Le légendaire Derby des Zaehringen

La rivalité ultime

Mieux que PSG-OM, qu’Atlético-Real, que Macron-Le Pen, que Nierlet-les-Bois – Goumoens-le-Jux: Le DERBY Fribourg-Gottéron – SC Bäääärn.

Précision ante-article

Mes lecteurs assidus, que dis-je mes fans, mes groupies, qui se sont déjà tapé le nombre mirobolant d’articles que j’ai publiés jusqu’à ce jour (4 …) sont conscients du fait que je suis partisan et absolument pas neutre. En l’espèce, je suis depuis mon enfance un fan de Fribourg-Gottéron. J’ai même eu ma période (gentil) ultra dans les années 90 (Dieu fasse que mes enfants ne me lisent pas …) et j’ai même vu 43 matches lors de la saison 1991-1992 ! Voilà voilà … vous comprendrez donc aisément que cet article ne risque pas de chanter les louanges du SCB. Rien que d’écrire ces trois lettres, ça me crée des douleurs fantômes aux amygdales.

Après, la sagesse gagnée avec l’âge m’a permis de me rendre compte que sans « eux », les saisons de hockey seraient bien moins palpitantes. Il faut également dire que depuis quelques années, le SCB est au bout du fart et au fond de la fosse, ce qui provoque quand-même chez le Dzodzet de base un petit ricanement de satisfaction et une mi-molle. Profitons-en !

Un peu d’histoire

Partant du principe qu’un peu de culture générale ne peut pas faire de mal au lecteur moyen, voici quelques informations qui vous permettront de paraître comme un prix Nobel au café du coin pendant l’apéro.

En 1157, l’ami Berthold IV de Zaehringen fonde la ville de Fribourg, car il est tombé amoureux des paysages du coin et trouve les méandres de la Sarine ainsi que la falaise de molasse qui la domine à l’Est bien pratiques pour protéger la future cité.

L’ami Berthold IV le moustachu. Il avait l’air sympa, quoiqu’un peu coeur de pierre. 

34 ans plus tard, son fils Berthold V (ils se sont pas foulés niveau créativité pour trouver les prénoms des mâles de la famille, c’est le moins qu’on puisse dire …) copie son paternel à exactement 34.8 km de là (par l’autoroute), au bord de l’Aar.

Berthold V, le fondateur de la ville suisse-alémanique portait fièrement le casque…

Dans cette famille, le dada c’était de fonder des villes. Comme déjà dit, je respecte, chacun ses occupations et ses hobbies.

Le contexte, passé et actuel

Fribourg et Berne, ce sont avant tout deux villes cousines. Et comme dans toutes les familles, on est jaloux et on veut absolument faire mieux que sa concurrente. Mais par contre, quand l’une est dans la merde, l’autre vole immédiatement à son secours. C’est ainsi que la légende dit que les Fribourgeois se sont précipités à Berne en 1405 suite à un incendie qui a détruit une bonne partie de la ville et provoqué 100 morts (les écrits ne mentionnent pas un quelconque dégât sur la PostFinance Arena, donc elle n’avait pas été touchée visiblement). En guise de remerciements, les Bernois auraient permis aux Fribourgeois de venir une fois par année vendre leurs oignons dans la capitale fédérale. Le très populaire « Marché aux oignons » était né. Seul hic : le premier « Zwiebelmäääääärit » a eu lieu près de 400 ans après l’incendie. C’est probablement une autre preuve de la lenteur légendaire bernoise.

Les plus mesquins affirment que la réputation malodorante qui colle à la peau du Fribourgeois moyen, qui est d’ailleurs totalement injustifiée, est due au fait que la ville de Fribourg a attendu très longtemps avant de construire une station d’épuration. En effet, le contenu des toilettes dzozettes était immédiatement déversé dans la Sarine et naviguait ensuite jusqu’à Berne, après avoir plongé dans l’Aar. Qui dit vrai ? Qui dit faux ?

Au final, il s’agit d’une rivalité entre deux villes éloignées de quelques minutes, l’une capitale et suisse-allemande, l’autre campagnarde et romande.

Le premier derby SCB-HCFG a eu lieu lors de la saison 1971-1972 à Berne devant plus de 16’000 spectateurs alors que les deux clubs étaient … en ligue B.

