Secrets de (fond) de coach

La COVID-19 est toujours là et il va falloir organiser nos prochaines sessions de “Netflix and chill”. Quoi de mieux qu’une petite série documentaire qui tente de percer les secrets de cinq grands coachs pour émoustiller nos soirées? Stéphane Henchoz, Artur Jorge ou Riccardo Fuhrer ne devaient pas être dispo, on écoutera donc les conseils de trois américains, d’un portugais et même d’un français. C’est dans “Secret de coach”, c’est sur Netflix et c’est passablement bidon.

Dick Rivers?

Autant être honnête avec vous, sur les cinq coachs intervenant je n’en connaissais que deux. Le premier épisode du “doc” est consacré à l’américain Doc Rivers, qui sévit comme entraîneur NBA depuis 1999. Il raconte rapidement son parcours de vie depuis son enfance dans les quartiers difficiles de Chicago jusqu’à la gloire d’un titre NBA comme coach des Boston Celtics. C’est avec beaucoup de fierté qu’il annonce avoir quatre enfants avant de se corriger, en fait il en a un cinquième adopté, il l’avait oublié. S’il ne se rappelle même pas combien il a d’enfants, il doit sacrément bien savoir gérer un effectif de basket professionnel !

Pour motiver ses joueurs, il explique avoir eu la “brillante” idée d’allumer un puissant spot lumineux 24 heures sur 24 à l’endroit où le fanion du prochain titre sera suspendu et ce tant que le championnat ne sera pas gagné. Le mec roule en Tesla, mais niveau conscience écologique c’est moyen. Les conseils sont égrenés tout au long de l’épisode, la plupart consternants de banalité : Ne pas se comporter en victime, la pression est un privilège (surtout les vendredis après le boulot), les champions avancent toujours, etc. Il y a juste un conseil rigolo: “Ubuntu est un mode de vie”. Voir un fan de Linux aux commandes d’une équipe NBA, c’est une surprise, mais en réalité c’est une philosophie originaire d’Afrique du Sud qui encourage à ne pas trop se la jouer perso. Un concept à importer dans le football moderne très certainement. Il termine carrément avec une punchline toute droit sortie de Rocky IV: “Ce qui compte, c’est pas la force des coups que tu donnes, c’est le nombre de coups que tu encaisses“.

“Bullshitomètre” des règles : 4 sur 5

And the soccerscar goes to ….

Soccer Punch

Alors que je ne connaissais pas du tout Doc Rivers, j’avais vaguement entendu parler de Jill Ellis, star de ce deuxième épisode et coach de l’équipe féminine de soccer des États-Unis. Le soccer est un sport peu connu en Europe mais très populaire aux USA, surtout chez les filles, où deux équipes de onze joueuses s’affrontent en essayant de mettre un ballon au fond d’un but en se servant uniquement de sa tête ou de ses pieds, mais avec l’interdiction de toucher le ballon les mains. “Soccer” est un drôle de nom pour ce sport, personnellement j’aurais tenté de combiner les mots “pieds” et “balle” pour le nommer, mais bon je manque sûrement d’imagination. Jill, qui est née en Angleterre avant d’immigrer chez l’oncle Sam pour pouvoir faire son soccer sans moqueries, nous raconte comment elle a gagné trop facilement sa première Coupe du monde comme coach en 2015 et que le plus dur, ce n’est pas de gagner mais de rester au sommet. Du coup, effectivement l’équipe américaine se fait rétamer aux JO de Rio par la Suède (ça fait mal, on connait ça) et pour regonfler le moral de ses protégées, elle a carrément repris la devise des Navy Seals comme mode de vie: “Tiens bon, garde le cap”.

Petkovic va peut-être s’en inspirer et répéter à loisir dans le vestiaire la devise de l’armée Suisse “Sécurité et liberté, les gars n’oubliez pas. Bon Sommer, toi c’est surtout la sécurité plus que la liberté qu’il faut retenir, hein”. Du coup, la victoire est de nouveau au rendez-vous pour les Ricaines à la Coupe du Monde 2019, avec notamment un spectaculaire 13-0 contre la Thaïlande, un score digne du championnat masculin néerlandais.

Une règle intéressante rappelée par Jill en présentant sa compagne est d’être honnête avec soi-même. C’est tout bête mais dans le monde du football masculin, cette règle n’est pas encore assimilée à 100%. Ça tourne malheureusement en ridicule sur la fin quand une comparaison très très osée est tentée entre le mouvement des Black Lives Matter et l’égalité salariale hommes-femmes dans le foot. Dommage.

“Bullshitomètre” des règles : 3 sur 5

Nous, on a pas envie de regarder.

The Bizarre One

On arrive maintenant dans le dur avec le “Mou” pour ce troisième épisode. S’il s’était presque racheté une image dans le documentaire “All or Nothing : Tottenham Hotspur”, à en croire mes estimés collègues dans leur brillant article, là Mourinho attaque directement en mode insupportable en refusant de répondre à certaines questions pourtant innocentes de l’interview. C’est fait de manière légèrement artificielle, mais pour le public américain qui le découvrirait, les bases du bonhomme sont posées. Son premier conseil est de cerner son public, de privilégier les joueurs locaux pour que les supporters s’identifient au club. C’était peut-être vrai quand il était à Porto, mais il a bien vite oublié son propre conseil durant le reste de sa carrière. Il estime aussi que quand on est prêt pour le pire, alors on est prêt. Avec Mourinho c’est sûr qu’on est toujours prêt.

