Qu’est-ce qu’elle a Magull ?

Marqué le game-winning goal, voilà ce qu’elle a

Le haut lieu masculinisto-réactionnaire qu’est Carton-Rouge est composé de 15 individus mâles binaires (foot-hockey donc), n’a pas accueilli de rédactrice depuis six ans (une sombre histoire d’hymne national espagnol avait laissé le boss de l’époque sans voix) et a l’indécrottable habitude de larguer des obus éditoriaux de cet acabit dans le plus grand des calmes. Il n’en fallait pas plus pour que l’envoyé spécial de votre site préféré, parti à la conquête de l’ouest londonien, en arrive à une conclusion évidente: qui d’autre que CR pour vous narrer les exploits des escouades féminines allemande et autrichienne en quart de finale de l’Euro 2022 depuis les tribunes du vénérable Brentford Community Stadium et ses… deux ans d’histoire ? Oui, cher-chère-s-x lecteur-lectrice-s-x, tu l’as deviné, voilà qui fleure le progressisme à plein nez (à moins que ce ne soit que les effluves de hot dog et de soda tiédasse au bouchon confisqué, difficile à dire).

Le trajet

Non, il ne s’est rien passé de particulier au cours de notre périple Lausanne – Paris – Londres le mardi 19 juillet.

Londres, ville aussi égalitaire que sa couverture médiatique du sujet de conversation préféré de tout un pays.

Non, vraiment, on vous assure, rien à signaler.

Parler du temps qu’il fait en attendant le métro pendant 20 minutes, le rêve humide (de sueur) de tout citoyen britannique qui se respecte.

L’organisation

Si comme nous vous écumez les différents stades londoniens depuis pas loin d’une décennie, vous savez qu’à la sortie, rien n’est jamais laissé au hasard. Deux files distinctes se forment, donnant ainsi au public l’opportunité d’exercer le deuxième sport national (faire la queue arrive à quelques encablures seulement de s’inquiéter de la météo) et à chacun de rentrer chez soi dans l’ordre et le calme les plus absolus, le temps de transformer Kew Bridge en Queue Bridge.

Les troupes d’élite de la protection civile anglaise dans leurs oeuvres.

Comme occuper jusqu’au dernier nanomètre disponible d’une plateforme ferroviaire ou de l’intérieur d’un compartiment en commençant par le fond relève de la discipline olympique au Royaume-Uni, l’évacuation des 16’025 spectateurs du soir est aussi efficace que le transit intestinal de la Nati féminine dans son ensemble. Même pas le temps d’accuser le moindre supporter de Liverpool de quoi que ce soit puisque tout débordement potentiel est tué dans l’œuf. On raconte que le comité d’organisation de Paris 2024 a dépêché une poignée de stagiaires sur les différents sites de l’Euro 2022 pour en prendre de la graine.

Le match en deux mots

Touch wood

En effet, les différents montants ont été sollicités à cinq reprises. 3 pour l’Autriche (Georgieva à la 14ème, Dunst à la 53ème et Puntigam à la 57ème), 2 pour l’Allemagne (Gwinn à la 47ème et Bühl à la 78ème). Et pourtant impossible de parler de défenses de fer ni d’attaques en bois dans cette partie.

L’homme du match

Le docteur ès démarchage et essorage de portefeuille et autre carte de crédit (oui, à ce niveau de performance on parle au moins d’un PhD) du « superstore » (sic) du Brentford FC, sorte d’îlot perdu entre le stade et une bretelle d’autoroute menant à l’aéroport de Heathrow.

On ne sait pas quelle mouche les a piqués au moment de décider de la localisation et de l’architecture de ce machin.

Après avoir tenté de trouver une raison (nos allégeances footballistiques, couleurs préférées, hobbies, métier, nationalité, nombre de frères et sœurs, animaux domestiques, …) de nous fourguer absolument chaque article du magasin un par un, l’employé du mois du borough de Hounslow nous aurait probablement vendu père et mère s’il avait pu nous prouver qu’ils rentraient dans un sac de taille A4, seul genre de besace autorisé au stade (véridique, 21.0 x 29.7 x 21.0 cm, même si on n’a pas vu l’ombre d’une équerre brandie par la sécurité du lieu). Comme quoi il n’y a apparemment pas que les joueurs qui reçoivent des primes en cas d’assist important dans le coin. Ça ou le pauvre bougre est dramatiquement sous-payé pour ce qu’il fait.

Bref, le fait que le maillot local n’existait plus dans notre taille de guêpe (pardon, de Bee), nous a finalement servi d’excuse en béton armé pour nous sortir de ce gu… de cette souricière.

L’escadrille de buses du match

Les gens qui arrivent en retard, partent en avance à la mi-temps pour être les premiers à satisfaire divers besoins naturels, reviennent en retard, quittent le stade avant tout le monde pour choper le train avant la cohue et font donc se lever toute une rangée à quatre reprises en pleine offensive allemande. Franchement, à chaque fois ça nous donne envie d’envahir la Pologne ça nous met très en colère.

Le tournant du match

Le moment où le Wunderteam autrichien a collectivement décidé qu’un ballon qui n’était pas touché par son onze entier en commençant par sa gardienne et ses latérales ne pouvait mener à une action de but digne de ce nom. En d’autres termes, pas besoin d’avoir accès au télescope James Webb pour comprendre la raison pour laquelle la Mannschaft adverse a pu ajouter une quatrième clean sheet à son tableau de chasse.

A force de vouloir repartir depuis derrière, on pousse le vice jusqu’à la caricature, puisqu’un dégagement du dernier rempart autrichien Manuela Zinsberger finit même par être contré à bout portant par Alexandra Popp pour le but gag de la soirée (2-0, 90ème). Refuser à ce point de changer de stratégie à l’envers du bon sens, voilà ce qui s’appelle faire l’Autriche.

