Jessica Favre, droit dans l’eau !

Pour ce mois de décembre, Carton-Rouge est parti à la rencontre de la Lausannoise Jessica Favre, la reine suisse du plongeon. Ce sport, alliant prouesses techniques et artistiques, c’est aussi être dans l’eau sans nager et faire des figures de gymnastique au sol, sans sol. Un sport (à nouveau) peu connu du grand public.

C’est à l’Université de Lausanne que j’ai rencontré Jessica Favre, 22 ans, qui mène de front une carrière sportive et des études de droit. Détentrice d’une cinquantaine de médailles suisses, elle a commencé le plongeon en 2004 « un peu par hasard ». « J’étais chez une amie qui a une piscine et je l’ai vue faire un salto. Ça m’a simplement donné envie de faire la même chose. J’en ai parlé en rentrant à la maison et ma sœur m’a inscrite aux cours de plongeon », explique-t-elle. En 2007, elle commence la compétition et 10 ans plus tard, ce sport occupe une place prépondérante dans sa vie. Le plongeon mérite d’être bien plus connu car il demande de grandes qualités physiques et est très spectaculaire. Ce sport a du reste profité dernièrement d’une vitrine car le prix du mérite sportif lausannois (plus haute distinction de la ville olympique) a été décerné à Catherine Maliev, ancienne athlète olympique et entraîneur de plongeon. Jessica a du reste très longtemps collaboré avec elle. « Catherine m’a beaucoup apporté, tant sur le plan technique qu’émotionnel » ajoute Jessica.

Membre du Lausanne Natation, Jessica s’entraîne 6 fois par semaine. 4 entraînements de plongeon, un entraînement physique et un autre en salle de gymnastique. « Beaucoup de gens pensent que mes entraînements se résument à de la nage. En réalité, je ne nage pratiquement jamais. Le plongeon se rapproche plus du trampoline ou de la gymnastique artistique que de la natation, bien qu’il fasse partie de la même fédération internationale. » Il est vrai qu’en regardant les compétitions de haut niveau, on est bien loin d’un bête concours de « qui tombe le mieux dans l’eau ». Les sportifs tournent tellement vite qu’il faut presque un ralenti pour compter le nombre de tours. Le gars qui veut se la péter parce qu’il sait plonger des 3 mètres et en profite pour vider la moitié de la piscine, il peut retourner se changer au vestiaire. 3 périlleux et demi des 3 mètres, 4 et demi pour les Messieurs, c’est le tarif actuel du haut niveau. Et seules quelques gouttes d’eau se permettent de modifier le calme de l’eau à l’arrivée. C’est justement l’élégance et l’esthétique qui plaît entre autres à notre régionale de l’épate. Elle aime aussi la sensation de voler et l’adrénaline que ça lui procure. Bref, elle s’y sent comme un poisson dans l’eau.

Une future avocate ?

En parallèle de ce rythme d’entraînement intensif, Jessica est actuellement en 3ème de Bachelor en droit. « J’ai choisi de faire du droit car j’avais envie de voir autre chose que le sport et je souhaite devenir avocate depuis longtemps. » explique-t-elle. Elle a même décidé d’arrêter le programme aménagé qui lui était proposé pour finir ses études plus rapidement et pour ne pas avoir l’impression de traîner. Elle ajoute : « Je suis aussi consciente que je ne pourrais jamais gagner ma vie avec le plongeon. Cela fait sûrement aussi pencher la balance. » C’est une réalité quasi permanente de nos régionaux de l’épate. Ils rentrent dans le cercle vicieux du sportif anonyme évoluant dans un sport de l’ombre. Il n’y a pas de bonnes conditions d’entraînements donc il n’y a pas de grands résultats. Pas de résultats donc pas de médiatisation donc pas de sponsors donc pas d’argent donc pas de bonnes infrastructures donc pas de bonnes conditions d’entraînement. La boucle est bouclée. Trop de pas. Pas de palais, pas de palais… On dit souvent que la Suisse brasse de l’argent, mais quand il faut faire marcher la planche à billets pour le sport, elle patauge.

En parlant de planche, c’est ainsi que la Suisse se retrouve sans fosse olympique et sans plongeoir à 10 mètres en piscine couverte. Jessica participe donc seulement aux compétitions de 1 mètre et 3 mètres (seule la dernière est olympique). « Même en ne participant pas aux concours à 5 mètres et 10 mètres, il est important de s’entraîner plus haut », explique-t-elle. Il manque aussi des salles de gymnastique dédiées à côté des piscines ainsi que « des planches à sec » qui donnent la possibilité de faire des figures en arrivant dans des bacs de mousse. Cela éviterait de ressentir cette fameuse sensation de claquement que tout le monde connaît lors d’un saut mal exécuté à la piscine accompagnée par cette belle marque rouge. « Lorsque je m’essaie à de nouvelles figures, il m’arrive souvent d’avoir des bleus à la fin de l’entraînement. » Des structures avec harnais seraient aussi les bienvenues. C’est pour cette raison que Jessica est partie quelques mois en Chine en 2016, le pays dominateur du plongeon. Elle était accompagnée de Guillaume Dutoit son partenaire d’entraînement. « C’est vraiment beaucoup plus développé là-bas. Les structures disponibles permettent aux sportifs d’être à 100% dans leur sport sans avoir besoin de se soucier du reste. Le matériel est évidemment plus abondant et de meilleure qualité. Et puis la possibilité de s’entraîner avec les meilleurs était une vraie opportunité.» Une médaille olympique chinoise a suffi pour que le pays investisse en masse dans ce sport. La Chine n’hésite pas à mettre les moyens et cela paie souvent. La preuve, elle n’a laissé qu’une médaille d’or sur 8 aux derniers Jeux Olympiques de Rio. La Suisse se vante souvent d’avoir des ambitions de médailles olympiques dans de nombreux sports mais manquant d’infrastructures et d’encadrement de qualité, elle ch’y noie souvent.

Objectif JO

Jessica vise bien évidemment le rêve ultime du sportif : les jeux Olympiques. Elle a failli l’atteindre mais a raté de peu sa qualification pour Rio 2016. « C’était assez dur à encaisser. Beaucoup de travail puis l’échec. Mais je suis maintenant motivée pour aller à Tokyo en 2020. » Avec un palmarès déjà bien rempli et notamment des finales aux championnats d’Europe dont une 7ème place puis une 21ème place aux Mondiaux, elle a toutes ses chances de décrocher son ticket pour le Japon. Elle a aussi bien évidemment d’autres objectifs en ligne de mire dont les championnats du monde et d’Europe disputés chaque année. « Mon objectif le plus proche est la sélection pour les Europes en février ».

Je propose donc à nos lecteurs et lectrices de suivre de près les prochaines compétitions et les exploits de Jessica. Vous aurez de plus l’occasion d’admirer de beaux athlètes en maillot de bain, hors de l’eau. Ça fait toujours plaisir!

A propos Valentin Henin 67 Articles
Je raconte des trucs, je fais des vidéos, tout ça, tout ça...

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