Une f**cking bonne soirée

On aurait pu choisir de faire du body-building ou d’être passionné de salsa. Mais à un moment il s’est trouvé que, même si ça aide moins pour se taper des filles, on a aimé être fan de sport. Et parfois, des soirées comme celle-ci nous montrent que cela valait la peine. Parce qu’alors que les clubs romands de hockey s’imposaient contre leurs adversaires bernois, le FC Bâle nous a gratifié d’un des plus beaux exploits de l’histoire du football suisse.

Au lendemain du quart de finale retour de Champions League entre le Barça et PSG, on pouvait voir les médias français sortir une forêt de titres vantant les mérites d’un club parisien «avec lequel il faudra compter en Europe» et qui «a gagné le respect». Dans les esprits de supporters de foot helvètes, ce genre de poudre aux yeux résonne tels les cris d’un accouchement dans une cathédrale. Nous somme devenus tellement familiers de commentaires de ce cru après être «passé si près de l’exploit» que nos souvenirs nous ont fait accepter une chose : on ne se rappelle de vous que si vous avez battu votre adversaire, pas seulement si cela a été compliqué. C’est déjà vrai quand on charogne des jeunes filles le samedi soir, cela l’est encore davantage en football. La semaine passée, lorsqu’on vit le FC Bâle se faire remonter ses deux buts d’avance par Tottenham, on a pensé à YB contre ces mêmes Londoniens il y a trois ans, à Bâle qui avait battu le Bayern avant d’en prendre 7 dans la cabane (j’évite de parler des multiples exploits vains de la Nati). Ce fut souvent la même rengaine même lorsque l’on remonte au FC Sion de Christophe Bonvin qui mit deux goals à Liverpool avant de perdre 6-3. En gros, les clubs suisses sortaient la tête haute en s’étant pris des scores de tennis dans la tronche.

L’équipe de Streller fut extraordinaire de jouerie et d’engagement au match aller. Comme aucune équipe de Suisse ne nous avait gratifiés depuis fort, fort longtemps. Villas Boas complimentait le FCB d’être une des meilleures équipes que White Hart Lane ait vu cette année et The Guardian la comparait à Barcelone avec des joueurs de grande classe comme Salah, Stocker et Streller (oui, oui, ils ont réellement imprimé ça sur du papier). Alors sur le coup, on espérait pouvoir s’attendre à autre chose qu’à cet éternel raté à la toute fin, malgré ce bel enthousiasme.
Mais on sait comment ça se passe et Parker allait bien finir par obtenir un penalty de Philipp Degen à la 91e, et finalement le gros l’emporte toujours, et on aurait dû se farcir encore des centaines de discussions de pauses de midi sur le fait qu’«en Suisse on a une mentalité de loser parce qu’on ne doit pas se battre pour des acquis sociaux» et autres perles de sociologie de bistrot pour ceux qui trouvent que les reportages de M6 sont incisifs et pertinents et que Les Enfoirés ont l’air d’être quand même une bonne bande de copains quand ils font ce show super sympa.
Mais ce coup-ci non. Cette fois Bâle s’est qualifié pour une demi-finale d’Europa League en éliminant l’actuel 4ème de Premier League. On n’est bien évidemment pas passé loin du scénario prévu lors de ce match retour. Deux goals totalement offerts à Dempsey et des occasions sacrifiées faisaient se profiler un bilan aussi réussi qu’une présidentielle de François Hollande de six mois.
Mais l’extraordinaire Salah (adjectif non galvaudé sur ces deux matchs) et l’opportuniste Dragovic en décidèrent autrement. Et malgré tout notre mauvais esprit défaitiste, malgré un Adebayor qui montrait à quel point il fut un joueur surévalué toute sa carrière, malgré que l’on savait que Bâle allait perdre comme l’on sait que Warwrinka ne nous fera pas rouler moins vite, il y eut un homme qui devant tous les autres sauva le champion de Super League. Cet homme c’est le mec du staff technique qui s’occupe des analyses vidéo des adversaires à Tottenham. Celui qui s’est trahi et qui doit maintenant reconnaître qu’il passe ses journées à jouer au poker sur Facebook et à envoyer «2 girls 1 cup» à ses collègues au lieu de faire son putain de boulot. Oui Messieurs-Dames, cet homme c’est celui qui aurait dû dire à Vertonghen qu’il n’y a aucun souci à laisser aller Streller seul devant le gardien et qu’une faute de dernier recours est inutile. Mais non, à cause de lui, ce pauvre défenseur eut peur du capitaine bâlois et reçut le carton rouge de rigueur. Voilà ce qui sauva le FC Bâle.

