Don’t wait up, it’s not coming home

Football remains homeless. Mais le football vrai, le seul qui reste, rentre quand même à la maison après 64 matches d’un bonheur simple loin des divas du Qatar SG, de l’Inter Messi ou du Ronal-Nassr. Pas d’inquiétude, il sera vite remplacé par la Saudi Pro League en direct sur votre chaîne payante sans scrupule favorite. En attendant, profitons encore un peu de cette parenthèse enchantée avant la rentrée pour se replonger dans le bouquet final de « la plus grande et meilleure Coupe du monde de tous les temps » (eh oui, comme une pendule arrêtée, même Gianni Infantino donne l’heure exacte deux fois par jour).

Le match en deux mots

Tiki-taka et roublardise.

Faudra s’habituer, l’Espagne a malheureusement amené un peu de foot masculin dans cette Coupe du monde et elle est là pour rester. L’OL peut s’inquiéter pour son armoire à trophées et ses records, la Roja et le Barça viennent de solidement planter leur drapeau au pinacle du football planétaire.

Un grand pas pour l’Espagne, un gros doigt au reste du monde.

La femme du match

Mary Earps. Si on prend en compte toutes les chances de but de part et d’autre, seules la frappe de Lauren Hemp sur la barre (17ème minute) et sa reprise un rien à côté (55ème) avaient le poids d’un but anglais. Du côté espagnol, un double raté hallucinant à bout portant (18ème), de multiples arrêts du shérif Wyatt Earps (50ème, 71ème, 93ème) dont un penalty (68ème) ont été les seuls remparts à l’extrême droite à l’aggravation du score après son ouverture par Olga Carmona (29ème).

Oui, le pied de la cerbère avait quitté la ligne depuis à peu près trois quarts d’heure au moment où Jennifer Hermoso a botté son penalty, mais n’est-ce pas la nouvelle règle dans ce tournoi ? Il nous semble nous souvenir que Mackenzie Arnold arrêtait les tirs au but français depuis la ligne des 5 mètres… Bref, le dernier rempart de Manchester United aura tout arrêté, évité une correction à son équipe et même tenté un dernier Hail Mary à la 103ème minute (non, nous n’étions pas en prolongations) en montant sur un ultime corner. Rien n’y a fait.

La méduse du match (y’a pas de buses en Océanie)

On aurait pu mentionner Lucy Bronze et sa perte de balle dans l’axe sur la seule réussite du match ou encore Keira Walsh et sa main dans les 16 mètres qui a provoqué le penalty (les deux joueuses du FC Barcelone étaient clairement perturbées par les potes d’en face). Mais on a mieux.

Ross Clark. Cet obscur (pour ne pas dire sombre) plumitif habituellement occupé à donner son opinion passablement réactionnaire sur des sujets tels que ce qu’il appelle « l’alarmisme climatique » (sic), à soutenir le Brexit, les automobilistes ou encore à encourager la consommation de pétrole pour atteindre zéro émission de gaz à effet de serre (il faudra qu’il nous l’explique mieux celle-là), a décidé de porter son attention sur le foot féminin. Mais pas trop longtemps. Parce qu’il doit vite retourner à des questions existentielles primordiales comme « Les possesseurs de grands jardins doivent-ils payer plus pour leur eau ? »

Comme nous l’explique ce chantre du progressisme devant l’Eternel dans ce qu’on ne peut caractériser que comme le fond du baril éditorial généreusement publié par le Telegraph et intitulé « Les Lionnes anglaises ne méritent pas de jour férié », « J’adorerais me joindre un peu plus à l’atmosphère festive, mais pour être honnête je n’ai pas regardé une seule minute du tournoi. En fait je ne pourrais même pas vous dire comment l’équipe anglaise a atteint la finale, si ce n’est qu’elle a battu l’Australie en demi-finale. » Une introduction que Nicolas Jacquier lui-même n’aurait pas reniée.

C’est en général à ce moment-là qu’on pose son verre sur le comptoir du bar PMU où on se trouve depuis de trop longues heures et qu’on se rend compte qu’on n’a pas d’opinion valable sur le sujet. Mais Ross est inquiet, voyez-vous. Le dernier jour férié ayant eu lieu pour célébrer le couronnement de Charles III a causé une baisse de 0,1% pour l’économie anglaise, selon ses dires. Eh oui, figurez-vous que si on commence à prendre trop de vacances, certains secteurs ne pourront pas rattraper le retard accumulé dans leur productivité. C’est pourquoi il ne faut surtout pas « porter un autre coup à l’économie en célébrant une victoire dans un évènement mineur », car dans ce cas « on pourrait tout aussi bien nous donner un jour de congé pour célébrer la victoire 2-0 de Grimsby Town sur Salford City mardi dernier », deux clubs de quatrième division masculine anglaise dont notre docte spécialiste ne regarde probablement pas non plus les matches.

Puisqu’on parle de l’économie, que dire de l’ironie représentée par cette chronique à la malveillance si… gratuite ? Que son auteur se rassure, les perdants magnifiques n’obtiennent en général pas de jour férié.

