs et difficiles à supporter pour l’organisme. En ce sens, l’équipe de Suisse est avantagée puisqu’elle n’a pas bougé d’un iota. Si la Suisse a disputé sa rencontre initiale à Detroit face aux USA, la Roumanie doit en revanche parcourir plus de 3’000 kilomètres pour disputer cette rencontre, soit l’équivalent d’un déplacement au Kazakhstan, le tout après avoir disputé une rencontre 4 jours auparavant. La distance, sans doute un des gros problèmes de cette World Cup, qui obligera la FIFA à instaurer un système plus rigoureux dans le choix du calendrier des éditions suivantes. Il ne sera dès lors plus possible de disputer deux rencontres de suite dans la même ville, même pour le ou les pays organisateurs.
Un avantage donc certain pour la Suisse, mais qui ne saurait expliquer à lui seul le déroulement de la meilleure partie jamais disputée par une sélection suisse en Coupe du Monde. La première mi-temps est relativement équilibrée, quelques occasions de part et d’autre à se mettre sous la dent. Ce sont même les défenseurs roumains Popescu et Petrescu qui se montrent les plus dangereux, mais Pascolo n’est que peu inquiété par ces défenseurs qui ne savent pas cadrer une frappe. Ce sont néanmoins les protégés de Mister Roy Hogdson qui ouvrent la marque au quart d’heure de jeu par ce sacré Alain Sutter, alors au top de sa forme. Déjà auteur quelques minutes auparavant d’une réussite injustement annulée pour hors-jeu, le milieu à la chevelure blonde effectue un début de match tonitruant. Un joueur charismatique avec ses cheveux longs tombant sur le dos qui participait par son look à donner une certaine reconnaissance à l’équipe suisse. Comme quoi, le look joue effectivement un rôle dans le football, Cristiano Ronaldo ou Neymar ont donc tout compris. Les Roumains parviennent toutefois à égaliser sur une frappe lointaine de leur maître à jouer Hagi, un mec toujours assez moyen en club, mais stratosphérique en sélection nationale. Même si elle est loin de rééditer son excellente rencontre livrée face aux narcotrafiquants colombiens, la Roumanie reste dans la course pour obtenir son billet pour les huitièmes de finale avant l’heure.


Une des rares photos du Freddie Mercury des Carpates

C’est un tout autre son de cloche qui retentit en seconde période. Comme l’aurait dit un commentateur honoré à maintes reprises sur ton site favori, les Suisses reviennent avec une combativité digne de Morgarten ! Les coéquipiers d’Yvan Quentin entament la deuxième moitié du match avec la ferme intention de se battre sur le moindre ballon. La hargne suisse dans la salle de gym géante de Detroit porte ses fruits après un peu plus de cinq minutes de jeu, lorsque notre Chappi national conclut un cafouillage monumental et oblige Bogdan Stelea à rechercher le ballon au fin fond de ses filets. Le même scénario se répète une troisième fois quelques minutes plus tard. Suite à une remontée digne de Diego Maradona, Ciri Sforza sert un caviar au Bâlois Adrian Knup exilé en Allemagne (rappelons que le FCB végétait en LNB avec Chiasso et Bulle à cette époque). La Suisse mène alors 3-1.

Le chef d’œuvre final :

Désespéré, l’entraîneur tout communiste roumain Anghel Iordanescu décide alors de sortir de son sac à malices son arme fatale, son va-tout. Un attaquant avec une moustache à vous donner des frissons dans le dos. Une sorte de Super Mario des Carpates revêtant un uniforme jaune, qui aurait passé de la profession de plombier à celle de footballeur. A peine une minute après l’entrée en jeu du moustachu des Carpates, Ion Vladoiu, la Suisse inscrit un quatrième but. Un coup franc excentré botté par le spécialiste Georges Bregy qui est dévié de la houppette par Adrian Knup qui inscrit un doublé.


Encore plus balèze que Vladoiu, El Diablo Marco Etcheverry

Probablement frustré par la tournure prise par les événements, Ion Vladoiu décide trois minutes après son entrée de régler leur compte à ces foutus Suisses. Traversé par un éclair de génie, l’homme à la moustache de Magnum, pique un joli sprint suite à une mauvaise passe d’un de ses coéquipiers, et se lance semelle en avant à la hauteur du genou de Christophe Ohrel en possession du cuir. Un tacle absolument dégueulasse qui ne pouvait à aucun moment avoir la prétention de jouer le ballon. Malgré des excuses auprès de l’ancien Lausannois, Monsieur Jouini expulse sans hésiter l’auteur de cet attentat. Vladoiu-la-moustache n’aura donc foulé que 4 petites minutes. C’est fort, c’est même très fort. Alors certes, ça n’est pas aussi bien que son compère bolivien Marco Etcheverry, une de mes idoles, qui s’était fait expulser 3 minutes après son entrée en jeu lors du match d’ouverture face à l’Allemagne pour un coup de pied que personne n’a jamais vraiment vu. C’est encore moins bien que José Batista, un Uruguayen expulsé après un peu moins d’une minute de jeu lors d’un match de poules de 1986 face à l’Ecosse. Mais c’est déjà pas mal et surtout cela vient telle une cerise sur le gâteau, rendre le plus beau succès suisse en Coupe du Monde encore plus savoureux. Et de toute manière ce jour-là, il ne pouvait y avoir qu’une seule moustache sur le terrain et c’est celle de Georges Bregy.

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3 Commentaires

  1. Jamais vraiment su si c’est Bregy ou Knup qui plante le 4ème, d’ailleurs cela diffère selon les sources, mais quel match !!!

  2. Le meilleur match de l’équipe suisse de tous les temps, avec peut-être le Suisse-Suède (4-2) quelques mois plus tard.

    Et une vraie sale faute comme on en fait plus.

  3. Toujours aussi savoureuse cette serie! Quel pied ce match! Sutter, extraordinaire ce joueur. Enfin le pied c’etait quand meme ce match au Hardturm contre l’Estonie!

    Pour les conneries de Pele, a quand un petit amalgame de ses sorties les plus deplorables? Lui aussi niveau pigeonnage, ca pourrait etre un sacre candidat

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