La solution viendra-t-elle d’ailleurs ? On va VAR ce qu’on va VAR !

Standard-Anderlecht, c’est notre Clásico à nous. La rencontre dont tous les supporters vérifient la date dès la parution du calendrier de la saison. Une rivalité qui remonte à la fin de la seconde guerre mondiale, entre le club le plus titré du pays et celui qui n’a jamais connu la relégation. Et si la Pro League veut négocier à la hausse les droits de retransmission du foot belge à l’étranger, elle peut franchement envoyer les images du match de dimanche dernier aux chaînes candidates, tant celui-ci a tenu ses promesses. Aussi bien les spectateurs neutres que les supporters des deux camps ont fait dix fois l’aller-retour de l’Empire State Building en ascenseur émotionnel. Quatre buts sensationnels (dont le plus beau fut annulé, créant la polémique, on y reviendra), de l’engagement, du talent et une deuxième mi-temps absolument phénoménale du Standard, qui s’impose sur le fil ! Pour pasticher Raymond Goethals quand il parlait du légendaire Robbie Rensenbrink, Mehdi Carcela avait mis son smoking. Et au bout du compte, Anderlecht se retrouve éjecté provisoirement du Top 6. Que demander de plus ?

 

Comme le veut la coutume, les premières mèches avaient été allumées en début de semaine, quand Thomas Didillon, le gardien français du Sporting, avait plus ou moins déclaré à la télé – je dis « plus ou moins » car je ne crois pas qu’il y avait malice, mais vous savez comment un supporter réagit à chaud – que les Liégeois – il a commencé sa carrière belge à Seraing, en banlieue de Liège – étaient des « barakîs » (littéralement « forains », mais comprenez « gros beaufs »). Chaleur sur les réseaux sociaux et réactions dans la presse, malgré les excuses d’usage, vous vous en doutez.

Copyright Pad’R. Dessin paru dans « La Dernière Heure » du 4 février 2019 et reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur

Anderlecht démarre bien, emmené par un gamin de 17 ans, Yari Verschaeren, dont on reparlera sans doute dans quelques années. Un vrai diamant brut. Des diagonales à trente mètres comme on en voit peu. Le môme n’a pas encore acheté sa première bombe de mousse à raser qu’il te la joue géomètre à te faire baver. Je n’aime pas Anderlecht, je crois que ça se sait, mais je sais m’incliner devant la classe, et cet ado en a à revendre.

Le Standard prend peu à peu le match en mains et assoit sa domination par un but splendide, né d’une combinaison entre Mehdi Carcela (celui qui quitte le Standard dès que ça va bien et qui revient aussitôt parce que Liège lui manque) et le Roumain Ravzan Marin (lui, il ne restera plus très longtemps en Belgique). L’international marocain étincèle, émerveille, donne le tournis. Anderlecht égalise pourtant dans les minutes suivantes par la grâce d’un coup franc somptueux du capitaine Sven Kums (encore un qui s’est planté à l’étranger, qui est trop fort pour le championnat belge, mais pas assez pour les ligues plus prestigieuses, si vous voyez ce que je veux dire). Après, ça ronronne dix minutes et on rentre aux vestiaires.

À la reprise, changement de décor. Le staff liégeois a trouvé la parade face à la bonne organisation bruxelloise et ça s’emballe. La furia. Ça déferle de partout. Dès que le Standard s’approche de la cage mauve, il y a du but dans l’air.

Vient la 61è minute. À 25 mètres du but, Carcela contrôle du gauche – son bon pied – et pivote pour envoyer, du droit, un tir qui laisse Didillon impuissant. Le stade explose. Ma femme, dans son bain à l’étage, m’entend pousser un « woputain! » d’anthologie. Le but de la saison ! Carcela, vexé de n’avoir pas été élu joueur de l’année quelques jours plus tôt, retire sa godasse et s’en fait un oreiller pour célébrer son but. Le soulier dort. Le stade explose. Et intervient l’assistance vidéo. À son origine, l’action est entachée d’une faute. Minuscule, mais réelle. Il faut quatre angles de ralenti et trois visionnages pour la voir, mais Kostas Laifis a poussé le pied de son opposant, ce qui a dirigé le ballon ensuite relayé à Carcela et la suite on la connaît. La télé montre et remontre les images. C’est indiscutable. Le but est justement annulé. Les esprits s’échauffent. Michel Preud’homme, l’entraîneur du Standard, est renvoyé en tribunes pour avoir fait comprendre à l’arbitre qu’il ne serait pas invité à son anniversaire.

