Coupe de l’America : Aline & Guy à la Barr

C’est bien connu, quand on est né au milieu des Alpes, on a le pied autant marin qu’une poule élevée en batterie. A part quelques sorties vinico-viticoles pour faire trempette dans les gouilles du Domaine des Îles à Sion, je vouais un intérêt tout relatif aux espaces aquatiques et même un désintérêt total pour les courses de bateaux à voile.

Tout changea en 2003. Ce pauvre diable de Bertarelli et sa compagnie de bénévoles néo-zélandais prouvèrent à la terre entière que les catamarans helvètes pouvaient atteindre les mêmes vitesses qu’un Alex Wilson chargé. Grâce à Alinghi, la Suisse devenait le pays de référence des F1 des mers et le Lac de Joux allait finalement pouvoir accueillir une course mondialement réputée: la Coupe de l’America.

Mais, trahison, que nenni ! Les Coutts et autre Louis Vuitton allaient dicter l’Histoire de la voile en Suisse pour l’aider à retomber dans un anonymat bien mérité. Mais au fond, c’est quoi ce bidule de course de rafiots pour aristos ?

La Coupe de l’America en deux mots

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L’homme de la Coupe de l’America

John Cox Stevens, sociétaire du New York Yacht Club, fondateur plus ou moins officiel de cette énorme machine à faire joujou avec des catamarans barrés par des millionnaires aussi talentueux en voile que Yann Marti en tennis. A la veille de l’exposition universelle de 1851, Mr Stevens décida de construire une goélette (un rafiot pour les nuls en flottaison) et de s’en aller provoquer 14 équipages anglais autour de l’île de Wight, sous les applaudissements de la reine Victoria trônant béatement sur son bateau à vapeur (tricheuse). Après une course où tout le monde essaya de tricher avec brio, les Ricains furent déclarés vainqueurs bien qu’ayant stupidement loupé une bouée, certainement un hommage anthume à Joël Gaspoz.

La Coupe de l’America était lancée, estampillée du sceau de la tricherie et du machiavélisme.

L’esthète de la Coupe de l’America

Charlie Barr, évidemment écossais avec un nom pareil.

Vainqueur à trois reprises de cette épreuve en 1899, 1901 et 1903, Charlie fut connu avant tout pour ses approches de bouées agressives et sa connaissance encyclopédique des règles de la course. Soulignons ici que l’émérite Glaswegian gagna l’ensemble de ses défis face à la goélette barrée par l’Irlandais Thomas Lipton. La Coupe de l’America ne fut décidément pas sa tasse de thé.

Le retournement de situation à la Coupe de l’America

Le chavirage du catamaran suédois Ártemis Racing en mai 2013.

Mais qu’espérer d’autre d’un bateau conçu par Lego sur les bases d’un mode d’emploi Ikea et financé par un hedge fund ? Ce rafiot ne pouvait que finir au fond de l’Atlantique. Dommage qu’à 36 ans, le double médaillé olympique de voile Andrew Simpson y ait laissé sa peau. Décidément quand ton nom de famille est Simpson, tu es prédestiné à avoir une espérance de vie assez courte dans le sport pro.

Le geste pourri de la Coupe de l’America

Juste avant la série mondiale de « chauffe » pour l’America Cup 2012, un trio de génies du Team Oracle décida d’aller planquer des sacs de grenailles de plomb dans les mats avant de leur catamaran de 45 pieds (15m pour les anglophobes). Un geste bien saugrenu alors qu’il aurait suffi de river Pierre Ménès sur la proue du catamaran.  Cet ajout de poids avait pour but d’améliorer la performance du bateau américain. Donc plus t’es lourd, plus t’es performant aux US. Dommage que ça ne marche pas pour les joueurs de foot car la Suisse serait déjà triple championne du monde avec Shaqiri.

Cette tentative de triche fut d’autant plus déplorable que ces catamarans de type AC45s avaient été construits de manière scrupuleusement identiques pour que ce ne soit que le talent des équipages qui fasse la différence autour des bouées. Du coup, les deux skippers de l’Oracle Team (Jimmy Spithill et Russell Coutts), innocents à leur humble avis, eurent juste le temps de faire péter la Veuve Clicquot avant de se faire rattraper par la patrouille. Deux courses de pénalité et $250’000 d’amende plus loin, les deux apprentis-plombiers firent tellement les pleurnicheuses en conférence de presse qu’on se serait cru à l’enterrement de Lady Di. « Cette punition est une première dans n’importe quel sport. En NFL, NBA, NHL, jamais une instance sportive n’aurait enlevé de point avant qu’un match ne soit disputé. On ne peut pas se souvenir dans l’histoire du sport qu’une instance disciplinaire ait réussi à influencer le résultat d’un évènement à venir. C’est une décision dévastatrice… ».

Comme dirait Alain Leblay: « Tricher est l’art de gagner du médiocre ». Hein Russell !

La buse de la Coupe de l’America

Russell Coutts. Le gars qui a tellement reniflé les fonds de poche de Bertarelli que le matelot genevois devait avoir l’impression de se balader avec un teckel aux fesses.