L’épisode passe beaucoup de temps sur sa victoire surprise en Champions League avec Porto en 2004 et notamment sur un 8ème de finale contre Manchester United. José essaie de nous convaincre qu’il avait ficelé une stratégie dite de “l’offensive de l’outsider”, qui consiste à tout donner dans les dernières minutes lorsqu’on est mené au score. Seulement voilà, dans ce match Porto a juste eu de la chance en marquant le 1-1 sur un coup-franc inexistant à la 90ème. Netflix incruste un petit tableau à l’image pour tenter d’expliquer aux néophytes du ballon rond le système des matchs aller/retour et comment il est possible de gagner en faisant match nul. Heureusement qu’ils n’ont pas dû expliquer le concept du but marqué à l’extérieur.

Le plus drôle arrive avec son conseil numéro 4 qui affirme que parfois, certaines règles doivent être enfreintes. Une jolie tournure pour dire que tricher c’est pas si mal. Mourinho passe ensuite dix minutes à raconter comment, alors qu’il était interdit de stade avec Chelsea, il s’était planqué dans le panier de linge sale pour éviter le contrôle des agents UEFA et pouvoir coacher depuis le vestiaire. Il décrit ça presque comme si c’était son plus grand accomplissement professionnel. Encore un conseil foireux ensuite: “Le train ne passe jamais deux fois”. Il se montre encore pour une fois minable lorsqu’il préfère ne pas fêter la nouvelle ligue des champions remportée avec l’Inter Milan en 2010 car il venait de signer avec le Real. Il se tire littéralement comme un voleur sans dire au revoir à son équipe sauf en pleurant dans les bras de Materazzi qui traînait par là. La règle juste aurait dû être “Prends l’oseille et tire-toi ». Sa règle est de toute manière fausse car le train repasse parfois deux fois, vu qu’il est retourné à Chelsea plus tard. Dernier fou rire quand Jojo proclame qu’on apprend pas à Ibrahimovic à faire un contrôle de la poitrine avec derrière en incrustation une photo de Zlatan qui fait main sur un contrôle poitrine.

“Bullshitomètre” des règles: 6 sur 5

Peut-être que si en fait…

Mouratogloups

Après le “Mou”, c’est au tour de Patrick Mouratoglou, coach en science tennistique, de faire son entrée en scène pour ce cinquième et avant-dernier épisode. Ah Patoche, un vrai French lover dont les Karen de toute l’Amérique vont immédiatement tomber amoureuses. Si vous ne le connaissez pas, imaginez un ersatz de Thierry Lhermitte dans les bronzés, c’est le coach sportif qui chope toutes les gonzesses. On a même droit à une petite leçon de piano, so sexy ! Enfant, Patrick était si sensible, si timide qu’il ne parlait presque pas, mais il observait tout. D’où sa première règle: notre plus grande faiblesse peut devenir notre plus grande force. C’est beau comme du Johnny. Le focus est évidemment fait sur son “couple” à succès avec Serena Williams. Dix titres en Grand Chelem gagnés ensemble sur les 23 de l’Américaine. Les dix derniers hein, pas les dix premiers, mais quelle importance? Williams vient le chercher alors qu’elle est au creux de la vague et elle le snobe carrément lors du premier entraînement en ne répondant même pas à son bonjour ! Le français est fou furieux et ose donner une tape sur la casquette de Serena pour marquer son territoire. “Serena dear, with me, you always say hello. Sinon, I say goodbye”.

Mouratoglou revient ensuite sur son expérience avec Márcos Baghdatís, sa seule vraie pépite découverte. Il était comme un fils pour lui et quand le Chypriote l’a jeté comme une vieille chaussette après avoir atteint la finale de l’Open d’Australie en 2006, Patrick n’a pas essayé de le retenir, submergé par ses émotions. Les émotions sont les pires conseillères, règle numéro 4 du manuel Mouratoglou. Zoom ensuite sur Irena Pavlovic, une française qui avait l’habitude de “tanker” ses matchs (petite apparition opportune de Benoît Paire dans un segment dédié aux grands balanceurs de matchs de notre ère). Grâce à l’écoute et l’humanité de Mouratoglou, Pavlovic n’a plus jamais foiré un match…mais elle n’a pas fait carrière non plus. Le dernier conseil consiste à mentir de temps en temps, si c’est bon pour l’athlète. Paradoxal pour quelqu’un qui disait vingt minutes plus tôt être toujours franc et honnête.

“Bullshitomètre” des règles: 3 sur 5

Muscle ton jeu Serena !

From Dusk Till Dawn Staley

La série se termine en eau de boudin avec la coach américaine de basket Dawn Staley. Malheureusement je n’ai pas grand chose à dire sur cette personne complètement inconnue au bataillon. On a droit à la tirade classique d’une femme qui s’est battue dans une monde d’hommes. Sa plus grande gloire en tant qu’entraîneuse (selon la définition sportive du terme, pas vieillie) est d’avoir remporté le championnat de WNBA, non pardon de YMCA, non de NCAA (il faut s’y retrouver) avec les Gamecocks (sic) de Caroline du Sud. Sinon ses conseils sont archi conventionnels, elle est fan de puzzle et elle fait la prière avant les matches, beurk.

“Bullshitomètre” des règles: 4 sur 5

En conclusion, il faut retenir que la seule et unique règle valable est celle de Carton-Rouge: Mieux vaut avoir des fans que des amis.

A propos Jean-Marc Delacrétaz 29 Articles
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