Saga des cartons rouges : la guerre des mulets

Cette semaine, retour sur une expulsion peu reconnue à sa juste valeur, celle d’un Autrichien à la chevelure magique. Car oui, il fut une époque où l’une des plus mauvaises nations européennes en matière de football participait régulièrement à des tournois internationaux. Sans doute l’expulsion la plus méconnue de la série qui brille plus par son contexte que par son exécution, il était normal que ton site préféré revienne sur un match inutile qui s’est mué en règlement de compte.

Lieu : Stade Artemio Franchi de Florence.
Date : 19 juin 1990.
Match : USA – Autiche (1-2), 3e match de poule du Groupe A.
Fautif : Peter Artner.
Victime : Peter Vermes.

Contexte :

Nous avons déjà abordé dans un volet précédent le fait que la Coupe du Monde 1990 est probablement une des plus affreuses de l’histoire. Comme lors de la plupart des éditions, elle a connu à la fin de la phase de poules son lot de rencontres sans intérêt où tout est joué d’avance. Ces fameux matchs qui ne servent à rien à part à faire évoluer des remplaçants. La Ligue des Champions est sans aucun doute le plus grand vivier de ce genre de match soit dit en passant. Dernière journée où tout le monde regarde le match opposant les deux premiers de groupe alignant leur équipe bis, pendant que les deux plus faibles, déjà éliminés, se disputent la troisième place honorifique, un match dont personne ne veut même voir les reflets filmés.
En 1990, la troisième place de poule est pourtant encore qualificative, à condition de terminer parmi les meilleurs troisièmes (ou plutôt les moins pires), tous groupes confondus, ce qui nous attend d’ailleurs lors du prochain Euro à 24 en France. Malgré le fait que cette troisième place puisse être encore synonyme de huitième de finale, les deux bonnets d’âne du groupe A n’ont pour ainsi dire plus grand-chose à espérer lors de cette ultime journée où ils s’affrontent. Pendant que l’Italie et la Tchécoslovaquie se disputent la tête du groupe à Rome, les Etats-Unis et l’Autriche se rencontrent à Florence pour éviter la dernière place. Avec toutes deux zéro point au compteur, ces deux équipes ne peuvent espérer s’immiscer parmi les meilleurs troisièmes et voient leurs chances d’accéder au tour suivant quasiment réduites à néant.


Kurt Russ, le Bernard Rappaz autrichien

Avec deux défaites par 1-0 aussi bien contre la Squadra Azzurra que contre les Tchécoslovaques, les Autrichiens font office de favoris pour cette rencontre qui ne sert que pour les statistiques. Les Etats-Unis au contraire ont pris une belle claque face à la Tchécoslovaquie de Tomas Skuhravy (5-1) et ont, à la surprise générale, concédé une défaite honorable (1-0) face à l’hôte du tournoi. Bref, à l’entame de cette rencontre de bras cassés, aucune des deux équipes n’a réellement quelque chose à espérer. Les USA ont peut-être à cœur de fêter une victoire afin de préparer au mieux la future édition qu’ils se préparent à accueillir. Une victoire qui aurait signifié quelque chose pour un pays où même les commentateurs ne connaissaient pas les règles puisqu’ils pensaient qu’en sortant volontairement un ballon dehors on écopait d’un avertissement pour anti-jeu, véridique !
On s’attendait donc à une sorte de match amical sans intérêt entre deux pays n’ayant a priori pas grand-chose à se reprocher si ce n’est la revendication de l’appartenance à leur nation d’Arnold Schwarzenegger. Et c’est d’ailleurs la seule explication valable qu’on ait trouvé pour expliquer ce qui va suivre. Mais en fait en y repensant c’est quand même une très bonne raison.

Les faits :

