Les Gunners tirent sur l’ambulance

Vous avez raté le Salon du survivalisme de Péry et l’excavation d’un Nikos Aliagas encore dégoulinant de formol en mondovision ? La mort annoncée de Cartoon Network vous a complètement échappé ? Pas d’inquiétude, les événements majeurs vont continuer de s’enchaîner à un rythme aussi effréné que le débit de parole d’un ressortissant finlandais sobre cet automne. A commencer par la Women’s Champions League et un choc OL-Arsenal qui nous faisait presque autant saliver d’avance que le fameux tablier de sapeur et son gras-double, spécialité du coin. « Le tout, c’est de ne pas abuser des sauces », nous a confié Abraracourcix. 

Le contexte

Bienvenue à Lyon, ville moins connue pour sa gastronomie que pour son légendaire club de hockey sur glace de troisième division aux trois relégations, deux faillites et zéro titre, dont le logo est frappé d’un félin à crinière ornant un maillot rouge et qui se contente de trois lettres pour faire rêver tout un peuple: LHC. Mais trêve de bavardages sur le thème des sports majeurs de ce monde.

Si la rédac’ de Carton-Rouge a demandé une avance sur son budget 2023 pour expédier un envoyé spécial en Auvergne-Rhône-Alpes via la soute à bagages d’un transport ferroviaire transfrontalier (pénurie de carburant oblige), c’est bien pour s’intéresser, une fois n’est pas coutume, à un sport mineur en devenir: le football. Quoi de mieux qu’une soirée européenne au Groupama Stadium, antre de l’octuple champion continental, pour se familiariser avec un jeu qui devrait bientôt passionner les masses ?

Si d’aventure (soyons fous) vous voulez être aussi avancé que nous sur la WCL et ses règles aussi opaques que le financement d’une campagne politique de droite, c’est par ici. Si vous avez survécu à ces explications qui auraient laissé Champollion lui-même pantois, n’hésitez pas à vous informer sur les formations qui ont l’insigne privilège de participer à ces joutes. C’était la minute auto-promo, aussi vile et sans scrupules que l’auteur de ces lignes.

Le trajet

Les Britanniques ne font jamais grève ? Envoyez Carton-Rouge en Perfide Albion et vous verrez que ça peut s’organiser moyennant une bonne dose de déveine (ah et aussi Brexit, le covid, l’inflation, Boris Johnson, Liz Truss, tout ça, tout ça). Donc si vous vous imaginiez qu’on pourrait s’aventurer sur le territoire hexagonal sans que les cheminots ne nous souhaitent la bienvenue à leur façon, vous vous fourriez l’auriculaire dans le globe oculaire jusqu’aux protège-tibias. Pas d’annulation de train, mais une misérable rame (pile à l’heure, on en conviendra) comparable au sort réservé aux téméraires usagers du M1 lausannois un dimanche dessert les gares françaises de Genève, Bellegarde, Culoz, Virieu-le-Grand-Belley, Ambérieu et Lyon-Part-Dieu. Les sardines ne font pourtant pas habituellement la fierté des tables locales.

Le match en deux chiffres

Attention à la dureté de certaines images.

Les femmes du match

Le quatuor offensif londonien.

Beth Mead, comme souvent meilleure joueuse de son équipe, n’était pas en mode incognito comme à Paris 48 heures plus tôt (voir l’anecdote 2). Buteuse sur le 1-3 (46ème sur coup franc) et le 1-5 (69ème) et passeuse sur l’ouverture du score d’une Caitlin Foord partie sur les chapeaux de roues (13ème), la native du North Yorkshire « a pu prouver qu’elle n’était pas qu’un tube de l’été », selon L’Equipe. On plussoie. Frida Maanum participait également au chef d’oeuvre de la formation d’Islington en reprenant habilement une frappe d’une Stina Blackstenius (23ème, 0-2) qui aura pesé de tout son poids (Wikipédia a la délicatesse de ne pas le mentionner, mais son emprise physique était certaine) sur la défense décimée de l’OL.

Le duel Mead-Bacha qu’on était venu voir, sous les yeux de Malard (à gauche), Blackstenius et Renard (à droite).

Mention spéciale pour l’une des deux Suissesses de l’étape: Lia Wälti. En plus de provoquer une quasi-émeute chez ses fans (dont on soupçonne, à l’oreille, certains d’être venus tout droit d’Helvétie) après le coup de sifflet final, la capitaine de la Nati a servi – avec la porteuse du brassard des Gunners ad interim Kim Little – de plaque tournante au système mis en place par le manager Jonas Eidevall, ce qui n’était pas sans rappeler un Granit Xhaka des grands jours.

La buse du match

La locataire de la chambre voisine dans un hôtel que nous ne nommerons pas mais dont les murs auraient fait passer du parchemin pour la densité même. La personne adjacente à notre gîte susnommée a probablement battu le record de la quinte de toux la plus étalée dans le temps dans la nuit de mercredi à jeudi.

