Pigeon de novembre 3 : Trent Weaver

Que ce soient les suiveurs de la Swiss Basketball League ou les habitants du Chablais, tous pensaient que les déboires du BBC Monthey n’étaient qu’un lointain souvenir après un été mouvementé. Mais c’était sans compter sur un athlète peu fiable, au profil de déménageur sous le panier, qui décida d’ailleurs de déménager ses affaires du territoire suisse aussi rapidement qu’un Montheysan buvant un verre de Suze.

Évitant de justesse une relégation administrative en présentant enfin un budget cohérent cet été, les dirigeants du BBC Monthey ont assuré à la fois la survie sportive d’une institution pour une nouvelle saison, mais également la survie morale d’une ville qui fait du Pimponicaille son seul événement de l’année. En même temps, la Grande Fête du lundi reste une plaisante valeur sûre face à un club qui, entre relégations frôlées et titres glanés, s’amuse aux montagnes russes depuis sa création. De cette relégation évitée résulte finalement une bonne nouvelle, celle de rester au plus haut niveau du basketball helvétique. Et haut niveau signifie un certain niveau de compétences.

Pour viser cela, le BBC Monthey peut compter sur un prometteur coach, Patrick Pembele, et quelques joueurs recrutés astucieusement cet été dans le but de rester un minimum compétitif. Parmi eux, un Américain au nom soyeux, Trent Weaver, qui assure ses arrières en Europe depuis la fin de ses quatre années universitaires passées inaperçues à l’Ohio Dominican University. Ou quand dans le monde de la balle orange, l’effet du fameux « USA » gravé sur le passeport donne autant de légitimité qu’une bagnole allemande face à un pot de yaourt français.

Ce passeport, il aura aussi permis au joueur de quitter avec précipitation la Suisse suite à une mise en quarantaine liée au COVID-19, et ce sans en informer son club et sans faire les démarches dans les règles. Autant dire que les trois pertes de balles subies pour son premier (et seul) match en octobre dernier n’annonçaient rien de bon. Elles auront finalement accouché d’une perte de bons sens.

Un CV qui claque, et un cerveau qui clamse

Avec 202 centimètres pour 102 kilos sur la balance, l’athlète de 26 ans présentait tout de même un profil de déménageur pour un championnat suisse qui ne dépasse pas fréquemment le double-mètre parmi ses acteurs. La masse corporelle du brave Weaver frôle peut-être le surpoids, mais derrière cet IMC de 25 se dévoilent des kilos de muscles qui font de cet homme le pivot providentiel des sangliers du Chablais. Il faut dire que n’importe quel fan de sport intéressé par les statistiques sportives y verrait un monstre du basket, somme toute le Shaquille O’Neal du Vieux-Continent. L’an dernier, le natif de Columbus tournait tout de même à une moyenne de 22 points par match, pour 12 rebonds et 1,5 passes décisives. Bon sang, c’est ÉNORME ! Et tout ça sous les couleurs du AB Contern au Luxembourg. Hein, Luxembourg ?

Et voilà les prémisses d’une mascarade qui se dévoile depuis l’obscur championnat du 77ème pays au classement FIBA (Fédération Internationale de Basketball). Ainsi, le feu d’artifice est devenu progressivement une fumerolle et le Shaquille O’Neal espéré s’est finalement transformé en un pauvre Kwame Brown, star du lycée et premier drafté en 2003 qui n’aura jamais su se faire une place en NBA. La faute surtout à ce fameux mental qui, à défaut d’être composé d’acier, est en mousse.

S’il avait pu inspirer Patrick Sébastien pour une nouvelle version de sa chanson iconique, il aura surtout inspiré Trent Weaver pour le développement de sa carrière hors-normes qui fit « escale » en Suisse.

Quand Trent Weaver réinvente les mots à sa manière

Le terme « escale » est intangible, il peut définir un temps plus ou moins long de pause, ce moment de répit qu’utilisent les marchands pour se ressourcer dans certains lieux. Trent, lui, aura surtout pris l’escale valaisanne comme un bon moment de détente à proximité des Alpes après quelques années dans le plat pays luxembourgeois. Or, son passage n’aura pas été fameux à tous les niveaux, lui qui proposa une prestation indigeste lors de son premier (et seul) match de championnat face aux Lions de Genève en plus de son fameux moment « d’inspiration » qui fera date dans le Chablais.

En pleine pandémie de coronavirus, l’Américain a donc eu la judicieuse idée de prendre un billet d’avion retour pour son pays sans avertir personne, comme le souligne coach Pembele dans les colonnes du Nouvelliste : « Il a paniqué après l’annonce de la mise en quarantaine de l’équipe. Nous avions rendez-vous pour en parler, mais j’ai appris de Chad Timberlake qu’il était rentré chez lui dimanche, sans prévenir le club ».

La psychologie de Weaver est bien complexe et une série Netflix pourrait sans autre voir le jour pour mieux comprendre l’origine de sa folle idée qu’il eut début novembre, mais nul besoin de débourser des millions de dollars en production : à la lecture d’autres témoignages, le joueur censé être professionnel se dévoile finalement comme un être complètement dépassé par les événements. Que ce soit en dehors du terrain, où il aurait berné un colocataire pour être transporté jusqu’à l’Aéroport de Genève, ou sous le panier avec un niveau physique digne d’un chausson aux pommes, Trent Weaver laissera dans les livres d’histoires du BBC Monthey la trace indélébile d’un homme un peu débile. C’est à demi-mot l’idée qui se dévoile derrière les propos de son agent Sevag Keucheyan au Matin : « Il est parti comme un voleur et aujourd’hui, Trent est face à ses responsabilités. Pour un joueur de son niveau, cela sera difficile de trouver un nouveau club prêt à payer pour les torts qu’il a causés en Valais ».

En attendant l’issue finale de l’épisode, le BBC Monthey s’est in extremis attaché les services de l’Américain Jonathan Galloway pour compenser la perte de l’intérieur parti sans prévenir. Et autant dire qu’en un match gagné et réussi à tous niveaux, le nouvel homme fort du club valaisan a d’entrée montré ses facultés à se différencier du fabuleux destin de son compatriote Weaver qui lui, mérite amplement sa nomination au titre de Pigeon d’or du mois.

A propos Vic Perrin 21 Articles
Un peu casse-cou, mais pas trop casse-couilles

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