On l’aura compris, ce match n’eût rien d’un amical. Au lieu d’une rencontre moribonde entre deux équipes totalement démobilisées, ce fut la fête annuelle du tacle de 5e ligue, où provocations, gestes d’humeur et simulations grossières furent légion. Il faut dire que ces deux équipes restent en mémoire pour un fait bien particulier : les magnifiques coupes de cheveux de leurs joueurs. En effet, si USA et Autriche ne peuvent certainement pas aspirer à la palme du beau jeu, ils peuvent par contre sérieusement concourir pour celle des plus belles coupes mulet de l’histoire. D’un côté les States à la pointe de la mode avec le célèbre Tony Meola et sa queue de rat, coupe de cheveux que tous les gamins voulaient arborer à l’époque. On citera également l’inévitable Marcelo Balboa et son mulet en brosse assorti d’une superbe moustache de catcheur ou encore Eric Wynalda et son mulet version jeune cool de l’époque qui kiffe trop Marty McFly dans Retour vers le Futur II. De l’autre côté, l’Autriche et ses mulets tyroliens, plus traditionnels. Tout d’abord Anton (dit Toni) Polster et son mulet frisé, trahissant un goût prononcé pour Musikantstandl et Andy Borg. Citons également Kurt Russ et son mulet Bernard Rappaz version Tyrol, et bien sûr celui de Peter Artner, mulet frisé sobre mais efficace, peut-être le plus beau de l’édition 1990. En résumé, ça n’était probablement pas la fête du football ce soir-là à Florence mais la fête du mulet et du tacle ça oui, certainement !


Ich bin so schön, ich bin so toll. Ich bin der Anton aus Tyrol !

C’est donc ce match sans enjeu réel mais avec défilé de mulets qui va devenir un des plus violents de ces dernières décennies de Coupe du Monde. Il faut dire qu’en 1990, un tacle bien appuyé par derrière ne valait guère plus qu’un bon carton jaune. Ça n’est qu’à partir de 1994 que la FIFA serrera la vis. A titre d’exemple, un Pays-Bas – Portugal de 2006 en 1990 se serait probablement soldé par 5 ou 6 cartons jaunes alors que celui-ci fut une longue succession de gestes antisportifs. A l’époque on ne prenait pas un carton pour avoir écarté un peu trop le coude en sautant.
Nous sommes à la 34e minute. Jusque-là on a assisté à plusieurs gestes très limites n’ayant pourtant pas poussé l’arbitre syrien à extraire de sa popoche le carton le plus foncé de sa panoplie. A l’approche de la demi-heure, les sales fautes se multiplient et force est de constater que l’homme en noir a laissé échapper la rencontre. C’est alors que Peter Artner, son mulet magique et ses shorts cyclistes, se lancent en avant les deux jambes décollées du sol, percutant la cheville de Peter Vermes. Ironie du sort, le joueur taclé est un des rares sans mulet sur le terrain, un paumé quoi, celui que tout le monde montre du doigt en riant. Probablement excédé par les mauvais gestes à répétition qui gangrènent la partie, le milieu de terrain autrichien envoie un tacle dégueulasse qui a pour effet de faire rouler par terre trois fois sa victime. L’arbitre syrien voulant certainement asseoir son autorité, n’a alors d’autre choix que d’envoyer le plus beau mulet de la pelouse se doucher avant tout le monde. Cette décision va quelque peu calmer les esprits un court instant.
En effet, malgré l’expulsion de Peter Artner, la deuxième mi-temps fut tout autant un règlement de compte que la première. La palme revient certainement à Bruce Murray côté ricain, véritable sosie de Mike de la série Quoi de Neuf Docteur, coupable d’un vilain coup de pied à retardement. Côté spountz c’est le portier Klaus Lindenberger, sorte de Jorge Campos du pauvre, surnommé «le clown» qui s’illustre. Vêtu du plus ridicule uniforme de gardien de l’histoire du football (un magnifique équipement mélangeant subtilement le violet et le jaune fluo), le portier autrichien est un spectacle à lui tout seul. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’il se saisit du ballon des deux mains en dehors de sa surface de réparation. Malheureusement l’arbitre mou du genou de cette partie n’aura pas le courage d’expulser le dernier rempart autrichien. Dommage, cette expulsion aurait sans doute pu briguer le titre d’expulsion la plus ridicule de l’histoire de la Coupe du Monde.


FC Mulets & das Klown.

On se méfiera à l’avenir, les matchs pourris entre équipes déjà éliminées peuvent être dignes d’intérêt tout compte fait, même plus que cela, devenir des matchs de légende non reconnus à leur juste valeur. Des mulets, des sales fautes, un beau rouge, personnellement je ne demande pas mieux. Du coup le 25 juin prochain lorsque tout le monde aura les yeux rivés sur Argentine – Nigeria qui se disputeront la première place du groupe E (afin de savoir qui affrontera la Suisse en huitièmes accessoirement), je regarderai Bosnie – Iran… d’un œil au cas où. Bon il y aura quand même les mulets en moins c’est certain.

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3 Commentaires

  1. Avec toutes les futures règles à la con que l’UEFA et la FIFA veulent bientôt introduire, les commentateurs Yankees sont à mon avis des visionnaires !

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