Au grand dam de la RTS et son angle de narration favori, les supporters des deux (oui, deux) clubs romands éliminés de la course au titre national se sont retrouvés ce week-end devant un non-choix digne de celui d’un électeur français un printemps sur cinq depuis 20 ans: ressortir un vieux maillot d’Auston Matthews frappé du logo des ZSC Lions de la cave ou se désintéresser totalement de la fin de saison. Heureusement pour ces fans démobilisés, les « hockeyix » de tous bords ont pu trouver de quoi se changer des idées d’une couleur chère à André Franquin avec le pèlerinage des New Jersey Devils de Nico Hischier dans l’une des nombreuses Mecques du hockey sur glace au sud de la Mason-Dixon Line (oui, il y a d’autres équipes que Nashville dans le Deep South).
Un brin de contexte
On veut évidemment parler de l’American Airlines Center, antre des Dallas Stars, qui avait pour une fois les faveurs d’une heure d’écoute abordable pour le téléspectateur couche-tôt du Vieux Continent. L’illustre membre du bottom four du classement de NHL avec ses 47 défaites en 71 matches y était reçu en grande pompe par l’actuel (et terriblement fragile) titulaire de la dernière place en playoffs de la Conférence Ouest en vue de devenir l’adversaire la victime expiatoire du Colorado Avalanche au premier tour en mai prochain.
Même Céline Dion est compatissante.
Le tout en gardant un œil inquiet sur les résultats des Vegas Golden Knights, de sacrés faux jetons qui tentent un dernier coup de poker pour arracher une place pour la véritable machine à sous que sont les séries finales. Même si les Stars semblaient avoir toutes les cartes en main, l’enjeu était pour le moins élevé en ce 9 Pluviôse 2022. D’autant que le peu d’opposition qui se présentait face à eux – 9 défaites consécutives sur la route – était privé de son meilleur joueur (non, pas Jonas Siegenthaler).
Si vous étiez au salon SIAMS de l’industrie microtechnique à Moutier ou encore au premier congrès des cornistes de Suisse romande à La Chaux-de-Fonds tout le week-end, pas de panique, on vous résume tout ça.
Le match en deux mots
10 secondes.
C’est le laps de temps qu’il a fallu au tableau d’affichage pour passer de 1-1 à 1-3 en faveur des Devils à la 59ème minute. Normal.
Les trois étoiles du match
« C’est qui déjà ce Jack Hughes ? »
⭐️ Nico Hischier, auteur d’un assist qui a déstabilisé les trois cônes en patinage arrière qui servaient de défense aux Stars sur l’égalisation de Ty (no pun intended*) Smith (1-1, 45ème) et surtout d’un exploit individuel pour marquer le game-winning goal (1-2, 59ème). Seul un jury composé de Ray Charles, Louis Braille, Stevie Wonder, Andrea Bocelli et Gilbert Montagné aurait pu refuser cette distinction au Haut-Valaisan qui a marqué les 53ème et 54ème points d’une saison record sur le plan personnel.
*Rendons à Shayna ce qui lui appartient:
Smith Tys it up. Nico Hischier with the primary helper #NJDevils pic.twitter.com/w7LprFTVHl
— Shayna (@hayyyshayyy) April 9, 2022
⭐️ ⭐️ Nico Daws. Comme tous les gardiens de l’Etat du New Jersey nés au XXème siècle sont actuellement blessés et le Bernois Akira Schmid gardait un particulièrement mauvais souvenir de ses adversaires du soir (1-5 le 26 janvier dernier), c’est un portier canado-allemand de 21 ans dont le début de carrière est pour le moins compliqué (88,9% d’arrêts et 3,31 goals encaissés par match avant samedi soir) qui était aligné dans la cage des diablotins. 27 arrêts dont quelques miracles plus tard, c’était l’overDaws pour les petits hommes verts d’en face. A croire qu’il avait signé un pacte (de 3 ans, entry level) avec le diable.
Joe Pavelski tente de remonter la pente en arrache-mitaine.
