Le basket suisse est de nouveau prêt à courir

Annulée mi-mars en raison d’une pandémie dont on n’a évidemment pas assez parlé dernièrement, la Swiss Basketball League (SBL) retrouve (enfin) les parquets usés de ces salles multisports aux lignes incompréhensibles (sauf Fribourg, merci de sauver l’honneur). Dès demain, les grosses cylindrées du championnat chercheront à asseoir leur statut avec un titre à la clé, tandis que les plus modestes tenteront de se frayer un chemin pour finalement pas grand chose. Entre relégations et échangisme, petit tour d’horizon du monde de la sphère orange helvétique avant la reprise.

Recomposée suite aux maigres assurances administratives de certains clubs, la SBL se voit contrainte de débuter un nouveau chapitre à neuf équipes, alors qu’elle en comptait encore douze il y a un an à peine. Exit donc deux des trois clubs vaudois du circuit (Pully Lausanne Foxes et Vevey Riviera), Nyon étant le seul à qui l’on a donné le feu vert. Pire, mais peu surprenant, seuls les Bâlois du Starwings Basket surnagent encore chez les Alémaniques depuis le retrait du seul autre représentant, Swiss Central. Définitivement, même le Musée des transports a plus la cote que le basket à Lucerne.

Toutefois, bien que les retraits de Pully Lausanne et de Swiss Central proviennent d’une décision mûrement réfléchie au sein des deux clubs, celui de Vevey Riviera aura par contre fait bouillonner le microcosme du basket helvétique. Et le feuilleton de l’été s’est enfin terminé le 25 septembre dernier. Ou presque.

Vevey per lei ?

La rumeur fut lancée fin septembre. Un certain Thomas Jurkovitz aurait signé à Genève. Et comme souvent ces mois derniers, Vevey Riviera fulmine face aux injustices dont le club prétend être la victime, comme celle de perdre son jeune joueur par exemple. Un exemple qui ne sera finalement qu’une goute d’eau en comparaison de l’incendie qui s’est propagé cet été.

Car à force de jouer avec le feu, celui-ci brûle sans scrupules. En forçant les portes et les barrages, Vevey a fait gronder l’orage comme dirait Johnny. Incapables d’éteindre les fumerolles qui s’évaporent de l’institution depuis des mois, le président Nathan Zana (par ailleurs candidat à notre titre de pigeon du mois d’août) et son comité ont cru pouvoir se libérer de leurs chaînes. Perdu. Ils auront fini par être vaincus par meilleur qu’eux, et de loin, soit par le Tribunal Arbitral du Sport. Espérant déjouer les pronostics (pas en championnat, on vous rassure), Vevey s’est lamentablement encoublé en septembre, laissant le soin au TAS de confirmer la sentence de Swiss Basketball avec une relégation en 1ère ligue en raison de l’absence de capacités financières et administratives suffisantes.

Veni Vidi Vici selon le dicton. Arrivederci selon la réalité du terrain.

Rivera-t-on bientôt des scènes de liesse à Vevey ?

Bref, le TAS n’avait pas de temps à perdre… tout comme les fans qui ont hâte de la reprise après six mois d’absence. Alors, qui maintenant pour accueillir les futurs chômeurs d’un recrutement veveysan clinquant qui n’aura servi absolument à rien ? Qui pour miser sur le bondissant meneur Antonio Williams ou les talents suisses Clayton Le Sann et Jonathan Dubas ? Une pièce sur le Montheysan Patrick Pembele, qui façonne encore un peu son équipe après avoir passé de justesse la rampe de l’examen de la licence en deuxième instance.

Comptant déjà sur les signatures de cinq joueurs suisses, l’arrivée d’intérieurs américains (Edward et Weaver) et les récentes prolongations de Bailey ou Timberlake, nul doute que le coach du BBC Monthey pleurera une rivière en voyant la qualité des joueurs encore disponibles sur le marché pour espérer se tailler une place en playoffs.

