Pigeon de novembre 2 : Ramon Zenhäusern

Que les Haut-Valaisans soient de vieux roublards pour râteler le plus de fric possible dans leur beau mais étroit (à tous les niveaux) demi-canton, ça on le savait. Cependant, aller grappiller des dollars imbibés de pétrole jusque dans les déserts émiratis, là, on s’incline, et on dit bravo Ramon Zenhäusern !

Mais qu’est-ce que le géant de Bürchen a bien pu aller foutre au pays des dunes sur ses rutilants Rossignol et revêtu de la combinaison officielle de la Fédé Suisse de Ski (FSS) ?

Une idée ? Non, toujours pas ? La réponse est pourtant si logique pour les esprits torturés. Le skieur haut-valaisan est parti, sous l’égide de Suisse Tourisme, soutenir un partenariat avec la redoutable Fédération de Ski des Emirats Arabes Unis (!) dans le but d’attirer de nombreux pékins émiratis sur nos belles montagnes (accompagnés de leurs Sheikhiers bien remplis) et d’envoyer des skieurs du Golfe aux JO 2026 grâce aux conseils affûtés d’entraîneurs suisses. Donc en résumé, c’est un peu comme si tu avais demandé à Maurice Béjart de transformer des sumos en danseurs-étoiles.

Que Suisse Tourisme fasse son job d’essayer de nous ramener (encore plus) de richissimes touristes arabes en Suisse et que le double médaillé de Pyeongchang aille se faire des soussous faciles à Dubaï, on veut bien à la limite le comprendre ou l’excuser. Par contre, cette aventure marketing pue la merde et l’émérite Ramon aurait dû faire preuve de plus de jugeotte avant de prêter son nom et son aura à cette mascarade. Tout d’abord, le ski alpin se pratique sur de la neige. Aller faire le pingouin dans le sable, revêtu de la combinaison officielle de la FSS n’est pas du tout sérieux et, quelque part, irrespectueux pour ceux qui auraient aimé la porter et ont échoué dans les cadres B de notre équipe nationale. La porte-parole de Suisse Tourisme à Dubaï nous a d’ailleurs confirmé par email que la FSS ne soutenait pas ce projet, donc on se demande bien pourquoi Zenhäusern a pris la décision d’enfiler sa combinaison officielle sans l’aval de sa Fédération.

Par ailleurs, le ski suisse manque terriblement de moyens financiers pour soutenir les Zurbriggen, ou plutôt, les Collombin en herbe. La grande tige de Bürchen aurait mieux fait d’utiliser son temps et son énergie pour aller coacher nos futurs grands skieurs. Prêter son nom à un partenariat grotesque pour soutenir des « skieurs » qui organisent leur championnat national dans une bulle hermétique longue de 85 mètres à Dubaï est véritablement consternant. D’ailleurs, chers lecteurs, chères lectrices, n’hésitez pas à vous inscrire au Championnat des Emirats Arabes Unis, vous y serez acceptés sans problème (ceci n’est pas un gag) et pour gagner, vous devez tenir debout sur vos skis environ 20 secondes (ceci n’est pas un gag). Certes, ces skieurs émiratis du dimanche pourront faire marrer certains assis sur leur sofa avec leur chasse neige mal ficelé sur les traîtres pistes des JO 2026 mais, nous, on préférerait nettement se passionner pour des vrais athlètes qui ont sacrifié leur jeunesse pour vivre un jour le rêve olympique.

Alors oui, par inadvertance sûrement, Ramon Zenhäusern n’a pas pensé aux conséquences de son cachet opportuniste et se retrouve au mauvais moment et au mauvais endroit, une erreur de jugement que n’aurait pas reniée Bill Clinton. La température annuelle moyenne à Dubaï est d’environ 30 degrés. La neige n’y tombe jamais et le ski n’appartient pas à leur culture. Que les Emiratis organisent des courses de bateaux de vitesse dans le Golfe Persique ou autres matchs de polo sur dromadaires, soit, mais de grâce, qu’ils laissent le ski alpin tranquille et qu’ils arrêtent de vouloir tout acheter, simplement parce qu’ils le peuvent.

Pour ses photos ubuesques sur les dunes, pour son naïf mépris des thèses sur le développement durable, mais surtout pour le temps qu’il aurait dû passer à soutenir la relève du ski suisse au lieu de faire le charlot dans le désert, on estime qu’un pigeon pourrait grandement rafraîchir les idées de Ramon Zenhäusern.