Durant les années qui ont suivi, la situation a viré parfois à l’émeute et les échauffourées étaient fréquentes. Il faut admettre que la situation s’est un petit peu détendue depuis quelques années, du fait de la séparation des supporters, d’une présence policière accrue et de l’interdiction faite aux Bernois de parcourir en cortège bruyant la distance séparant la gare de Fribourg de la patinoire. Les récents résultats du SCB ont également affaibli quelque peu la passion de ses supporters.

La comparaison

Goliath : Schlittschuh Club Bäääärn, SCB

Le Club des Patineurs de Bääääärn a été fondé en 1930 et a depuis été sacré champion de Suisse à 16 reprises, alors que cela n’était pas du tout mérité. Il joue en LNA depuis 1986 et son emblème est un ours. Le club dispose de la gigantesque PostFinance Arena, soit du nom d’un établissement de produits financiers très puissant en Suisse et que je ne peux pas citer, qui a une capacité de plus de 17’000 places. Cela fait figurer le club au premier rang européen du nombre de spectateurs par match, même si ces dernières années le public n’est plus aussi assidu et bruyant.

D’après un article de 2018 du site swisshabs.ch, le budget de la première équipe du SCB est d’environ 12 à 13 millions de CHF par an. Lors de la saison 2019-2020, Le SCB a fini la saison à la 9ème place et donc non-qualifié pour des play-offs qui ont été annulés, non pas pour cause de pandémie, mais parce que le club avait échoué à se qualifier.

En 2020-2021, le club a fini à nouveau 9ème. La ligue a donc décidé d’introduire une nouvelle invention : les pré-play-offs entre les places 7 et 10 afin de sélectionner les deux derniers qualifiés. Le SCB a réussi à gagner sa série de pré-play-offs mais ils étaient vraiment trop nuls et ont été éliminés en 1/4.

En 2021-2022, le SCB a terminé au 11ème rang, manquant ainsi les pré-play-offs. Aux dernières nouvelles, la ligue suisse est en train d’étudier une possibilité de créer des pré-pré-play-offs afin que le SCB ait une chance supplémentaire.

Le supporter moyen bernois est dépourvu de cerveau et particulièrement méchant.

David : le Hockey-Club Fribourg-Gottéron (pour les Alémaniques, c’est la même chose …)

« Gottéron » est un club fondé en 1937 par une bande de copains de la basse-ville de Fribourg. Sa promotion en LNA date de 1980, ce qui en fait le club le plus ancien de l’élite du hockey suisse. Il a comme emblème un dragon et/ou Hubert Audriaz sur son vélomoteur (sans casque).

Petite parenthèse : la recherche de cette photo m’a permis d’apprendre que le site www.hubert-audriaz.ch existe bel et bien ! Je vous le conseille…

Le club a été à quatre reprises vice-champion de Suisse. Son Saint-Patron est Julien Sprunger, joueur de la première équipe depuis 1956, et son assistant Killian Mottet (qui a remplacé Slava Bykov suite à des propos peu diplomatiques tenus récemment sur la guerre en Ukraine).

Entre 2018 et 2020, Fribourg a agrandi sa mythique patinoire de St-Léonard (depuis 2010 BCF-Arena) et dispose désormais d’une enceinte de 8’934 places. L’ambiance du chaudron de St-Léonard est connue loin à la ronde pour sa ferveur. Contrairement à son collègue bernois, le fan fribourgeois est doté d’une gentillesse et d’une intelligence hors du commun. D’après le même article de Swisshabs cité ci-dessus, le budget de la première équipe avoisine les 7 millions de CHF.

Le HCFG a fini 7ème de la saison interrompue (rappelons-le pour cause de non-qualification du SCB pour les play-offs, et non pas à cause de la pandémie) en 2019-2020, puis 3ème en 2020-2021 (élimination frustrante en 1/4 de finale) et 2ème en 2021-2022 (élimination en demi-finale). Théoriquement, on devrait être champion en 2024.

Le moment inoubliable

Quand j’ai un coup de blues, je file sur Youtube et je mate le but en prolongations du sixième match (11.03.2008) de la série de 1/4 de finale de play-offs entre l’Ours (qui avait fini et de loin premier de la saison régulière) et le Dragon, qualifié in extremis à la 8ème place. C’est l’ancien Bernois Gilles Montandon qui a libéré tout un peuple, envoyé le grand SCB en vacances et provoqué une éruption du Moléson.

