Vous n’en pouvez plus du tiki-taka, des « expected goals » et des 0-0 alors que votre équipe a 80 % de possession de balle ? Laissez-moi vous narrer la légende de Marco van Basten, un attaquant qui, lorsqu’il recevait la balle, frappait au but (non mais quelle idée…) ! Le bougre a sorti sa biographie « Basta, ma vie, ma vérité » le 16 juin, l’occasion idéale pour nous remémorer les patates raffinées du triple Ballon d’Or (1988, 1989 et 1992).
Madeleine de Proust
Autant être clair d’entrée : je suis un fan absolu de Marco van Basten le joueur. Quand j’étais à l’école primaire, j’enregistrais l’émission du soir qui résumait les buts de la soirée de Ligue des champions sur cassette VHS, que je regardais le lendemain à 6h20 avant que mes parents ne m’emmènent à école (eh oui à l’époque il n’y avait que deux groupes de quatre, l’émission était courte !). Et là, c’est la révélation : Milan AC – IFK Göteborg, Marco van Basten marque 4 buts, le premier du droit, le deuxième sur penalty, le troisième sur un bijou de retourné et le dernier du gauche en dribblant le gardien suédois Thomas Ravelli, qui n’était pas un Mickey non plus. Plus rien ne sera jamais comme avant. J’étais bluffé à vie et m’en souviens encore. Voyez plutôt la vidéo !
La plus belle capture du retourné ce soir-là. Comment ne pas être immédiatement frappé du syndrome de Stendhal ?
De l’esthétisme avant toute chose…
… et pour cela préfère la vélocité. Tout ce qu’entreprend van Basten est empreint d’une fluidité que ne renierait pas van Gogh. Le joueur livre lui-même sa recette pour un ciseau retourné réussi : un savant mélange de technique, de courage et de timing. Maîtriser ce geste requiert un très haut degré de coordination, équivalent à un gymnaste de haut niveau. Voyez plutôt :
Un Hollandais roi de la bicyclette, quoi de plus logique?
Volée et vortex
Vous en voulez encore ? Quelle meilleure occasion que la finale de l’Euro 1988 contre l’URSS pour révéler au monde qu’il n’est autre que Docteur Strange et manie le multiverse à sa guise. 34 ans plus tard, la NASA étudie encore cette reprise de volée afin de comprendre la création des trous noirs supermassifs.
But venu d’ailleurs contre l’URSS en finale de l’Euro 1988. L’Ukraine aurait proposé à Marco de rejoindre son armée pour mettre la même dans la tête de Poutine.
Un gars normal
Face à tant de beauté, parler du reste de sa biographie semble plus banal. À 7 ans, alors qu’il fait du patin avec un ami, celui-ci tombe à travers la glace et décède, expérience qui le marquera à vie. Grandissant dans une famille ordinaire, il réalisera une fois adulte que son père consacrait toute sa vie au football et que cela rendait le foyer dysfonctionnel. À part ça, Marco aime bien le calme et la tranquillité. Pas vraiment de frasques, et beaucoup de travail pour être au top.
Côté coeur, il est marié à Liesbeth depuis 30 ans. Seul écart au tableau : envoûté par les sirènes d’une autre donzelle, il se sépare de sa femme avant d’entreprendre quoi que ce soit, qui doit elle rentrer aux Pays-Bas et redémarrer une vie moins prestigieuse. Réalisant rapidement qu’il a fait une erreur monumentale, il s’excuse, elle accepte, ils se remettent ensemble et leur couple s’en trouve consolidé. Honnêtement, ça change des « Piqué a trompé Shakira » ou « Mendy accusé d’avoir violé 8 femmes ». Autres temps, autres mœurs…
Johan Cruyff, mentor et manipulator
Aux Pays-Bas, c’est simple, le patron c’est Johan Cruyff : il a son mot à dire pour tout ce qui concerne l’Ajax et l’équipe nationale, mais aussi pour le FC Barcelone. Certaines réunions se tiennent même carrément chez lui. Du coup il adoube évidemment Marco et lui ouvre toutes les portes, mais lui met aussi deux-trois bâtons involontaires dans les roues, par exemple quand il complote en coulisse pour le mettre à la tête de l’Ajax. Marco étant plutôt bonne pâte, il accepte, mais au final ce n’était pas l’idée du siècle et notre protagoniste réalise que Cruyff a beau avoir trois coups d’avance dans la compréhension du jeu, ce n’est pas du tout le cas en management.
Lots of pain and no gain
L’aspect le plus marquant de ce livre réside dans la description de son calvaire pour soigner sa blessure, qui le condamna à arrêter sa carrière à 28 ans. Imaginez seulement s’il avait pu poursuivre jusqu’à 35 ans comme maintenant ! Suite à des problèmes de cheville récurrents, il doit se faire opérer plusieurs fois, la dernière étant pour nettoyer la cheville et en retirer des éclats d’os. Un professeur lui posera finalement un anneau Ilizarov qui lui fera vivre le martyr, pour en définitive décider de fusionner sa cheville.
Maradona, lors d’une interview où on lui demandait quel est le meilleur joueur qu’il ait vu : « C’est entre Romário et van Basten ».
Pige à la FIFA et pigeon de la FIFA
En 2016, Gianni Infantino et Zvonimir Boban usent de tout leur charme pour débaucher Marco, en lui créant un poste sur mesure touchant à trois sujets : l’évolution des lois du jeu, les questions d’arbitrage et le développement technologique du football. Mais Marco découvre vite que les arcanes du labyrinthe ne sont arpentés que par des serpents et réalise que son pouvoir d’action est somme toute plutôt symbolique. Son idée de supprimer le hors-jeu lui a notamment valu d’être muselé, alors qu’on lui avait promis une liberté de parole. Au final, il se fera remercier, ce qui en dit long sur l’inertie de l’institution en termes d’évolution du jeu.
Anecdote croustillante : lors de la Coupe du monde 2018, lors d’un dîner en présence de Poutine, il trouve le moyen de lui placer une petite boutade « J’espère que vous ne m’en voulez pas d’avoir battu la Russie en finale en 1988. » La blague tomba évidemment à plat. Pas sûr qu’il la retentera…
En conclusion, je ne peux que recommander cette biographie, qui pour une fois n’est pas un recueil de poncifs vides et nous rappelle que le football peut aussi être un art !
Crédits photographiques :
Marco van Basten (photo de tête) : Rob Bogaerts/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:EK_voetbal_in_West_Duitsland_Engeland_tegen_Nederland_1-3_Marco_van_Basten_ju,_Bestanddeelnr_934-2659.jpg
Vincent van Gogh, La Nuit étoilée (domaine public) : Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=9860
Soyez le premier à commenter