Le tournant du match

Le moment où le Home Secretary anglais a décidé d’autoriser les pubs à ouvrir plus tôt que prévu le dimanche matin de la finale ayant lieu à 11h00 en Angleterre (il est par exemple normalement interdit de servir de l’alcool avant 10h00 dans un pub le jour du Seigneur). Au vu de notre expérience récente, cette décision a clairement massivement influencé le résultat du match.

Non, on déconne. Le vrai tournant, c’est évidemment quand on est tombé sur la vignette à l’effigie d’Alex Greenwood et que l’Angleterre est devenue la première équipe complète de notre album Panini la veille du match.

Après ça les Lionesses ne pouvaient plus per… ah merde.

L’aVARie qui aurait pu couler le match

On vous laisse juges…

Les multiples Perth de balle catastrophiques du match

Commençons par le speech lunaire de Voldemort Infantino avant la finale. Vous vous en souvenez certainement, notre ami haut-valaisan (et anciennement roux) se sent qatari, africain, arabe, gay, handicapé et travailleur migrant depuis novembre 2022. Le sujet de la transidentité dépassant apparemment ses capacités de caméléon, cette fois il s’est contenté d’ajouter: « Vous savez que j’ai 4 filles, donc j’en ai quelques unes à la maison. » Je ne suis pas raciste, j’ai un ami noir. Tout ça pour finir par la sortie du siècle: « Vous avez le pouvoir de nous convaincre, nous les hommes, de ce que nous devons faire et ce que nous ne devons pas faire. Faites-le. Avec les hommes, avec la FIFA, vous trouverez des portes ouvertes. Il vous suffit de les pousser. » Attends… elles sont ouvertes ou il faut les pousser ? La rumeur veut qu’on lui ait conseillé de ne pas mentionner que le football masculin dans son entier serait probablement appuyé de tout son poids à ladite porte pour ralentir son ouverture.

Le fils caché de l’Empereur Palpatine finissait d’ailleurs son discours par demander l’égalité salariale entre footballeurs et footballeuses le plus rapidement possible (mais pas à la Coupe du monde par contre, ce serait nul). Mais alors merci, Gianni ! C’est vrai que si les joueuses anglaises avaient su qu’il suffisait de pousser une porte pour mettre fin à l’interdiction du football féminin entre 1921 et 1970 ça aurait quand même vachement accéléré les choses ! Comment n’y ont-elles pas pensé plus tôt enfin ?

Terminons avec le fait que ni le Prince William, président de la fédération anglaise de football, ni le premier ministre Rishi Sunak n’ont daigné pointer le bout de leur nez pour la première finale mondiale de leur pays depuis 1966. Comme nous l’apprend le Guardian dans un article exceptionnel de sarcasme, Will (encore un roux qui va finir chauve) avait une excuse valable: son empreinte carbone. Ben oui, il prend déjà l’avion pour New York pour un sommet environnemental le mois prochain.

Voilà qui nous rappelle que Gianni Saroumane a fait l’équivalent du tour du monde en jet privé de la FIFA (40’000 km) depuis le début de la Coupe du monde, d’après ce qu’on a cru entendre. Notre militant féministe s’est contenté de 5 jours de tournoi avant de partir se dorer la pilule à Tahiti et sur d’autres îles du Pacifique, pour ne revenir qu’à la fin du premier tour. On ajoutera encore que la Reine Letizia, au grand dam des écolos de Buckingham Palace, était présente dans le stade pour soutenir la Roja.

Le chiffre Hamilton (parce que c’est quand même mieux qu’une stat’ à deux balles)

12. Comme le nombre de joueuses espagnoles qui ont sacrifié une présence en Coupe du monde (et peut-être l’entier de leur carrière en sélection) sur l’autel de leurs idéaux après la mutinerie que l’on vous contait déjà ici. C’est très noble, mais pas de bol, le vraisemblablement infâme Jorge Vilda est toujours en place (et ne risque plus trop de partir là tout de suite) et leurs copines (ou pas) sont devenues championnes du monde sans elles. L’ambiance va être sympa au premier entraînement du Barça en présence des bannies Sandra Paños, Mapi León ou encore Patri Guijarro en septembre…

Il faut espérer que Salma Paralluelo parviendra à les distraire avec tous ses trophées. Celle qui faisait encore de l’athlétisme à temps partiel l’année dernière vient d’ajouter les titres de championne du monde et meilleure jeune du Mondial à sa (toute) petite collection: une Coupe du monde M17, une Coupe du monde M20, une Champions League, une Liga et une Supercoupe d’Espagne. A 19 ans. Cette ancienne coureuse de 400 m envoie donc un message clair à Usain Bolt: passer de sprinter à footballeur-euse pro, c’est pourtant fastoche mon gars.

L’anecdote qu’on aurait pu entendre à Bondi Beach…

… si seulement on y était.

