Cortina pas déçu, ou presque !

Comme toutes les années impaires, le petit monde (ou la grande famille) du Cirque blanc s’est réuni dans une seule et unique station afin de participer à ses traditionnelles joutes mondiales. Et ce dans le but de couronner ses meilleurs athlètes du moment et même de la journée, dans toutes les 5 disciplines du ski alpin…. Eeeeeuh que dis-je, les 7 disciplines du ski alpin moderne (et oui le ski et la FIS évoluent). Je suis sûr que vous avez suivi attentivement toutes les courses et les scoops qui ont fait de cette quinzaine alpine (7-21 février), se disputant à Cortina d’Ampezzo, véritable joyau des Dolomites, une édition vraiment particulière…Mais au cas où ce n’est pas le cas, voici un compte-rendu exhaustif de ces quelques jours vénitiens !

Je ne vous le cache pas, je suis un mordu de ski et de sports d’hiver, comme tout bon Suisse qui se respecte bien sûr ! Donc, je ne vous cacherai pas non plus l’excitation enfantine qui avait pris le contrôle de mon corps en entier en regardant les classements généraux provisoires de la Coupe du Monde 20/21 au dimanche soir 6 février ! Et comment décrire mon état quand j’entendais la voix légendaire du Grand Fabrice Jaton prédire une récolte de médailles helvétiques se chiffrant entre 8 et 11 médailles !!! Wouaaaaaah, un total plus jamais réalisé depuis les joutes de Vail en 1989 (11 médailles), avec la grande génération de Crans-Montana 1987 et ses 14 médailles, une époque à laquelle Andreas Sander aurait encore rapporté une médaille à la RFA et Filip Zubcic aurait skié pour la Yougoslavie. Une prédiction qui semblait bien fantasque. Pourtant avec 37 podiums, (dont 11 victoires) toutes disciplines confondues et sexes confondus, en Coupe du Monde jusqu’au début des championnats du monde, la prophétie du Maître Jaton pouvait devenir réalité ! Les Suisses pouvaient s’imposer dans absolument toutes les épreuves, tout en s’appuyant sur plusieurs leaders et en cultivant une ambiance de groupe extraordinaire ! Pas mal pour s’enlever un peu de pression et la laisser sur le dos de la « Wunder Team » autrichienne… ou pas.

Et du coup il s’est passé quoi ?

Andiamo le « huis clos » e non la festa

Qui dit championnat du monde de ski alpin, dit ambiance tyrolienne digne d’une Coupe du Monde de Biathlon du sud de l’Allemagne, mais aussi rencontres internationales entre des supporters aux cultures diverses, petite compétition entre les fans pour savoir lequel portera le costume typique le plus cliché et dégueulasse de la quinzaine, ou encore cours d’œnologie donnés par des Valaisans aux partisans autrichiens (vous savez, ces buveurs d’antigel).

Oui, mais tout cela c’était sans compter la situation que nous connaissons tous (ha oui, laquelle ?). Depuis l’annonce officielle de la FIS en novembre, interdisant la venue des touristes du monde entier pour l’événement, l’organisation de Cortina 2021 a dû renoncer au montage des différentes fan zones ou tentes de supporters.  Quelle tristesse, quand on sait que la vieillissante mais luxueuse cité des Dolomites comptait spécialement sur ces quelques jours de compétitions pour doubler le PIB de l’Italie de 2021.

A cause de cette décision, j’ai presqu’eu l’impression d’être en coloc’ avec le gang de la RTS composé de John Nicolet, Romain Roseng et du duo valdo-valesco Morisod/Ansermoz (oui, en effet, ça fait beaucoup de « O » et pas trop de bas).

Semaine 1 : « Bon, ils commencent ces championnats du monde ou bien ? »

Si la FIS (Fédération internationale de ski) avait, jusqu’aux championnats du monde de Cortina, l’impression d’être encore cette dictature décidant de la pluie et du beau temps dans le monde des sports d’hiver, vous pouvez être sûr qu’elle s’est prise une bonne claque sur les deux joues.