Fribourg – Genève : rivalité d’une autre dimension

Il n’y a pas qu’au hockey où il existe une rivalité entre Genevois et Fribourgeois et, pour les amateurs de basket suisse (oui, il y en a), celle-ci a lieu depuis un moment déjà. Suite à une fusion entre MGS et les Devils en 2010, les Lions de Genève sont devenus en peu de temps un prédateur redoutable pour tenter d’éliminer le buffle Fribourg Olympic. Les deux mastodontes se jouent ainsi, depuis une décennie déjà, les trophées en jeu (SBL Cup, Patrick Baumann Swisscup, Mobilière Supercoupe) malgré quelques incursions sporadiques de Neuchâtel, Monthey ou Lugano. Néanmoins, ces deux gros budgets de la ligue captent toujours les regards et leurs tromperies estivales avaient de quoi rendre jaloux Joël Vermin.

En deux mots, on a vécu durant cette intersaison un beau moment d’échangisme dont les férus du Cap d’Agde auraient été fiers. Le pivot suisse Arnaud Cotture, aux Lions ces trois dernières saisons, est retourné dans son club formateur fribourgeois. Dans le même temps, le virevoltant genevois Jeremy Jaunin a fait le chemin inverse pour retourner dans son canton d’origine, là où tout a commencé pour lui en 2010. Derrière, Andrej Stimac, ancien joueur phare de Genève mais assistant coach à Fribourg la saison dernière, s’est finalement barré pour diriger l’équipe du bout du lac.

« Est-ce que c’est élégant pour un coach d’aller chercher plusieurs joueurs de son ancienne équipe ? », s’interrogeait d’ailleurs Philippe de Gottrau, président de Fribourg Olympic, sur le site du Matin. « Chacun se fera son opinion. Selon moi, il y a une certaine éthique à avoir. Mais je n’en veux ni à Andrej (Stimac), ni à Imad (Fattal), c’est de bonne guerre. Je suis un peu inquiet dans le sens où ils sont en train de prendre notre cinq de base. ». Et ça n’a pas manqué puisque le sniper et futur capitaine Tim Derksen, tout comme l’un des meilleurs ailiers du précédent championnat, Natan Jurkovitz, ont donc rejoint la salle du Pommier (ce dernier jouera finalement en Israël, selon une clause dans son contrat).

Dépouillé de ses joueurs par des Lions affamés de titres si l’on rajoute à cela la venue de Brandon Kuba, Olympic a tout de même essayé de riposter en recrutant les jeunes suisses Robert Zinn et Alexander Hart, tous deux anciens… des Lions de Genève. Un maigre lot de consolation, même si en bonus l’équipe entraînée par Petar Aleksic a rajouté dans sa liste de courses le vétéran Sean Barnette, un ailier américain qui joua à…Genève en 2011/2012. Il n’empêche, ça sent le seum au bord de la Sarine.

Hakuna Matata chez les Lions

D’ailleurs, heureusement que le championnat ne se joue pas à deux. Et si c’était le cas, Genève pourrait en sortir vainqueur. Le club du bout du lac, dirigé d’une main de maître par Imad Fattal (normal, il est avocat), a réussi à attirer dans ses filets quelques joueurs expérimentés d’Europe. L’UDC en PLS, c’est du côté de la Lituanie et de la Croatie que les Lions sont allés chercher leur futur meneur titulaire, Donatas Sabeckis, et l’intérieur besogneux Ive Ivanov. En compagnie des Américains Adams et Derksen, les deux joueurs de l’Est complètent un quatuor de joueurs considérés comme “non formés en Suisse’’, le maximum permis selon le règlement de la SBL.

À droite, un troupeau de Lions affamés avant le début de la chasse.

N’ayant pas le choix de recruter local comme les confinés du printemps, le comité des Lions de Genève a ainsi déployé l’artillerie lourde pour monter un groupe compétitif autour du chouchou Jaunin. Michael Maruotto profite lui aussi d’un retour aux sources, cinq ans après avoir quitté le club, tout comme Roberto Kovac, international suisse formé à Fribourg (oui, ça ne s’invente pas ces histoires d’échangisme), qui revient au bercail après deux expériences mitigées en Croatie et Islande. It is time to land.

