Début novembre 2023, Zermatt/VS: peu avant le naufrage de la Gran Becca (annulation des deux courses, comme en 2022) et après que les organisateurs aient fait la une des journaux pour avoir eu l’idée brillantissime de creuser le glacier avec des pelles mécaniques, l’entraîneur en chef du ski alpin autrichien, Marko Pfeifer, a réussi à se plaindre une nouvelle fois: «Seuls les Suisses ont probablement beaucoup plus de kilomètres de vitesse dans les jambes que les autres, ce qui constitue un avantage». Je n’aime pas les skieurs autrichiens, et encore moins leurs entraîneurs et dirigeants, toujours prompts à se plaindre et à « gnaugner », comme on dit à Fribourg. On peut d’ailleurs se demander comment l’entraîneur en chef d’une nation ayant produit tellement de champions peut être un inconnu qui n’a jamais gagné une course de coupe du monde. Visiblement, le job ne fait pas envie. Ou alors il a été pistonné par sa soeur Michelle.
Marko Pfeifer lors de son interview.
Vous connaissez le nom de l’équipe de ski d’Autriche ? La « Wunderteam ». Si ça c’est pas présomptueux. On se croirait au Bayern de Munich avec leur « Rekordmeister », ou au Real Madrid du temps des « Galactiques ». Moi j’aurais préféré les « Autricheurs ».
Tout a commencé en 1987, lors des incroyables championnats du monde de ski de Crans-Montana.
Le tableau ci-dessous résume clairement l’écrasante domination de l’Helvétie sur toutes les autres nations, avec 8 titres sur 10, 14 médailles sur 30. Et encore, Joël Gaspoz aurait dû gagner le géant, mais il s’est viandé à trois portes de l’arrivée alors qu’il avait course gagnée. Même le Luxembourg a dépassé l’Autriche au classement des médailles lors de ces mondiaux: nos collègues de l’Est avait le seum du seum.
Le classement de la descente… Vous pouvez utiliser cette image pour effrayer un éventuel rival autrichien.
Eh bien ces mondiaux de rêve dont on parle encore plus de 35 ans plus tard ont été paradoxalement le début de la fin du ski suisse, et cela a créé un électrochoc en Autriche, dont la vengeance a été terrible. Un article de CR de 2007 dont la conclusion est « Pirmin, Maria and Co ont tué le ski suisse. Roger en fera de même avec le tennis » résume la situation.
Déterrer un article vieux de plus de 15 ans d’un collègue au nom de star du X Alex Delarge m’a permis de savoir qu’un visionnaire appelé BOLESZ existait et qu’il prédisait dans les commentaires avec arrogance la domination écrasante d’Olivier Brand et d’Aline Bonjour en ski, ainsi que de Timea Bacsinszky, Stéphane Bohli et Robin Roshardt en tennis, eux qui allaient aligner les Grands Chelems. Si quelqu’un connaît BOLESZ, merci de lui transmettre mes p*** de salutations, comme il l’écrivait lui-même, et de contacter la rédaction de CR.
BOLESZ, le Nostradamus de Carton-Rouge. Tu nous manques BOLESZ.
Tout lecteur né après 1989 a dû attendre 30 ans (!) pour voir la Suisse gagner à nouveau le classement des nations de la coupe du monde de ski, puisque nos « amis » autrichiens ont tout raflé, et de loin, entre 1990 et 2019. En 1997, la Suisse a même terminé 4ème de ce classement, derrière l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie. En 2013, on a touché le fond avec une Suisse 6ème derrière la Jamaïque, le Malawi et même le Qatar. En 2020, la Suisse remporte enfin, après 3 décennies, ce classement de prestige, déclenchant un séisme à Vienne:
Le président de la fédération autrichienne de ski durant toute cette période faste (1990-2021) Peter Schröcksnadel (je vous jure, c’est son vrai nom…) avait promis de démissionner à la fin de la saison 2019-2020 si l’Autriche était défaite au classement des nations. Comme cela a été le cas, l’intéressé… est resté une saison de plus, invoquant « un witz » avec son homologue suisse « et excellent ami » Urs Lehmann. Ah l’humour autrichien…
Pays mitoyens depuis la nuit des temps et proches au niveau de la population (chacun environ 9 millions d’habitants et des brouettes), l’Autriche et la Suisse sont également similaires au niveau du paysage montagneux, du système politique fédéraliste, de la prospérité économique et de la langue, même s’il manque aux Autrichiens une partie de population latine pour être vraiment heureux. Seule différence notable: la superficie, puisque notre territoire et environ la moitié plus petit que celui de notre encombrant voisin. L’Autriche est également un pays neutre, mais seulement depuis 1955, date à laquelle la « neutralité perpétuelle » a été votée par le parlement. Il faut dire que le pays avait jusque là une fâcheuse tendance à choisir le mauvais côté au moment des guerres mondiales. Ah encore une chose, l’Autriche est membre de l’Union Européenne. Ne riez pas.