On peut le constater au commentaire, Laurent Bastardoz a eu ce jour-là une descente d’organes. Comme dirait le regretté Thierry Roland: « Après avoir vu ça, on peut mourir tranquille. Le plus tard possible, mais tranquille. »

Cette séquence devrait être remboursée par la LAMal. C’est l’équivalent pour moi du Suisse-France de l’Euro 2021 pour Yves Martin.

Les traîtres

Bon on va pas se faire mousser … les deux clubs ne régatant pas dans la même catégorie d’un point de vue financier, les joueurs ayant porté les deux chandails sont légion et ne suscitent pas de rancœur particulière. Déjà, le légendaire Paul-André Cadieux, toujours alerte consultant intérimaire sur Radio-Fribourg, a joué et entraîné (parfois en même temps, c’était une autre époque) les deux clubs entre les années 70 et 90.

En général, certains excellents éléments de Fribourg-Gottéron sont rachetés par le SC Berne (de Montandon en 1990 à DiDomenico en 2022). Quant à certaines stars de Bääääärn, elles viennent volontiers finir leur carrière à Fribourg, vu que c’est pas loin de leur villa (Rauch, Howald, Montandon).

Nous avons quand même deux buses unanimement reconnues:

Tristan Scherwey : Fribourgeois pure souche, surnommé « le Frédéric Chassot » du hockey suisse, il est passé par le mouvement junior de Fribourg-Gottéron avant de demander l’asile à 15 ans à Berne pour des raisons obscures. Jusque là OK. En avril 2013, le SCB gagne la finale du championnat contre Fribourg, et l’ancien gamin de Marly (source mon pote Cretchu) ne trouve rien d’autre à faire que de piquer le mégaphone des fans bernois et de hurler que les Fribourgeois sont des rejetons de péripatéticiennes (il a pas tout à fait utilisé ces mots). Ajoutons à cela qu’il avait durant la série administré une Nordhal Lelandais au lutin de Gottéron Benny Plüss, lui cassant le nez dans son style bien à lui et tout en délicatesse, ce qui lui a valu 4 matches de suspension quand même (voir la vidéo dans ce lien).

Cet apprenti-boucher a d’ailleurs failli gagner le pigeon d’or du site en novembre 2019 pour l’ensemble de son œuvre. Petit rappel avec ce mémorable article de mon éminent collègue Pierre Diserens :

Pigeon de novembre 3 : Tristan Scherwey

T’inquiète Tristan on n’a pas oublié ! Depuis il est écrit qu’il ne reviendra jamais à Fribourg. C’est pour ça qu’il a signé un contrat de 43 saisons en faveur du SCB. Bon l’autre Fribourgeois du SCB 2013 Christoph Bertschy avait aussi fait une ânerie du style (il a quand même fait moins fort que Tristan…), mais lui on lui a pardonné, parce qu’il est devenu super fort et qu’il a signé à Gottéron dès la saison 2022.

Lars Leuenberger : en 2000, après avoir joué 6 saisons pour le SCB, le frère de Sven se fait jeter comme un malpropre et accueillir à Fribourg. Il jouera alors deux années très prolifiques sur les bords de la Sarine. Malgré un contrat toujours valable avec Fribourg-Gottéron, l’intéressé quittera lâchement le club pour retourner à … Berne. Il n’y restera qu’une année, son rendement ayant à nouveau dégringolé, on lui indiquera (encore) la porte. Il terminera brillamment sa carrière de joueur au … HC Bâle. Bien fait.

Mais Lars Leuenberger est résilient, puisqu’il gagnera comme entraîneur de dépannage le titre de champion de Suisse avec Berne en 2016, juste avant que son contrat ne soit pas reconduit. Je pense qu’il devrait suivre une thérapie sur la dépendance affective.

Les derniers derbies

C’est ma partie préférée de l’article.

La dernière fois que le SCB a gagné un match contre Gottéron, c’était en février 2020, soit avant la pandémie ! Depuis, Fribourg a aligné 8 victoires de rang ! Je ne prends pas grand risque en affirmant que cela n’était jamais arrivé dans toute l’histoire de l’humanité, et même avant.

