Qui est responsable du déclin du football allemand ? L’Ogre Bayern

Pour tout fan de football teuton, la descente aux enfers de la Mannschaft ces dernières années provoque des poussées d’eczéma. « Wir schaffen das ! » s’était écriée Angela le 31 août 2015. Force est de constater qu’elle ne parlait pas de son équipe nationale de football. Toutes les anciennes gloires, les dirigeants, les boulangers-pâtissiers, les politiciens et les journalistes tentent de trouver l’explication à ce déclin sans fin. CR a enquêté pour vous et a trouvé le coupable : l’hégémonie du Bayern Munich depuis 10 ans sur la Bundesliga. Explications.

Mes plus fidèles lecteurs savent comment le règne sans partage depuis (bientôt) 11 ans du « Rekordmeister », mot dont l’utilisation devrait être punie de 16 coups de fouets infligés avec un râteau rouillé, m’énerve. Ce n’est ni de la jalousie, ni de la moquerie. Depuis enfant, probablement influencé par mon père qui vient du mauvais côté de la Sarine, et surtout parce qu’à l’époque l’équipe de Suisse ne s’était plus qualifiée pour un grand tournoi depuis belle lurette, j’étais fan de l’équipe d’Allemagne. Je vais vous raconter d’où m’est venue cette passion qui semble aujourd’hui incongrue, et qui est probablement à la base de mon obsession pour le football. Oui, j’ai décidé de me livrer.

Les origines

Je vais vous parler d’un temps que les moins de 20 30 40 ans ne peuvent pas connaître. Le 29 juin 1986, j’avais 11 ans, il faisait très chaud, c’était un dimanche en soirée : la grande finale de la Coupe du monde 1986 au Mexique, Argentine-Allemagne. À une époque où nous n’avions qu’une seule chaîne de télévision suisse et 3 françaises, et où les retransmissions sportives étaient encore d’une piètre qualité, cette finale était un événement que personne n’aurait manqué. Mon père était pour l’Allemagne, et surtout tout le monde détestait un footballeur aujourd’hui parti rejoindre Dieu pour enfin lui rendre sa main : Diego Maradona, qui avait commencé sa carrière de handballeur lors du 1/4 de finale contre l’Angleterre. Le scénario de ce match fut dingue: après 70 minutes, l’Allemagne perdait 2-0. Dix minutes plus tard, après des buts de Rummenigge et Völler, ils avaient égalisé. Finalement, Jorge Burruchaga s’est échappé à la 84ème minute pour donner la victoire à l’Argentine. Je m’étais demandé comment les Allemands avaient pu trouver les ressources pour revenir de nulle part, et j’étais aussi assommé qu’eux après le but de la victoire et le premier ascenseur émotionnel de ma jeune existence. La légendaire volonté allemande, cet état d’esprit de ne jamais abandonner, existait donc bel et bien. Je suis devenu fan. Et la Mannschaft se vengera 4 ans plus tard à Rome.

Pour ceux qui veulent se rappeler certains souvenirs ou ceux qui veulent découvrir comment c’était de regarder un match à l’époque :

Loin de moi l’idée de dire que c’était mieux avant. Mais bon, c’était mieux avant. C’était l’époque où les joueurs ne se roulaient pas par terre au moindre contact (sauf les Italiens, qui ont inventé le truc), où il était permis de jouer sans protège-tibias, les chaussettes en-bas, et où un attaquant et un gardien qui venaient de s’affronter se faisaient un check.

Maradona et Schumacher : check !

Les chiffres

Depuis 1993 et la création du classement FIFA, l’Allemagne s’est maintenue dans le top 5 mondial jusqu’en 2018, excepté une petite période de reconstruction avant la Coupe du monde 2006 qu’elle organisait. Durant cette période, le pire résultat de la Mannschaft dans une Coupe du monde est une élimination en 1/4 de finale (1994 et 1998), l’équipe participant à la finale en 2002 (défaite 2-0 contre le Brésil) et en 2014, gagnant le titre mondial au Brésil contre … l’Argentine. C’est Mario Götze qui a inscrit le but victorieux à la 113ème minute. Oui il y a un footballeur qui s’appelle Mario Götze. Il joue d’ailleurs toujours, à l’Eintracht de Francfort.

A la 113ème minute, Mario brosse le cuir dans le but

Depuis ?

À l’Euro 2016, elle s’incline en 1/2 finale contre la France. Ce tournoi sera son chant du cygne.

À la Coupe du monde 2018 en Russie, berezina : elle termine dernière d’un groupe composé du Mexique, de la Suède et de la Corée du Sud.

À l’Euro 2020, l’Allemagne joue ses 3 matches à domicile contre la France (défaite 0-1), le Portugal (victoire 4-2) et la Hongrie (match nul 2-2 arraché en fin de match). Elle est éliminée en 8ème de finale contre l’Angleterre.

À la Coupe du monde 2022 au Qatar : élimination dans un groupe composé du Japon, de l’Espagne et du Costa-Rica.