Ernesto décida de virer le Néo-zélandais, pourtant le héros de l’aventure Alinghi en 2003, pour violations répétées de ses obligations contractuelles ou en bon français, pour des performances à la Balotelli. Il faut dire que Coutts et scandales font aussi bon ménage que Blatter et corruption. Dans l’histoire de triche de 2013 évoquée dans le chapitre ci-dessus, le Kiwi ameuta les médias pour venir se lamenter de la pénalité de deux courses justement infligées aux pougneurs d’Oracle : « Cette sanction est scandaleuse, ridicule et injuste. Alors si des membres de mon team enfreignent une règle, c’est toute l’équipe qui est pénalisée. Cette punition n’est pas à la hauteur de la faute commise ».

Non, mais ta gueule ! Si tu préfères gagner en trichant plutôt que de perdre la tête haute, achète-toi un caboteur et invite Alex Wilson, Lance Armstrong et Thierry Henry. Vous pourrez voguer au loin et faire un chibre tout en trichant parmi.

Le tournant de la Coupe de l’America

L’arrivée en Suisse d’Aline et Guy en 1964. Un couple d’ingénieur en biotechnologie néo-zélandais venu en Suisse Romande pour bosser dans une start-up lémanique quelconque.

Passionnés de voile, Aline et Guy donnèrent naissance à cinq vaillants matelots qui devinrent sociétaires de la Société Nautique de Genève ou du Léman pour les Lausannois. Conquérants, ces cinq moussaillons décidèrent de louer une grange sur les haut d’Ecublens en 1998. Accompagnés de quelques boutonneux de l’EPFL, ils dessinèrent une F1 des mers composée d’un mélange de bois, de résine et de fibre de carbone saupoudrée de senseurs. Ils y ajoutèrent des softwares destinés à l’analyse des fluides dynamiques et à la planification stratégique du parcours. Bref, un pack de nouvelles technologies implémenté pour faire avancer leur nef bien plus lestement que le canoë de Roger Montandon sur l’Atlantique.

Alinghi-SUI 64 était né. La Jamaïque avait son équipe de bob, la Suisse tenait son équipe de moussaillons. Ernesto vint y ajouter ses millions et mit en marche la machine à imprimer de l’argent après le triomphe des Suisso-Néo-zélandais face au Team New Zealand, mal barré par Dean Barker. Les casquettes Alinghi commencèrent à fleurir un peu partout dans les rues helvètes, un peu comme les mémorables bonnets Crédit Suisse sur les pistes de Verbier.

On pouvait désormais mourir heureux. La Suisse savait naviguer.

Le chiffre à la con

75’000 euros. Ce sont les modiques frais d’inscription pour ces joutes aquatiques. Il faut juste y ajouter environ 100 millions d’euros pour espérer soulever l’aiguière en argent. Comme dirait Claude Lelouch : « avec un bateau, il y a deux moments de bonheur : le jour où on l’achète et le jour où l’on revend ».

La rétrospective de la prochaine Coupe de l’America

La prochaine Coupe de l’America aura lieu en octobre 2024 à Barcelone. Shakira nous poussera un petit yaka yaka et Gerard le grand Pique viendra sûrement nous expliquer que son groupe Kosmos pourra démocratiser ce sport.

La ville catalane est un choix surprenant quand on pense que les « Défenseurs » du Team New Zealand avaient l’option de naviguer dans la baie d’Auckland pour défendre leur titre.  Toutefois, en voile comme en foot, l’oseille parle plus que le patriotisme et quand on sait que le principal Challenger pour cette édition 2024 se nomme INEOS Britannia, la messe était dite avant que les servants de messe n’aient eu le temps de s’agenouiller. « Organiser l’évènement dans une ville importante comme Barcelone va nous permettre de renforcer la trajectoire de croissance de l’évènement sur la scène sportive mondiale », s’éructa Grant Dalton, le comique PDG de TNZ, l’entité privée et désintéressée en charge de l’organisation de ce défilé de mode et accessoirement de voile. Toutefois, ce que voulait vraiment nous dire le demi-frère de Joe, Jack, William et Averell, c’était qu’«organiser l’évènement dans une ville comme Barcelone permettra de nous remplir les poches avec les droits TV et les box VIP de la jet-set americo-européennes qui trouvent le chenal de Rangitoto un peu trop éloigné pour une escapade automnale». On nous annonce aussi que cette édition ibérique se fera sous le signe de la maîtrise des coûts, de l’environnement et de la mixité. En bref, trois critères qui sont aussi rapprochés que les repas pris par un anorexique et qui rendent cette ambition aussi risible que grotesque.

INEOS finira par emporter cette 34ème Coupe de l’America et Jim Ratcliffe annoncera dans la foulée l’organisation de la 35ème édition entre le débarcadère du Château de Chillon et celui de Saint-Gingolph.

Let’s rejoice, let’s make America great again. Or not.

 

A propos Paul Carruzzo 207 Articles
Elle est pas un peu belle notre Nati et tout le bonheur qu’elle nous amène ? Alors, Rickli et compagnie, si vous ne vibrez pas devant cette équipe, vous n’êtes pas non plus monstrement obligés de regarder. Profitez d’un bon match de hornus et foutez la paix à nos joueurs, qui comme vous, ont un joli passeport rouge à croix blanche.

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