La victoire la plus symptomatique de l’état actuel du SCB a eu lieu le 19.10.2021 à St-Léonard. Alors que les Bernois menaient encore 1-3 à 14 minutes de la fin du match, Fribourg est passé en mode rouleau compresseur et, malgré 5 minutes en infériorité numérique, a enfilé quatre buts à la suite. Des gueulées !

L’avenir

Je ne vais pas affirmer avoir un don à la Gérard Majax (qui est revenu bien malgré lui sur le devant de la scène), mais je vais oser un pronostic emprunt d’humilité et de la neutralité qui me caractérisent.

SC Berne

Tout va mieux ! Le CEO Marc Lüthi, en poste depuis 1998, a (enfin) cédé sa place. Bon il ne va pas loin. Il sera le Président du conseil d’administration. Ce changement a été fait pour « assurer la continuité » selon le club. Vu les résultats des dernières saisons, on a donc pas fini de rire.

Comme chaque année, le SCB annonce l’arrivée de quelques grands (chers) noms (Sven Bärtschi, Oscar Lindberg, Chris DiDomenico). Dieu merci, l’entraîneur depuis 2021 Johan Lundskog (36 ans) dont c’est la première expérience (!) comme head-coach, a été confirmé dans ses fonctions malgré la saison catastrophique que le club a traversée.

Le SC Berne est également le premier club au monde à avoir nommé comme directeur(-trice) sportif(-ve) une femme, soit l’ancienne gardienne de l’équipe de Suisse Florence Schelling, en 2020. Marc Lüthi l’a virée un an plus tard… Il a été dit qu’il s’agissait juste d’un coup de pub. C’est vachement joli et en phase avec notre époque !

HC Fribourg-Gottéron

Depuis que le couteau canadien (copieur) Christian Dubé, Directeur sportif, a décidé en 2019 qu’il valait mieux qu’il s’occupe également d’entraîner l’équipe, il est vrai que les résultats positifs suivent, surtout en saison régulière. Les Dzodzets ont encore tendance à pédaler dans le yaourt lors des play-offs, mais il y a de l’amélioration. L’inauguration de la nouvelle patinoire a également eu un effet kiss-cool, et on sent la ferveur des belles années revenir dans tout le canton.

Entre un mélange de jeunes fribourgeois, de vieux fribourgeois, d’étrangers confirmés et de quelques immigrés suisse-allemands ayant de l’expérience, la mayonnaise semble prendre et tous les espoirs sont permis pour la prochaine saison. Attention cependant : l’équipe vieillit, et certains piliers (Berra, Sprunger, Bykov, Deharnais) sont proches de la fin de carrière, malgré leur efficacité.

L’effectif est plutôt stable depuis plusieurs années. Le Directeur sportif (Christian Dubé) vient d’ailleurs de prolonger jusqu’en 2025 le contrat de l’entraîneur (Christian Dubé). Les rumeurs disent qu’il pourrait également reprendre la buvette en-haut des gradins et la conciergerie de la patinoire.

Le conseil lecture

Cela n’a rien à voir, mais Google nous apprend de drôle de choses.

Tout à fait en phase avec l’actualité et cet article, je vous conseille la lecture du livre :

La Danse de l’Ours et du Dragon: Et si la Chine et la Russie se partageaient le monde ?

De l’auteur François Roche, aux éditions Les Peregrines (2018).

C’est l’histoire d’une rencontre secrète entre Xi Jinping et Vladimir Poutine dans le but de sceller un accord leur permettant de se partager le monde. Comme c’est cocasse. C’est un excellent moyen de garder les narcoleptiques éveillés, croyez-moi, tellement ça fout les jetons. On remarquera sur la photo que le dragon semble dominer nettement l’ours. C’est comme dans la réalité.

OK, j’aime mieux un bon derby des Zaehringen: ça dure moins longtemps et ça fait moins de dégâts.

 

Crédits photographiques :
Berthold IV : (source Wikimedia, Flominator, CC-BY-SA)
Berthold V : (source Wikimedia, Flominator, CC-BY-SA)
Intérieur patinoire : (source Wikimedia, Simon Bohnenblust, CC-BY-SA)
Hubert Audriaz : (source www.hubert-audriaz.ch) 
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