Vexés, frustrés, les Liégeois poussent tant plus et finissent par trouver l’ouverture à la 89è minute par la grâce d’un solo génial de Polo Mpoku. Ma femme, redescendue, m’entend hurler « Y a une justice, bordel ! » et, surprise, manque de laisser tomber les assiettes du souper. Le Standard l’emporte donc finalement 2-1 et tout est bien qui finit bien, mais il ne fait pas de doute que si le score final n’avait pas changé, on en aurait reparlé longtemps.

Copyright Pad’R. Dessin paru dans l’émission « La Tribune » (RTBF) et reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Pour la première fois depuis 1937, Anderlecht ne figure pas parmi les six premiers du classement général à ce stade de la compétition. Ce n’est pas anecdotique pour un club qui a disputé sans interruption les compétitions européennes depuis qu’elles existent (et en a remporté quatre) et ça fait bander de l’écrire. Les Bruxellois sont dans les cordes et vont devoir cravacher pour accrocher le bon wagon.

Se pose maintenant la question de l’assistance vidéo. Elle a prouvé son utilité et a donné lieu à des décisions judicieuses dans 87 % des cas (statistiques RTBF). Le Standard s’est vu refuser un but magnifique, ce qui amplifie la frustration, mais avait bénéficié d’une décision du VAR, tout aussi judicieuse, la semaine précédente, pour ouvrir la marque sur un but initialement annulé pour hors-jeu.

Ce n’est donc pas la décision proprement dite qui est mise en cause, mais le moment où elle intervient. Je m’explique : à Anvers, l’arbitre avait à peine rendu sa décision d’invalider le but que son assistant vidéo lui soufflait dans l’oreillette qu’il s’était gouré. Un bref regard aux images et hop ! Balle au centre. (illustration du propos: voir les images ci-dessous)

Dans le cas du but de Carcela, l’arbitre avait le nez sur l’action, a laissé le jeu se dérouler et validé le but. Neuf secondes de jeu ininterrompues, c’est long, l’air de rien. Pourquoi l’assistant vidéo n’est-il pas intervenu directement pour signaler la faute initiale ?

On l’aura bien compris, le propos n’est pas ici de remettre le VAR en question, mais bien les circonstances dans lesquelles on y recourt et, encore plus, le moment de l’action de jeu auquel il faut remonter pour justifier son intervention, fût-elle à bon escient, comme c’est la cas ici.

Mais qui est fondé à demander à l’arbitre de consulter la vidéo ? Les joueurs ? Les entraîneurs ? Le système censé faciliter la tâche des arbitres de terrain leur met en fait une pression supplémentaire. Ne faudrait-il pas imaginer un système où, comme en foot US ou au hockey, un arbitre vidéo serait souverain en cas de litige ?

Au tennis, le « Hawkeye » est sans appel. Les joueurs ont droit à trois réclamations et s’ils se trompent, ils perdent leur droit à contester. Idem au hockey : on peut réclamer une fois et en cas d’erreur, c’est fichu pour le reste de la partie. Mais surtout, l’arbitre de champ est dégagé de sa responsabilité en cas d’erreur et conserve donc sa présomption d’impartialité. La solution vient peut-être de là. Le football gagnerait sans doute à quitter sa tour d’ivoire pour regarder ce qui se fait ailleurs.

A propos Xavier Lizin 39 Articles
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1 Commentaire

  1. Bel article et putain çlce succès Rouche fait plaisir!

    Concernant la VAR, la question peut se poser, mais je suis contre un principe de challenge. Pourquoi? Parce que sur n’importe quel corner, en cherchant bien, on trouve une faute. Des lors au lieu de donner disons 2 challenged par équipe, autant commencer par tirer 2 penos chacun…
    Un arbitre vidéo indépendant(même si l indépendance des arbitres décroît a chaque milliard de plus en jeu…) serait un système plus jouable.

    L ancien rédacteur ‘foot belge’ 🙂

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