« Surpriiiise ! » comme dirait Samuel Schmid.

Non, c’était pas pendant le match, mais on avait besoin de vider notre sac. Et les immenses poches qu’on a sous les yeux.

Non, le moustique qui s’est invité sans payer la taxe de séjour n’a pas facilité les choses. Le début matinal des travaux sur la façade de l’hôtel non plus.

Le tournant du match

La passe terrifiante de la capitaine lyonnaise Wendie Renard sur le 1-4 de Foord (67ème), qui arrivait pied au plancher et ne se faisait pas prier pour ajuster le petit filet de Christiane Endler après avoir planté sur les freins. Match plié, bonne soirée.

Quand ton coach estime que tu n’as pas assez mouillé le maillot en première mi-temps, voilà comment commence la deuxième période.

Les esthètes du match

La kapo des OL Ang’Elles qui s’est époumonée presque toute seule pendant plus de 90 minutes. Franchement, on n’entendait qu’elle dans son porte-voix alors que son homologue du Kop Fenottes 69 avait posé les plaques depuis belle lurette. On avoue avoir pouffé en lisant que « même les chants de supporters, qui ont vaillamment encouragé leurs joueuses jusqu’au coup de sifflet final, n’ont pu masquer l’impression d’une équipe en totale perdition » dans L’Equipe, adepte de l’hyperbole devant l’Eternel.

Les risques de guerre sororicide entre ultras semblent limités à Lyon.

On mentionnera également Melvine Malard du côté des vaincues. Celle dont le patronyme signifie « canard mâle » et dont les passements de jambes et autres roulettes ont provoqué force « ohhhhh » et « ahhhhh » chez les deux ressortissants teutons assis derrière nous était probablement la joueuse la plus à l’aise techniquement sur le terrain. C’est donc en toute logique que la Réunionnaise de 22 ans sauvait l’honneur des siennes en inscrivant le 1-2 à la 27ème minute sur un corner d’abord repoussé par la transversale de Manuela Zinsberger.

Le geste pourri du match

Celui des Transports en commun lyonnais (TCL), qui proposent habituellement pour les matches masculins des navettes spéciales directes entre le centre ville et le Groupama Stadium, situé à Décines-Charpieu, à une dizaine de kilomètres à l’est. En temps normal Pour une rencontre féminine, il s’agit de prendre un métro (9 arrêts) puis un tram qui passe… toutes les demi-heures (3 arrêts). 60 bonnes minutes de voyage si on a un minimum de malchance avec les correspondances.

En d’autres termes, le trajet pour se rendre au stade est à l’image de l’arrêt Foch de la ligne de métro A: un véritable doigt d’honneur aux supporters. Bon OK, ça se prononce « foche », mais quand même.

On pourrait aussi marcher 2h36 remarquez. Bref, on ne sait pas de quoi on se plaint.

Le foot féminin n’est pas un « jour d’évènement », voyons.

Le chiffre à la con

10. Non, ce n’est pas le nombre de neurones d’un ultra servettien belliqueux (le chiffre serait vraiment astronomique dans ce cas), mais bien celui des pensionnaires de l’infirmerie lyonnaise le week-end précédant la rencontre (ensuite descendu à 9, Perle Moroni a fini par jouer).

Figurez-vous que ces dames ont 4 à 6 fois plus de chances qu’un homme de se blesser aux ligaments croisés antérieurs, communément abrégés en ACL en anglais, selon un article du Guardian. C’est le cas pour Catarina Macario, Ellie Carpenter, Dzsenifer Marozsán et Amel Majri du côté de l’OL, alors que la star du Barça Alexia Putellas avait manqué l’Euro à cause de la même déchirure. Ce qui ne l’a pas empêchée d’empocher le titre de joueuse UEFA de l’année en août et d’enchaîner sur un deuxième Ballon d’Or consécutif lundi soir. Cette distinction serait-elle basée sur les performances individuelles et non sur les titres collectifs chez les dames ? Dingue ! 

Pas grave, hein. Il ne manquait que 5 titulaires de la dernière finale de Champions League, quatre demi-finalistes de l’Euro et une Ballon d’Or (certaines joueuses cochant plusieurs de ces trois cases). Pour tout vous dire, comme on avait engagé Vanessa Gilles (blessée aux adducteurs) pour remplacer Griedge Mbock (passée sur le billard après s’être déboité le genou), on est à deux doigts de se mettre en Pánik mode sur le marché des transferts en ce qui concerne la très peu catholique Sonia Bompastor et le directoire rhodanien. Si vous ne suivez pas le Lausanne Hockey Club, ne faites pas attention, vous n’avez pas manqué un calembour de très haut vol et son originalité n’a d’égal que le QI d’un bolsonariste.