⭐️ ⭐️ ⭐️ Nico… non, on déconne. Belinda Bencic. La Saint-Galloise menait 6-4 3-2 à la première pause et avait exactement 18 minutes pour boucler l’affaire histoire qu’on puisse assister à sa victoire avant de repartir pour Dallas. Mission accomplie.
« Pssst, c’est quoi le score du match de hockey ? »
Le tournant du match
Give @_tysmith_24 a little bit of space and you bet he’ll take it. 👌 pic.twitter.com/vvmIU8POo4
— NHL (@NHL) April 9, 2022
Le slapshot en pleine lucarne du match
holy hell this shift by Nico Hischier pic.twitter.com/XI5GEncqlg
— Dimitri Filipovic (@DimFilipovic) April 9, 2022
Le vieux rotoillon en cloche du match
Le point commun des équipes dont on narre le chaos permanent d’une encre mélangée à des larmes de sang dans ces colonnes ? Un power play qui souffre presque autant que l’image de marque de certaines entreprises agroalimentaires italiennes récemment (même si le jeu de puissance susmentionné adorerait jouir d’un transit aussi rapide). À Dallas, on est passé du 4ème power play de la ligue (26,2% de réussite) à la fin janvier au 28ème (15,9%) en avril. Le 100ème but de Ryan Suter, marqué à 5 contre 4 (1-0, 34ème), n’était qu’un arbuste rachitique qui peinait à cacher une forêt d’occasions gâchées (2 buts marqués sur les 23 dernières supériorités numériques).
John Fust se sent nettement mieux là d’un coup.
Zing! 💯
— Dallas Stars (@DallasStars) April 9, 2022
📺: @BallySportsSW Extra | #TexasHockey pic.twitter.com/R2TGNcGIAJ
Le chiffre à la con
56. Comme le numéro de Sergei Zubov, défenseur légendaire des Stars vainqueurs de la Coupe Stanley en 1999 dont le maillot a été suspendu au plafond de l’American Airlines Center cette année. Mais aussi comme le nombre de buts marqués par Auston Matthews cette saison (série en cours), nouveau record pour un joueur né aux Etats-Unis en une saison de NHL.
Game performance aside, I’ve been to three number retirement ceremonies and each is special in their own way. Mike Modano. Jere Lehtinen. And now Sergei Zubov. Three pillars of what was the greatest era of Stars hockey to date. So humbled to see each man be honored. #TexasHockey pic.twitter.com/JltiSPXTWg
— Dylan Nadwodny (@dnadders) January 29, 2022
Le rapport avec le duel qui nous occupe ? Aucun. Ah si, quand même: les numéros 55 et 56 ont été enquillés jeudi soir à Dallas face aux Stars. On aurait adoré que la précédente marque (50, lors de la saison inaugurale des ex-Minnesota North Stars nouvellement établis au Texas en 1993/1994) appartienne à Mike Modano, tout premier visage de la franchise du Lone Star State, histoire de boucler la boucle. Ah, quelle belle justice poétique cela aurait fait. Surtout qu’il s’est accessoirement fâché pour toujours avec l’organisation qui lui a refusé un dernier contrat, mais on vous racontera ça la prochaine fois.
Auston Matthews sans son épouvantable moustache, mais avec le maillot du nouveau club de coeur de 85% de la population romande.
Non, la réalité est bien plus drôle encore. Ce record, établi jusqu’alors à 55 réussites était conjointement détenu par un certain Kevin Stevens et… Jimmy Carson. La fiction a encore du boulot pour rattraper son retard, croyez-nous.
On taira l’anecdote selon laquelle ce fait d’armes place l’ailier des Maple Leafs au 54ème rang du classement général de la spécialité, derrière 39 performances canadiennes, 6 russes, 3 finlandaises, une tchèque et 4 occurrences de l’« adopté » Brett Hull, autre grand ancien des Stars.