Alors que la planète blanche n’en pouvait plus d’attendre, la météo, elle, en a décidé autrement ! A tel point qu’on se demandait même si les Italiens n’étaient pas entrain de temporiser pour permettre le retour de Sofia Goggia  (blessée et grande absente de la quinzaine) à la compétition.

Finalement, après 3 jours de pluie, de neige, de brouillard et de reports, le moment était enfin venu de ressortir notre « grand bingo John Nicolet » (qui marche aussi très bien avec Romain Roseng)… Ici !

J-1: Le sacre de Lara(bat-joie)

Il ne manquait plus qu’un titre doré dans un grand événement à l’enfant terrible du ski suisse pour entrer encore un peu plus dans les livres d’Histoire. Avec une confiance retrouvée depuis une année, Lara Gut-Behrami était la grande favorite du Super-G féminin.

A l’image de son mari Valon face à Neymar en 2018, elle n’a pas flanché et a tout pris avec en passant, même notre enthousiasme.

La nouvelle championne du monde est donc, comme à son habitude depuis quelques saisons, restée froide et impartiale. Nous faisant presque croire, au travers d’un discours tout construit de psychologue, qu’elle ne skiait plus pour gagner, mais simplement pour son propre plaisir. Certes.

Heureusement que la surprise du chef ce jour-là se nommait Corinne Suter, en argent, pourtant presque transparente en Super G depuis le début de l’année. Un doublé helvétique pour débuter, que demander de plus ? Un petit sourire de Lara.

J-2: La FIS championne du monde de Super G

Tout le pays se réjouissait déjà de voir son petit prince nidwaldien, aka Marco Odermatt, se faire couronner Roi en Super G. Malheureusement, c’est bien la FIS elle-même qui lui a piqué la vedette en traçant un parcours impossible à maîtriser sans freiner !

Même si le skieur de Buochs s’élança avec le dossard 7, largement après les trois premiers coureurs/ouvreurs éliminés (dont Caviezel et Meillard), c’est dans une traverse assassine qu’il perdait la course.

Pas de médailles suisses et c’est le début du festival autrichien.

J-3/4: Descente, vous avez dit ?

S’il n’y a pas grand-chose à redire sur la performance du duo Suter/Gut durant la descente féminine, allant chercher le deuxième titre et la quatrième médaille suisse de ces joutes, ce n’est pas le cas de l’épreuve masculine…

Après les couacs du Super G, on s’attendait vraiment à une descente masculine passionnante. C’était sans compter le fin piquetage de l’autrichien Hannes Trinkl. Le responsable FIS de la vitesse masculine a eu tellement peur du « fameux »  « Kristian Ghedina Jump » lors des jours précédents qu’il nous a concocté un tracé de slalom géant juste avant le passage fatidique… De quoi faire bondir de fureur la légende italienne qui a donné son nom au saut, je cite, « C’est quoi cette m****e de saut Ghedina, avoir un saut à mon nom qui ne saute pas, c’est un déshonneur ! ».

Beat, lui, toujours les lattes en Feu(z), est aller nous dégoter une médaille de bronze de derrière les (Dé)fagots, sur un parcours tournant et pas rapide du tout, chapeau !

Pendant ce temps, le festival autrichien continue, comme de rien.

J-5: Ça bronze chez les Suisses

Michelle Gisin chez les femmes et Loïc Meillard chez les hommes sont battus par plus forts qu’eux en combiné alpin, mais sont tout de même bronzés ! 7 médailles après 6 courses, pas de quoi se plaindre !

Marco Schwarz et l’incontournable Mikaela Shiffrin, eux, se paraient d’or sans faire de jaloux, ou presque. Déjà le 3ème titre autrichien, l’Autriche passe devant la Suisse au classement des médailles et y restera.