En 2008, nos pays ont organisé conjointement l’UEFA EURO 2008, soit le meilleur EURO de tous les temps selon Ralph Zloczower, ancien président de l’Association Suisse de football qui n’a pas engagé Yakin comme sélectionneur national. Il n’était pas question de bilan sportif pour les organisateurs, puisque la Suisse, tout comme l’Autriche, on été éliminées en phase de poule. Mais le tournoi engendrera plus de 2 milliards de CHF de chiffre d’affaire, et un bénéfice de plus de 400 millions. L’important n’est-il pas de participer ? Oui bien sûr, mais avec un gros bénéfice.
Nous partageons également une capacité hors normes à faire des bénéfices avec nos voisins de l’Est.
Mais alors, notre relation peut-elle donc être comparée à celle entre deux frères, deux cousins, une rivalité la plupart du temps saine et sans graves conséquences ?
Que nenni ! Vous connaissez ma passion pour relier l’actualité aux faits de l’Histoire avec un grand H. Il ne faut jamais oublier !
La rivalité austro-helvétique date du 10ème siècle, lorsque de grandes familles essaient d’assoir leur autorité sur ce qui sera un jour l’Helvétie: les Kybourg, les Hohenstauffen, les Zaehringen et surtout les Habsbourg, également appelés « La maison d’Autriche ». Et voilà lecteur, tu viens de comprendre.
Au 14ème siècle, les Habsbourg ont eu la brillante idée de nommer les mâles respectifs de la famille Gessler baillis impériaux de Schwytz et d’Uri. Le dernier d’entre eux, Hermann, s’attira l’animosité de la population après avoir condamné un Zurichois soupçonné de vol à avoir les yeux et la langue arrachés. Même si l’on peut imaginer aisément que les méthodes du bailli Gessler étaient relativement efficaces pour empêcher la récidive des criminels zurichois, la population ne l’entendait pas de cette oreille, pour autant qu’elle n’ait pas été coupée. Afin de réassoir son autorité, Hermann Gessler fit ériger un mât au sommet duquel il plaça son chapeau, en exigeant que la population le salue comme s’il était présent. Franchement, ils sont pas détestables ces Autrichiens ? Après avoir refusé de se soumettre, Guillaume Tell fut condamné par le toujours créatif Gessler à tirer un carreau d’arbalète sur une pomme posée sur la tête de son fils. Il se vengea ensuite de Gessler et le tua, ce qui mènera à la révolte helvétique contre l’envahisseur autrichien et posera les bases de la Suisse telle qu’on la connaît aujourd’hui.
La première victoire suisse de l’histoire contre les Autrichiens
Bref, la rivalité ancestrale avec l’Autriche devrait donc durer encore quelque temps. Nos voisins étant peu doués dans d’autres sports (football, hockey, tennis, etc…), elle n’existe en fait que dans les sports alpins et pourrait donc être réglée dans les prochaines décennies par le réchauffement climatique, puisque la neige devrait disparaître. Ouf.
Crédits photographiques:
Calimero: vidéo Youtube
Calimero Trop Injuste – YouTube
Le tableau des médailles du CM 1987 à Crans-Montana : printscreen du Wikipedia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Championnats_du_monde_de_ski_alpin_1987
Photo du classement de la descente des CM1987: Nouvelliste du 02.02.1987
Autriche population: Wikimedia, NerdyMaps
https://creativecommons.org/licenses/by/2.0
Suisse-Autriche UEFA EURO2008: Froztbyte
Euro2008 venues en – File:Euro2008 venues en.svg – Wikimedia Commons
Proverbe autrichien:
https://www.mon-poeme.fr/proverbes-autrichiens/ »http://www.erki.nl/pics/main.php?g2_itemId=97107
Gessler-Tell: Ernst Stückelberg, Public domain, via Wikimedia Commons
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gessler_und_Tell.jpg
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