Le 17.11.2020, elle s’est même pris un 6-0 contre l’Espagne en Ligue des nations, pire défaite de son histoire. La Mannschaft n’est plus que l’ombre d’elle-même. Au classement FIFA, elle oscille depuis 2018 entre la 11ème et la 16ème place. À ce jour, elle occupe le 14ème rang, alors que l’équipe de Suisse est 12ème, le Maroc 11ème et les Etats-Unis 13ème. Mais quelle est la raison de cette lente Pierre Palmade ?

J’accuse !

Ce schéma scientifique et irréfutable, puisque rédigé par le soussigné, compare le nombre de titres remportés à la suite depuis 2013 par le Bayern Munich et le classement FIFA de l’équipe d’Allemagne:

CQFD : la corrélation entre les deux facteurs est évidente !

Comparons ce qui est comparable: le 7 juillet 2010, l’Allemagne rencontre l’Espagne en demi-finale de la Coupe du Monde en Afrique du Sud (défaite 0-1, l’Allemagne finira 3ème de la compétition). Au coup d’envoi, sur les 11 joueurs présents dans l’équipe allemande, on ne compte que 3 représentants du Bayern Munich. Il est intéressant à l’époque de constater que les 23 joueurs de l’effectif allemand provenaient tous de clubs de Bundesliga ! Les Manuel Neuer (Schalke), Lukas Podolski (Cologne), Jerôme Boateng (Hambourg) et Toni Kross (Bayer Leverkusen) jouaient alors pour des concurrents du Bayern Munich qui n’allait pas tarder avant de tous les acheter. Le Polonais Robert Lewandowski a également fait les beaux jours de Dortmund avant d’être recruté par le Bayern. Cette manière de procéder, qui renforce l’équipe tout en affaiblissant les concurrents, est la carte de visite des Bavarois depuis le début des années 2010 et va rapidement mener à l’hégémonie du club que nous connaissons depuis 10 ans et à une Bundesliga aussi ennuyante qu’un match du LHC. Le Bayern a de surcroît un budget proche du double de tous ses concurrents les plus proches, se permettant même parfois de leur prêter de l’argent sans intérêt lorsqu’ils sont en difficulté.

Le 27.11.2022, lors de son premier match de la Coupe du monde 2022, à nouveau contre l’Espagne (1-1), ce sont 6 joueurs de l’Ogre bavarois qui ont débuté la rencontre, ainsi que 3 footballeurs évoluant à l’étranger. Même l’entraîneur, le polissé Hansi Flick, était l’ancien coach du Bayern Munich avant de reprendre la Mannschaft en 2021, alors que son prédécesseur Joachim Löw n’était jamais passé par la grande maison bavaroise, que ce soit comme joueur ou comme entraîneur.

Comme déjà vu, si l’on prend la tranche 2013-2022, le Bayern de Munich a remporté 10 titres de champions de Bundesliga de suite. Dans la tranche 2003-2012, 5 équipes se sont partagés les titres : Bayern de Munich (5x), Borussia Dortmund (2x), Werder de Brême (1x), VfB Stuttgart (1x) et VfL Wolfsburg (1x).

L’affaiblissement général des autres équipes de Bundesliga a provoqué au sein de l’hégémonique Bayern Munich une suffisance et une arrogance coupables, comme déjà décrit dans cet article, entraînant automatiquement le déclin de l’équipe nationale, composée des mêmes individus et entraînée par un homme de la maison. Ils ne sont plus habitués à se battre, à aller rechercher les limites. Cette saison en Bundesliga, les Bavarois sont challengés par l’Union Berlin (!) d’Urs Fischer et le Borussia Dortmund, mais je parierais facilement mon deuxième pilier, ou ce qu’il en reste après mes déboires conjugaux, sur le fait que le titre va atterrir une onzième fois de suite dans la capitale de la bière. Le Bayern a tout de même, et de loin, la meilleure attaque et la meilleure défense …

En 2006, Heribert Bruchhagen, ancien joueur, entraîneur et dirigeant allemand, a déclaré : « Sur les 20 prochaines années, le Bayern sera champion 16 fois ». Sa prophétie est malheureusement en train de se réaliser, et les conséquences négatives se répercutent également sur l’équipe nationale allemande. Vivement que le SpVgg Greuther Fürth soit racheté par le Qatar ou l’Arabie Saoudite et puisse rivaliser avec le Bayern Munich.

Après la catastrophique Coupe du monde au Qatar, la fédération allemande a décidé de créer un directoire de 5 personnes pour remettre sur pied l’équipe nationale avant un Euro 2024 qui se jouera à domicile. Sans surprise, sur les 5 membres, on retrouve Karl-Heinz Rummenigge, ancien président du directoire du Bayern Munich, et Oliver Kahn, son successeur en Bavière. On est visiblement pas prêt à se remettre en question du côté de Berlin.

 

Crédit photographique:

Mario Götze: Wikipedia, Par Danilo Borges/Portal da Copa copa2014.gov.br Licença Creative Commons Atribuição 3.0 — [1], CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=33982948

 

A propos Mike Gouverno 29 Articles

Commentaires Facebook

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.