J-6/7: Le désastre des parallèles

***ATTENTION, CE COMMENTAIRE A ÉTÉ CENSURE PAR LA FIS, IL COMPRENNAIT TROP DE REMARQUES DENIGRANTES ET MENSONGERES CONCERNANT CES MAGNIFIQUES ET EQUITABLES EPREUVES DE PARALLELES DU TEAM EVENT***

J-8/10: Lara(belote)

Bien sûr, jamais deux sans trois. Et avec tout ça, notre Lara tellement critiquée en dehors mais tout autant adulée sur les pistes se fait couronner Reine de Cortina au nez et à la tresse de Mikaela Shiffrin (à 0,02’’ près).

Classée troisième de la première manche derrière une Américaine surprise (O’Brian) et une autre un peu moins surprenante (Shiffrin), Gut-Behrami reste devant l’autrichienne Liensberger (Yes !) et met la pression sur les skieuses à la bannière étoilée.

Les 4 minutes suivantes auront sûrement poussé les cœurs des téléspectateurs suisses dans leurs derniers retranchements, mais quel dénouement : « Lara Gut-Behrami championne du monde de géant, pour deux centièmmeeuh » nous criera Romain Roseng avec une voix éprise d’émotion ! La joie de la championne de Comano contraste avec sa froideur habituelle, elle nous aura bien fait taire et heureusement !

Quant au slalom, la sortie prématurée en première manche de Michelle Gisin faisait écho aux exploits des géantistes masculins. Une certaine Liensberger s’imposait, elle, sans grand suspense avec une seconde d’avance sur la solide Petra Vhlova et Holdener restait en chocolat.

J-9/11: Le ski intérieur, une religion

Les attentes étaient si grandes derrière la « Dream Team »  des géantistes suisses qu’il fallait bien que les trois premiers éliminés en première manche soient suisses ! Odermatt, Murisier et Caviezel se faisaient tous avoir par la tragique mais fameuse « faute sur le ski intérieur…et c’est fini! ».

Dans un élan de solidarité, Alexis Pinturault, auteur d’un récital à la Federer en 2009 lors de la première manche, se faisait lui aussi avoir par son ski intérieur alors qu’il s’élançait en dernière position lors de la manche finale.

On évitait de peu un doublé français historique, un Autrichien montait à nouveau sur le podium et Loïc Meillard ne pouvait pas faire mieux que cinquième.

La faute sur le ski intérieur, le geste technique tant répété durant le géant masculin, une merveille !

Si vous pensiez avoir été servi par les éliminations suisses en première manche après celles des géantistes et de Gisin, il ne vous fallait surtout pas manquer la dernière épreuve de ces championnats du monde, le mythique et traditionnel slalom du dernier dimanche !

Alors que le géant Zenhäusern ne passait pas le cut des 15 (nouvelle petite règle inventée par la FIS pour la journée), Meillard et Aerni sortaient…une véritable manche d’anthologie !

Seul rescapé suisse encore dans la course aux médailles, Daniel Yule remontait à la 5ème place finale…De quoi sortir les banderoles « Yule never walk alone » dans tout le Valais !

Le bilan – Content, mais pourtant…

Avec un bilan de 9 médailles, dont 3 titres, la prophétie de Fabrice Jaton s’est bien réalisée ! Et lorsqu’on compare cette moisson avec celles des dernières années, facile est de constater que la progression des skieurs suisses a été fulgurante en une quinzaine d’années !

Pourtant, il faut bien avouer que nous restons tout de même sur un petit goût d’inachevé, déjà parce que la Suisse n’a pas réussi à remporter le classement des médailles (l’Autriche nous a devancé avec 2 titres de plus mais une médaille de moins), mais surtout car certains grands favoris n’ont pas réussi à décrocher le graal tant espéré (Odermatt, Caviezel, Gisin, Zenhäusern).

Victimes de la pression ? Sûrement. Un mal qui, espérons le, pourra être soigné (et pourquoi pas par Lara) pour le mois de février 2022 et les JO de Pékin.

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