P.S. Comme Toronto affrontait Montréal à domicile dans la nuit suivant le gros de l’écriture de ce torchon, le numéro 34 en a profité pour ajouter 2 coches à son total et rendu tout ce qu’on a raconté complètement caduc, mais on assume.
L’anecdote
Le 23 novembre 2021, le département marketing des Devils signait cet authentique coup de génie. Aucune chance de tirer le diable par la queue après ça pour la boutique officielle du club.
Rooted in Garden State hockey history. Forged for the future. #NJDevils | #MadeInJersey pic.twitter.com/5qj1eE8X7A
— New Jersey Devils (@NJDevils) November 23, 2021
Le premier maillot de l’histoire fabriqué entièrement en Dad joke synthétique.
The Devils social team jokingly unveils « Hat » hats to match new « Jersey » jerseys. 🧢
— BarDown (@BarDown) November 23, 2021
MORE @ https://t.co/FiNAMTNLpO pic.twitter.com/ZC7Ber2LKd
Et dire que les Columbus Blue Jackets étaient à ça de révolutionner la mode automne-hiver…
Et sinon dans les tribunes ?
On imagine que les 18’127 spectateurs présents au numéro 2500 de la tragiquement mal nommée Victory Avenue pour cette matinée (n.d.l.r. c’est-à-dire une manifestation publique se tenant dans l’après-midi, comme son nom l’indique) avaient tous reçu ce petit rappel:
Au Texas, on ne plaisante pas avec les révisions des bases nécessaires à l’atteinte de l’excellence.
La minute Patrik Štefan
Si vous n’avez pas la référence, vous avez un article à lire de toute urgence.
Selon Rick Bowness, cette minute est à attribuer à absolument toute l’équipe (sauf lui). Un coach qui jette l’entier de son effectif sous le bus après une défaite cuisante, franchement, on adore. Un peu plus et ça nous rappellerait quelqu’un, tiens.
« That’s the most disappointing game we’ve had all year, by far. »@ATT | #TexasHockey pic.twitter.com/knkUPpAYj6
— Dallas Stars (@DallasStars) April 9, 2022
« L’enfer, c’est les autres ! »
La rétrospective du prochain match
Après avoir réussi un Grand Chelem calendaire, c’est-à-dire perdre contre les 4 équipes logeant au sous-sol du classement de NHL (Montréal, Arizona, Seattle et donc New Jersey) cette saison, il ne reste plus qu’à capitaliser sur la bonne forme du moment pour les Stars.
L’opération visant à renflouer les caisses des plus démunis se poursuivra-t-elle dans la nuit de dimanche à lundi face aux Chicago Blackhawks et leurs 6 déconvenues d’affilée ? Vous savez, LE club du fan opportuniste des années 2010 par excellence et naturellement renié par les experts comptables depuis le début de sa chute libre en 2018 et par le reste du monde depuis l’affaire Kyle Beach (on dirait le titre d’un bouquin de Joël Dicker) révélée l’année dernière. Vous aurez probablement déjà la réponse au moment où vous lirez ces lignes. On murmure en tout cas déjà en coulisses que les Texans pourraient mettre sur pied une tournée de défaites à Donetsk, Kiev, Kharkiv, Marioupol, Boutcha et Kramatorsk durant la trêve estivale.
Et les playoffs dans tout ça, c’est quand ?
Les Stars doivent encore jouer 11 rencontres avant d’éventuels playoffs alors que les Devils n’ont plus que 10 parties à (s)aborder avant des vacances bien méritées. Mais il y a plus important.
Si les séries éliminatoires commencent dans moins d’un mois en Amérique du Nord, elles battent leur plein ici en Suisse et le suspense reste entier. En effet, une grave question est sur toutes les lèvres (inférieures), seul espace non pileux du visage à ce moment de la saison:
Eliot Antonietti dort-il avec la barbe au-dessus ou en dessous des couvertures ?
Crédit photographique:
Auston Matthews: Pumpido75/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Auston_Matthews_IMG_7890.jpg
Antonietti n’a pas besoin de couverture…
😂😂😂😂😂😂