Bartoli : WTF à la WTA

Alors que le tennis masculin tricolore attend toujours un titre en Grand Chelem depuis 1983 et le sacre de Yannick Noah du côté de la Porte d’Auteuil, son homologue féminin a pu compter sur Mary Pierce (Australie 1995 et Roland Garros 2000) et Amélie Mauresmo (Australie et Wimbledon 2006), mais également sur l’improbable Marion Bartoli, victorieuse à la surprise générale en 2013 sur le gazon de Church Road.

Un exploit énorme, surprenant, inattendu et sans lendemain. En effet, même si le circuit WTA ne se distingue pas pour être un modèle de stabilité et qu’il n’est pas inhabituel de voir défiler les lauréates lors des diverses levées du Grand Chelem, le titre remporté par la native du Puy-en-Velay constitue sans doute l’une des plus grandes surprises depuis sa création en 1969.

Et ce n’est pas comme si elle avait été la meilleure en éliminant successivement toutes les favorites et en sortant, tour après tour, des matchs de feu. Non, elle n’a battu que des joueuses moins bien classées qu’elle et qui furent qui plus est comme pétrifiées par l’enjeu. Un peu comme si tu remportais la Ligue des Champions en éliminant le Chernemorets Odessa en quarts, le Zeljeznicar Sarajevo en demi et le Brann Bergen en finale. Bref, un peu une victoire au rabais mais au final un titre à Wimbledon que personne ne pourra jamais lui reprendre. Demandez à un gars comme Tim Henman ce qu’il n’aurait pas donné pour s’y imposer au moins une fois.

Et pourtant, tout ne lui fut pas servi sur un plateau d’argent. Meilleure joueuse française de la décennie, elle n’a néanmoins jamais véritablement suscité d’engouement. Pire, elle a cristallisé les critiques. La faute à un caractère bien trempé, à un père omniprésent et à un jeu dépourvu d’esthétisme. Ajoutez-y, on peut se le permettre en cette période, un physique peu valorisant, et vous avez tout pour en faire une candidate numéro un à la pire cote de popularité. C’est vrai que la pauvre Marion n’a pas vraiment un corps à la Ana Kournikova ou à la Maria Sharapova. On aurait même pu dire qu’en matière de référence cinématographique, elle tenait plus de Cathy Tuche que de Vivian Ward.

Toutefois, à force de travail et d’abnégation, l’Altiligérienne, un peu comme un Stan Wawrinka, y est parvenue et peut-être au moment où plus personne n’y croyait. Car lorsque elle débarque à Londres en ce mois de juin 2013, elle sort d’une première moitié de saison difficile voire décevante. Tête de série numéro 15, elle remporte ses quatre premières rencontres sans égarer le moindre set face à Elina Svitolina (WTA 82), Christina McHale (WTA 70), puis les Italiennes Camila Giorgi (WTA 93) et Karin Knapp (WTA 104). Sans coup férir donc mais avec une moyenne de matricules de 87.25, on se serait cru au défunt Geneva Challenger.

En quarts, la française de 29 ans se retrouve face à la prometteuse américaine Sloane Stephens, tête de série numéro 17. En s’imposant 6-4, 7-5 en 1h41, elle ne sait pas encore qu’elle vient là d’affronter son adversaire la mieux classée et de disputer son match le plus long de la quinzaine.

Et la voici donc en demi-finales. Pour la troisième fois de sa carrière en Grand Chelem. Et pour la troisième fois sur le gazon londonien. Et en compagnie de trois jeunes femmes qui, comme elle, n’ont jamais remporté un des quatre majeurs. Face à la novice belge Kirsten Flipkens, tête de série numéro 20, à côté de ses baskets et avec un service aussi efficace que celui d’une Stéphanie Vögele des grands jours, la Ponote (si si, c’est comme ça qu’on appelle les habitantes du Puy-en-Velay), s’impose sans discussion en à peine une heure et se qualifie pour sa deuxième finale à Londres après celle de 2007 perdue face à Venus Williams.

En finale, face à l’Allemande Sabine Lisicki, tête de série numéro 23 et tombeuse aux tours précédents de Samantha Stosur (WTA 8), Serena Williams (WTA 1) et Agnieszka Radwanska (WTA 4), elle s’impose pourtant facilement 6-1, 6-4 en 1h21 pour réaliser le plus bel (et dernier) exploit de sa carrière. Une finale horrible sur le plan purement tennistique, mais comme le dit si bien l’adage, une finale (tout comme un derby d’ailleurs), ça ne se joue pas, ça se gagne.

Avec cette victoire, elle établit un record en devenant la première joueuse à remporter un tournoi du Grand Chelem en ne rencontrant aucune des 15 autres têtes de séries. A peine un mois plus tard, elle annonce mettre un terme à sa carrière. Drôle de fin pour un drôle de titre couronnant une drôle de carrière. Ou une drôle de vie c’est selon, quand on sait qu’elle vénère son père qui pourtant lui a fait souffrir le martyr toute sa carrière en l’entraînant jusqu’à l’épuisement le plus total.

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1 Commentaire

  1. J’aime bien cette petite glissade : « Ajoutez-y, on peut se le permettre en cette période, un physique peu valorisant… ».

    Vous auriez dû y aller plus direct : un jeu chiant, un physique de bûcheronne canadienne et un charisme d’escargot. Et puis entre chaque point, cette manie abominable de mimer des coups dans le vide…

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