L’esthète du match

Klara Bühl. L’attaquante du Bayern doit encore se demander comment elle s’est débrouillée pour envoyer le caviar de Popp sur orbite devant une cage vide à la 82ème minute alors que son équipe ne menait que d’un but.

Pas le temps de cogiter dans l’immédiat puisqu’elle est remplacée par Jule Brand (qui ne parviendra pas à faire évoluer la marque) dans l’enchaînement.

Uwe Seeler, 43 buts en 72 sélections entre 1954 et 1970 et décédé le jour même à l’âge de 85 ans, n’a pas dû en rater beaucoup des comme ça.

Le geste pourri du match

Le choix d’une Bühl loin d’être papale pour l’occasion comme femme du match ne manquait pas d’air, même s’il est vrai que c’était l’une des meilleures joueuses sur le papier, Bühl. Ce trophée se devait pourtant de revenir à la capitaine Alexandra Popp, véritable plaque tournante de la Mannschaft et auteure… autrice… auteur… enfin ayant marqué un but et offert une passe décisive, ou à la rigueur à Svenja Huth (même en plein mois de juillet), elle aussi au four et au moulin. Même Lina Magull, première buteuse de la rencontre (1-0, 25ème), aurait mérité mieux que le titre foireux de cet article en guise de récompense.

Bühl spéculative dans les 16 mètres. On notera également la confiance de la gardienne allemande en ses qualités de sprinteuse en cas de récupération et de contre-attaque adverse.

Du côté autrichien, votre serviteur a été très impressionné par le tiercé offensif des numéros 8, 9 et 10, Barbara Dunst, Sarah Zadrazil et Laura Feiersinger. Il est par ailleurs important de noter que quand on s’appelle Zadrazil et qu’on donne des boutons à une défense, c’est qu’on a mal lu la notice d’emballage.

Le chiffre à la con

8. Comme le nombre d’Euros gagnés en 11 participations par l’Allemagne (1989, 1991, 1995, 1997, 2001, 2005, 2009, 2013). Le tout assorti de deux Coupes du monde (2003, 2007) et d’un titre olympique (2016). On comprend pourquoi les défaites en quarts de l’Euro 2017 et du Mondial 2019 ont été considérées comme le fond du trou et Martina Voss-Tecklenburg, ancienne sélectionneuse à succès (très relatif) de la Nati, n’aurait probablement pas survécu à une déconvenue de plus. D’autant que le petit poucet autrichien n’en était qu’à sa deuxième participation à un Euro (demi-finaliste en 2017).

Mais bon, avec des joueuses nommées Popp et Bühl, vous pensiez vraiment qu’on allait rater une occasion de sabler le champagne du côté teuton ?

L’anecdote

Pour ceux qui n’avaient vraiment pas suivi, le Brentford Community Stadium est l’antre du Brentford FC, promu en Premier League en 2021 pour la première fois en 74 ans. Les plus perspicaces d’entre vous l’auront déjà compris, le club dont les rivaux les plus sérieux pour le titre de formation la plus médiocre de l’ouest londonien sont ses voisins de Fulham et des Queens Park Rangers a aussi un surnom. The Bees. Jusque-là, pas de quoi fouetter un chat et à peine de quoi faire hausser un sourcil à un avocat chaux-de-fonnier spécialisé en plagiat.

Si l’on en croit notre meilleur ami Wikipédia, ce charmant sobriquet aurait été créé involontairement par des étudiants locaux dans les années 1890. Voulant encourager un de leurs camarades alors joueur du club, ils avaient entonné le chant de leur école répondant au doux nom de Borough Road College: « Buck up Bs ! » Les journalistes locaux présents avaient cru entendre « Buck up Bees ! » and the rest is history. Une histoire qui ne dit d’ailleurs pas s’ils s’étaient ensuite camphré la ruche pour fêter ça.

Un (tout) petit bijou qui date de 2020.

On notera encore qu’il est pour l’heure difficile de prévoir si les supporters locaux se remettront du départ de Christian Eriksen, leur joueur de coeur, à Manchester United.

Et sinon dans les tribunes ?

Et on imagine qu’ils avaient fait pareil pour cet Allemagne-Autriche.

La minute Pierre-Alain Dupuis

Comme on était sur place, impossible de savoir si les commentateurs de la BBC ont fait des leurs en direct. On vous parlera donc du mercredi 20 juillet, soir de premier quart de finale entre l’Angleterre et l’Espagne. Dépourvu de sésame (et d’envie de faire le voyage de Brighton) pour cette affiche, votre serviteur s’est contenté d’une pinte arrosée de chicken wings (ou était-ce l’inverse ?) à une table de l’éminent Old Fields, quelque part dans le SW18 londonien. « Whereabouts are you sitting ? » se permet de demander le brave préposé à la bonne tenue du bar quand on lui signifie notre volonté de se porter acquéreur d’une demi-douzaine d’accessoires de vol aviaires surmontés d’une sauce venue tout droit du pays du matin calme. « On his bum ! » réplique immédiatement une dame à la timidité non feinte à notre droite. Une précision qui nous a effectivement fait gagner un temps précieux à 20 minutes de la fermeture de la cuisine.

La vanne beauf coupée au montage

Non, n’insistez pas, on ne vous racontera pas la terrible réalité de la prononciation anglophone des noms allemands avant le coup d’envoi.

La rétrospective du prochain match

Les demi-finales opposeront l’Angleterre à la Suède (à moins que ce ne soit à la Belgique) et l’Allemagne aux Pays-Bas (si ce n’est pas la France). Bref, on n’en sait rien. Tout ce qu’on sait, c’est qu’on sera présent à Sheffield le 26 juillet pour vous raconter la suite.

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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