J’en profite pour lancer un petit défi à tous les nerds de foot qui posteront un commentaire : pouvez-vous me trouver disons 3 matchs internationaux (de clubs et équipes nationales) remportés par une équipe réduite à dix contre onze ces 4 dernières années ? Oui, je sais que certains en trouveront (et cela ne fait pas peur du tout) mais de manière générale cela n’arrive pas. Le foot actuel est beaucoup trop poussé physiquement et tactiquement pour compenser un joueur en moins dans un système de jeu.
Alors certes, Bâle avait dès lors l’occasion de tuer le match dans les prolongations. Ils auraient dû afin d’éviter les tirs au but. Car même si on se demandait encore ce que foutait Didier Cuche dans la cage de Tottenham, on n’avait pas du tout envie de voir Streller faire tourner sa langue douze fois avant de tirer (pas seulement parce qu’il allait le louper mais aussi parce que c’est dégoûtant). Cependant, Sommer fut magique et Adebayor grotesque. Et Streller ne sortit pas sa langue de sa bouche.
Bâle réalise cet exploit si génial. Et franchement, on s’en fiche un peu qu’ils aillent se faire atomiser par Chelsea ou Benfica au tour suivant (même si on espérera encore). Ce soir il y a un club suisse qui a été jusqu’au bout du truc. Parce que, n’en déplaise au PSG, on ne reste pas dans l’histoire juste parce qu’on s’est fait éliminer par le Barça.
Photos Eric Laurent et Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Bâle – Tottenham 2-2 a.p. (1-1), 4-1 tab

Parc St-Jacques, 36’500 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : Benquerença (Por).
Buts : 23e Dempsey 0-1. 27e Salah 1-1. 49e Dragovic 2-1. 82e Dempsey 2-2.
Tirs au but : Schär 1-0. Huddlestone 1-0. Streller 2-0. Sigurdsson 2-1. F. Frei 3-1. Adebayor 3-1. Diaz 4-1.
Bâle : Sommer; P. Degen, Schär, Dragovic, Park; Elneny, F. Frei, Serey Die (59e Diaz); Salah (111e A. Frei), Streller, Stocker (70e Steinhöfer).
Tottenham : Friedel; Walker, Dawson, Vertonghen, Naughton (79e Assou-Ekotto); Parker (78e Huddlestone), Dembélé (59e Carroll); Dempsey, Holtby, Sigurdsson; Adebayor.
Cartons jaunes : 39e Naughton. 45e Dembélé. 52e Stocker. 52e Dempsey. 58e Serey Die. 93e Dawson. 94e Streller. 103e Elneny.
Carton rouge : 90e Vertonghen (faute de dernier recours).
Notes : Bâle sans Bobadilla (pas qualifié), Tottenham sans Bale, Defoe, Lennon ni Gallas (blessés). 98e tir sur le poteau d’Elneny.

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15 Commentaires

  1. Petite précision concernant le match Liverpool-Sion. Le score final est 6-3 avec deux buts de l' »Enthousiastic » Frédéric Chassot et le troisième du magnifique Christophe Bonvin, déjà auteur du seul but sédunois à Tourbillonn (1-2).

  2. lolz, c’est pour ce genre de phrase que je lis carton rouge : « Parce que, n’en déplaise au PSG, on ne reste pas dans l’histoire juste parce qu’on s’est fait éliminer par le Barça. « 

  3. « Parce que, n’en déplaise au PSG, on ne reste pas dans l’histoire juste parce qu’on s’est fait éliminer par le Barça.  »

    En même temps on ne reste pas dans l’histoire pour avoir fait une demi-finale de coupe uefa non plus. La preuve le PSG l’a déjà fait, il a même déjà fait une demi-finale de ligue des champions et il a même gagné une coupe des coupes et il n’est toujours pas rentré dans l’Histoire 😉
    Mais j’avoue que c’est cruel. On dit plus de bien du psg sur la planète foot (pas qu’en France) que du fc bale qui s’est pourtant qualifié lui.

  4. Car même si on se demandait encore ce que foutait Didier Cuche dans la cage de Tottenham

    mdr, moi aussi c’est pour ce genre de phrase et pour le laius sur le bouffon le staff technique

  5. J’trouve un peu paradoxal de cracher chaque semaine sur l’arrogant FCB en championnat et de s’émerveiller dès qu’ils font un résultat européen.

    Alors certes, c’est vraiment super pour le foot suisse en général, et oui, c’est vrai, le FCB a réalisé une double confrontation de premier plan et mérite largement sa qualification. Il n’empêche que j’ai toujours beaucoup de mal à éprouver de la sympathie pour les têtes à claques que sont Stocker, Degen, et dans une moindre mesure, Dragovic.

    Concernant les Spurs, j’espère pour eux qu’ils vont rapidement se séparer d’Adebayor, mauvais sur toute la ligne hier soir, incapable de réussir le moindre dribble.

  6. Voilà le genre d’article qui me font venir régulièrement sur CR! Le bout sur le responsable vidéo m’a achevé!
    Bon article et bonne plume!
    Magnifique FCB!

  7. Bien, bien

    Voilà qui va venir cimenter l’argumentation des instances du foot suisse dans le « on a tout vu juste », « c’est une victoire pour les réformes mises en place ces dernières années », « la locomotive qui tire tout les autres clubs est en marche » etc

  8. Bel article, le sourire a rarement quitté mon visage pendant la lecture. Et effectivement, Wawrinka ne me fera pas rouler moins vite !

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