Le boss a la niaque

Au vu de leur puissance de feu, les troupes de Susic rêvent de faire parler la poudre (et en cela, la Bosnie-Herzégovine ne manque pas d’expérience…). Mais il faudra que les lignes défensives soient aussi à la hauteur.

1) Pourquoi ai-je choisi de présenter ce pays ? Officiellement : passionné de longue date par l’histoire et la culture bosnienne, j’ai eu le privilège d’être le correspondant de CartonRouge.ch en Bosnie entre 2006 et 2013, afin de couvrir en particulier la seconde division et les ligues régionales, tant en football qu’en hockey sur glace. Autant dire que je me suis précipité sur l’occasion…
Officieusement : c’est la dernière présentation qui n’était pas attribuée. Et l’avantage avec les puissances semi-exotiques du football moderne, c’est qu’on est un peu pardonné si on sèche sur le pourquoi du choix du 3e gardien ou de celui des joueurs de piquet.
2) A quoi sert ce pays ?
(Ndr : la rédaction de CR m’a refusé un joker pour cette question.) Pour éviter tout embarras à l’évocation d’un pays ayant représenté un excellent terrain d’essai pour différents fabricants d’armes et forces armées, reformulons donc la question ainsi : «A quoi sert le football pour ce pays ?»
A laquelle il sera répondu que le développement de joueurs professionnels permet de réduire le taux de chômage du pays et d’avoir quelque chose à exporter licitement. Par ailleurs, le ballon rond permet d’oublier quelque peu les plaies du récent conflit et de rassembler la population autour d’un but commun ; quoique dans certains cas, les matches servent aussi d’exutoire nationaliste pouvant au contraire cristalliser les tensions…

3) Comment se sont-ils qualifiés et surtout pourquoi ?
Si la Suisse est tombée sur la Norvège comme tête de série pour les qualifs, la Bosnie a été presque aussi vernie en tombant sur la vieillissante (voire antique) Grèce. Et comme derrière, la Slovaquie n’a pas poursuivi sur la lancée du Mondial 2010 et que la Lettonie et la Lituanie font davantage peur à leurs propres fans qu’aux adversaires, les côtes brésiliennes pouvaient déjà presque être aperçues du sommet du Maglić (c’est-à-dire, pour les lecteurs à l’érudition limitée, le plus haut sommet du pays). Il a toutefois fallu cravacher ferme pour devancer la Grèce sur le fil (les deux à 25 points, mais avec la Slovaquie, troisième, larguée à 13 points !). Et un barrage aurait été fort craint par les Bosniens, qui y avaient déjà succombé tant sur la route de l’Afrique du Sud que sur celle de l’Ukraine et de la Pologne.
4) Pourquoi vont-ils gagner la Coupe du Monde ?
Parce qu’avoir l’Iran dans le groupe signifie qu’il n’y a que trois concurrents pour les deux places en huitièmes. Et parce que Messi n’est pas dans une forme olympique et que le Nigeria est capable du pire. Autant dire que si coach Susic arrive à conduire ses troupes au miracle, ça va être Safet !
5) Pourquoi vont-ils se faire éliminer au premier tour ?
La qualification pour un grand tournoi étant une première, le manque d’expérience pourrait être un handicap digne d’un éclopé de la guerre des Balkans. Et la fougue risque de ne pas suffire face à l’Argentine (qui reste l’Argentine !) et au Nigeria (capable du meilleur). Enfin, les Dragons ne bénéficieront pas du soutien d’un stade rempli à ras bord de fans chauds bouillants pour intimider leurs adversaires…
6) Qui sont les joueurs à surveiller ?
Ibisevic et Dzeko sont les deux terreurs de l’équipe, enfilant depuis des années les buts dans les défenses allemandes et anglaises. Mais Pjanic, c’est du lourd aussi… Et bon, un niveau en dessous, Nenad Lulic avait laissé une belle impression en Suisse, en particulier à Young Boys (dont il est parti en 2011).
 
7) Qui sont les joueurs à ne pas surveiller, mais dont on peut éventuellement se moquer ?
Tino-Sven Susic, outre pour son prénom, sera certainement raillé en raison de sa filiation, étant le neveu de Safet… Avec une seule sélection au compteur, le joueur du Hajduk Split illustre l’écart entre la génération dorée permettant à un petit pays quelques miracles et l’apparent manque de profondeur de l’effectif, dont une partie non négligeable se trémousse dans des clubs de seconde ou troisième zone (champagne au lecteur qui arrivera sans hésitation à situer le VfR Aalen, Elazigspor, Guizhou Renhe, Zorya Lugansk et Banja Luka !).

8) Une bonne raison de les supporter ?
Un titre de champion serait une bonne affaire pour les parieurs (cote à 150/1 sur Interwetten). Et puis c’est toujours sympa d’avoir une surprise, du moins quand ce n’est pas la Grèce et sa défense à outrance…
On relèvera en aparté qu’étant donné leur absence des grandes compétitions jusqu’à présent, les feedbacks quant aux supportrices bosniennes sont encore absents. La rédaction de CartonRouge.ch accueille néanmoins volontiers toute information de première(s) main(s) à ce sujet.
9) Une bonne raison de ne pas les supporter ?
Izet Hajrovic a fait faux-bond à l’équipe de Suisse, dont il ne s’était pourtant pas privé de porter les couleurs en juniors afin de profiter d’une formation certainement meilleure que sur les champs de patates (voire de mines) bosniens.
C’est un peu comme si Miralem Pjanic avait décidé de faire de même après avoir profité des clémentes conditions luxembourgeoises chez les juniors (quoi, c’est pas vrai, il a aussi fait le coup ?). Ou Kolasinac avec les sélections juniors allemandes… Ou Tino Sven Susic avec la Belgique… Bref, la fidélité (footballistique du moins) ne semble pas être la qualité première des Bosniens…
10) Bon d’accord, mais sinon ?
Alors, plutôt bosnien ou bosniaque (à moins que ce ne soit aucun des deux) ? La première fois que j’ai entendu «bosnien», c’était dans la bouche de Jean-Michel Larqué sur TF1. Autant dire que j’ai pensé qu’il connaissait mal sa géo et ses gentilés et/ou qu’il avait mal lu ses fiches. Le bougre avait pourtant raison, car les Bosniaques ne désignent en gros que les Bosniens de confession musulmane (je vous passe les détails historiques…).
Et sinon encore ? La possibilité d’un 8e de finale Suisse – Bosnie est bien réelle ; elle se concrétiserait donc si la Suisse remportait son groupe et que la Bosnie-Herzégovine finissait 2e du sien, ou vice-versa (mais il semble peu probable que l’Argentine se laisse passer devant…).