Sarina Wiegman va bientôt se trouver dans la position la plus difficile qui soit pour une sportive: être capable de quitter le navire une fois (presque) arrivée au sommet (oui, cette métaphore alpino-maritime a ses limites). On s’explique: en football, il y a une loi immuable (non, Gary, les Allemands ne gagnent plus tant que ça), celle qui dit qu’il est très difficile voire impossible de se remettre en question après avoir gagné plusieurs titres consécutifs et qu’on finit toujours par se planter royalement pour avoir été trop conciliant avec une génération gagnante arrivée au bout du rouleau. C’est ce qu’on appelle l’hubris (devenu « ouech il a trop pris la confiance » dans les préaux des années 2010-2020).

Les exemples sont presque aussi nombreux que les chefs d’accusation contre Donald Trump. Chez les hommes, on peut citer la France en 2002, l’Italie en 2010, l’Espagne en 2014 ou encore l’Allemagne en 2018 sans trop se creuser la tête. En 2022 on n’en sait rien, on n’a pas regardé. Et chez les femmes, un retour en arrière d’une dizaine de jours suffit pour retrouver l’élimination en huitièmes de finale d’une équipe américaine double championne du monde en titre aussi vieillissante qu’arrogante sur une dernière image symbolique de Megan Rapinoe dans sa meilleure imitation de Roberto Baggio sur le point de penalty.

Revenons à Sarina Wiegman. La coach néerlandaise des Lionesses anoblie dans les deux pays favoris d’Yves Martin est sous contrat jusqu’en 2025 et risque bien de trouver une offre de prolongation juteuse (un comble pour une Oranje) sur son bureau à son retour de vacances. Et presque aucune raison de la refuser tant sa méthode semble avoir trouvé l’environnement parfait à St. George’s Park, sans compter le fait que son équipe, bien que championne d’Europe et vice-championne du monde, est très loin de ressembler à une bande de vioques dont le tintébin en est à sa dernière roue de secours (25 ans de moyenne d’âge au sein du contingent de 23 Lionesses sélectionnées pour la Coupe du monde). Presque aucune raison ? Enfin à part toutes celles détaillées plus haut. Et le fait que la native de La Haye, en bonne citoyenne de la ville accueillant la Cour pénale internationale, avait déjà su trancher une fois après le même enchaînement de succès (championne d’Europe 2017, vice-championne de monde 2019 avec les Pays-Bas) en partant immédiatement sous d’autres cieux.

Que faire alors ? Facile. Les Îles Britanniques et leur valse hésitation incompréhensible au niveau des territoires représentés selon les sports lui offrent la solution parfaite: partir pour rester. En d’autres termes, il lui suffira de faire comme Hope Powell et Hege Riise en leur temps et entraîner la Grande-Bretagne (qui n’était composée que de trois joueuses non-anglaises en 2021 à Tokyo) aux JO de Paris l’été prochain, et le problème sera résolu. Et en cas de titre olympique, il lui restera toujours l’Arabie saoudite ou le FC Sion comme dernier challenge.

Si le match avait été une citation de Zlatan Ibrahimovic

« Je ne suis pas habitué à ne rien gagner – c’est la première fois que ça m’arrive. Je suis déçu. C’est un échec. » Zlatan n’en croyait pas ses yeux au moment de ne pas gagner de titre national pour la première fois en huit ans en 2012. C’est certainement ce qui a dû arriver aux Lionesses, qui n’avaient jusqu’alors perdu qu’un seul match sur 38 sous la férule de Sarina Wiegman (1 Euro, 1 Finalissima, 2 Arnold Clark Cups). Millie Bright et Alex Greenwood ont même connu la défaite pour la première fois dans ce contexte puisqu’elles étaient absentes lors du match amical face à l’Australie en avril.

La future lauréate du Ballon d’Or 2023: « Perdre ? C’est quoi ? »

Ce que vous allez regretter d’avoir manqué si vous dormiez encore (comme chacun sait, « qui dort Dunedin ») 

La minute Johan Djourou 

La BBC avait décidé d’ignorer la cérémonie de clôture (OK, on pouvait la voir sur leur iPlayer, mais quand même) pour diffuser un reportage dans un zoo australien. Pourquoi un zoo ? Parce que c’était le lieu parfait pour faire des jeux de mots à faire frissonner notre rédacteur le plus endurci à base de lionnes (« Les joueuses espagnoles ont-elles eu peur pendant leur visite du zoo ? »), de « they got the monkey off their back » (« elles ont vaincu le signe indien » – oui, l’expression française sort elle aussi de nulle part) ou encore « going bananas » (« être très excité/énervé »).

« Attention à ne pas se mettre dans le pétrin jusqu’au cou ! »

La rétrospective du prochain match se jouant dans le même fuseau horaire  

Dans le même fuseau horaire ? Figurez-vous que l’Australie affrontera l’Iran pour le compte des qualifications olympiques de la zone Asie le 26 octobre. On ne sait pas encore si la police des moeurs sera présente au stade ni si les menaces devront être voilées en cas de relations un peu orageuses entre joueuses.

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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