Pour la plupart des postes de jeu, ceux-ci sont doublés voire triplés avec l’apport des jeunes formés dans la région genevoise. Avec probablement l’une des meilleures équipes de leur courte histoire, les Lions de Genève sont, sur le papier, un épouvantail qui peut bousculer sérieusement la défense de fer du favori Fribourg. Ils sont aptes à faire peur aux adversaires, surtout les plus faibles du championnat, tant l’ancienne gloire Stimac n’aura pas de difficultés à fédérer un groupe autour de l’objectif ultime d’être champion. «Il était courageux sur le terrain, il le sera sur la touche », comme le précisait Imad Fattal fin septembre à la Tribune de Genève.

Et si certaines équipes ne peuvent régater en termes d’attractivité et de budget, la ruse sera de mise. Elle permettra de faire tomber les Genevois, particulièrement à travers une jeunesse qui fait partie de l’équation chez certains, notamment à une centaine de kilomètres du jet d’eau.

Neuchâtel : l’Union de la jeunesse

A Neuchâtel, on compte sur le cru dont le talent n’est pas creux. Et ceci n’est pas du vent, malgré le départ du capitaine Isaiah Williams pour des raisons familiales après deux ans de bons et loyaux services au club. En plus de cette déchirure (musculaire, pour l’aspect sportif), l’entorse financière est tout aussi importante. Le Covid étant passé par là, c’est un budget restreint qui s’impose aux Neuchâtelois pour finalement stagner à hauteur du précédent exercice. Dommage pour un club qui aurait pu le gonfler en ayant terminé deuxième du classement avant l’arrêt du championnat à la mi-mars.

Au vu de son effectif, Union fera probablement office d’outsider cette saison car pour régater face à Fribourg et Genève, il faut avoir les bustes solides malgré toute la combativité dont fait toujours preuve cette équipe. Qui sait, Neuchâtel pourra-t-elle encore surfer sur la vague de la saison dernière, à l’image des planchistes faisant face au Quai Osterwald ? « J’ai beaucoup de doutes par rapport à ce qui va se passer […], donc c’est très difficile aujourd’hui de faire un pronostic. On reste avec l’objectif et l’ambition de rester dans le peloton de tête », souligne le président d’Union, Andrea Siviero, dans un entretien sur les ondes de RTN.

Difficile donc de faire des prédictions sur la saison d’Union, malgré la prolongation sans transit de Bryan Colon et quelques renforts américains (Kinney, Taylor et Humphrey) ou d’autres provenant de la région lémanique en la personne de Noé Anabir. Mais l’arche ne serait-elle pas plus reluisante si le salut venait des jeunes, dont le talent ne demande qu’à éclore ? Avec dans ses rangs des talents bruts de moins de 23 piges à l’instar du pivot Memishi (2m13 sous la toise !), des ailiers Kübler et Martin ou du génial meneur Fofana (meilleur marqueur U23 en 2019/2020), l’équipe entraînée par le coach de l’année Daniel Goethals est, à travers ses jeunes pousses, plus séduisante que le budget restreint ne le laisse croire.

Dunk à la Riveraine ou relégation à la Maladière ? La question est vite répondue. 

Loin du décor de la NBA, en colonie de vacances dans la « bulle » de Disney World, il se cache donc en Suisse cette ligue qui grandit aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire. Bercée par un manque de stabilité depuis des années, la saison à venir le sera encore malgré les efforts entrepris par une SBL qui n’est pas entièrement responsable de ce chenit caractérisé par des déboires. Si la pandémie n’aura pas rimé avec gains d’économie pour les clubs, les restrictions budgétaires couplées à l’intelligence de certains dirigeants auront apporté une certaine audace dans le recrutement. Hormis un faible BBC Nyon qui sera la cure de désintoxication pour les équipes en mal de points, le championnat à venir augure une intensité de tous les instants, incarnée par des morts de faim ayant vécu une saison écourtée. Le titre de champion n’aura jamais été décerné en 2020, il en sera tout autre en 2021.

Enfin, on l’espère.

Le pronostic tout pété 

  1. Fribourg Olympic
  2. Lions de Genève
  3. Massagno Spinelli
  4. Union Neuchâtel
  5. Lugano Tigers
  6. BBC Monthey
  7. Starwings Basket
  8. BC Boncourt
  9. BBC Nyon
A propos Vic Perrin 21 Articles
Un peu casse-cou, mais pas trop casse-couilles

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