Le contingent de l’UEFA était un peu plus étoffé que celui de votre site favori.

La bonne nouvelle pour l’équipe locale ? Arsenal s’était déplacé en Hexagone sans défense centrale. En effet, la capitaine des Gunners et de l’équipe d’Angleterre Leah Williamson et la nouvelle venue brésilienne Rafaelle Souza sont indisponibles pour plusieurs semaines. Il ne restait donc plus qu’à tenter des effets d’(outre-)Manche pour Jonas Eidevall et les siennes pour survivre aux offensives de Selma Bacha et Cie. Mission accomplie.

L’anecdote 1

Figurez-vous qu’il est rigoureusement impossible de supporter les Fenottes en tant qu’homme ou les Gones en tant que femme. On s’explique: le flocage au nom d’une joueuse est strictement réservé au maillot féminin (disponible uniquement en taille femme) alors que Lacazette ou… euh… bref, on ne connaît pas d’autre joueur de l’OL masculin, mais on ne peut pas non plus inscrire de nom féminin sur un maillot masculin (disponible – presque – uniquement en taille homme).

Bon. On est quand même allé demander pourquoi le supporter lambda ne pouvait pas transcender les catégories de genre. La réponse est en fait très simple: Fly Emirates sponsorise le maillot masculin alors que MasterCard s’étale sur le devant du chandail féminin. Pour des questions de droits, il n’est donc pas possible de mélanger les torchons et les serviettes (le docte préposé au flocage de l’OL Store n’a pas utilisé ces termes exacts, on paraphrase). Pour les mêmes raisons et malgré une demande croissante depuis lundi soir, impossible de se faire imprimer un « Benzema » du plus bel effet sur son maillot de l’OL 2022/2023. Uniquement des joueurs actuels. Mais rassurez-vous, il reste des bonnes nouvelles en ce bas monde: si vous souhaitez un flocage personnalisé « Jean-Claude 69 », rien ne s’y oppose (à part peut-être le bon sens) !

Si vous êtes fan des Gunners ou de toute autre équipe de Barclays Women’s Super League, c’est bien plus facile: même maillot, même sponsor, flocage de votre choix. Et vu la beauté du maillot noir et or extérieur qu’on a pu admirer mercredi soir, il n’est pas étonnant que le club du nord londonien ait un autre genre de problème: une rupture de stock générale dans toutes les tailles pour cet article.

L’anecdote 2

On vous le disait plus haut: lundi soir, France Football remettait son traditionnel Ballon d’Or. Certains photographes stagiaires n’avaient apparemment pas révisé la liste des nominés…

Beth Mead n’a fini que deuxième après tout. Et la RTS était persuadée que l’Australienne Sam Kerr avait gagné l’Euro avec l’Angleterre donc on n’était plus à ça près.

Bon, et Martin Solveig avait fait 700 fois plus fort avec la pauvre Ada Hegerberg en 2018:

Et sinon dans les tribunes ?

Contrairement à la BCF Arena et ses « Elles du Dragon » samedi dernier, pas de tentative d’opération « Queue du Lyon » pour faire venir des hommes au stade à grand renfort de gênance. Oui, « gênance » sera officiellement un mot en 2023, du coup on se prépare.

On ne vous promet pas que le babtou fragile qui signe cet article utilisera tous les autres…

Blague à part, on aurait peut-être dû organiser un petit quelque chose de spécial quand même parce que 8012 spectateurs dans un stade de 59’186 places, ça sonne drôlement creux.

La minute Pierre-Alain Dupuis

Le speaker du stade au moment d’accueillir les visiteurs: « Et welcome… euh aux supporters d’Arsenal également… be our guests ! »

Bon, c’est un peu vache, PAD a été prof d’anglais dans une autre vie et maîtrise cette branche bien mieux que le sport (enfin on espère).

La rétrospective du prochain match

Lyon se rendra au Juventus Stadium alors qu’Arsenal recevra le FC Zurich jeudi prochain. Avant cela, les Gunners se déplaceront à Anfield Prenton Park pour y affronter Liverpool samedi et tenter d’ajouter une dixième clean sheet consécutive à ce qui est déjà un record national, alors que les Fenottes seront au repos une semaine en championnat, histoire d’être fraîches comme des roses avant d’affronter le châtier Fleury.

On soulignera de manière tout à fait inutile qu’une deuxième victoire en 6 matches pourrait aider les joueuses du FC Fleury 91 à éviter qu’on leur Essonne les cloches dans le vestiaire. Les Floriacumoises (parfaitement, c’est comme ça qu’elles s’appellent) sont d’ailleurs plus connues pour leur maison d’arrêt que leur club de football. Ladite prison a soit dit en passant une plus grande capacité d’accueil (2855) que le stade du coin (2000). En voilà une conclusion réjouissante. 

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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