Veni, Vini, vici

En ce week-end de derby lausannois, quoi de mieux qu’une bonne bouffée d’oxygène avec un petit séjour à Madrid ? Adieu vieille Pontaise délabrée, bonjour Santiago Bernabéu fraîchement rénové avec ton toit rétractable. Au revoir pauvre LS sans saveur, place à l’onctueux Real Madrid. À plus SLO, petit club sans intérêt, bienvenido Girona, sympathique équipe surprise de Liga où les supporters pourraient chanter : « Giron’ où tu iras, mon pays sera toi ! ».

El contexto

Vous l’aurez compris : en parallèle du LS, j’ai rapidement dû choisir un autre club à soutenir afin de contrebalancer la douleur engendrée par ce club de losers, ceci afin de ne pas sombrer dans la dépression footballistique. C’est donc tout naturellement que je me suis tourné vers le Real Madrid et que j’ai commencé à vibrer pour les Merengues (et non pas les meringues, comme dirait ce vieux porc de Pierre Ménès dans Fifa 2020) à l’âge de 9 ou 10 ans, les yeux ébahis devant ma TV face aux prouesses de Raúl, Morientes, Casillas, Hierro, Salgado, Guti et autre Helguera.

Mais oui, vous savez, cette lointaine époque où le LS avait encore un duo d’attaquants qui savaient marquer des buts (et pas seulement sur penalty) avec Mazzoni et Kuzba. De même qu’une équipe qui faisait peur à ses adversaires et qui jouait l’Europe. Un projet, quoi. Oui, ça paraît inimaginable de nos jours.

Un classico qui ressemble comme deux gouttes d’eau à SLO – LS : le score, mais aussi… euh, rien.

Voilà donc près de 25 ans que je suis le Real Madrid avec une assiduité effrayante, au point de garder tous les articles qui me passaient sous la main lorsque j’étais gamin. Alors oui, il vaut mieux se mettre un peu d’eau sur la nuque lorsque l’on passe d’un match du Real Madrid à celui du LS, afin d’éviter le choc thermique. Mais rassurez-vous, ce n’est pas toujours tout rose. Le club de la capitale espagnole a quand même vu passer dans ses rangs Julien Faubert.

El adversario

Girona, ou Gérone en français, est l’équipe surprise de cette édition 2023-2024 de la dénommée LaLiga EA Sports « tzé-ne-game ». Le petit club catalan bouscule la hiérarchie et se classe 2ème avant cette rencontre, deux points derrière le Real Madrid, mais 6 points devant Barcelone et 8 devant l’Atlético Madrid. Deux formations qu’ils ont d’ailleurs battues en championnat : 4-2 à l’extérieur face au Barca et 4-3 à domicile face aux Colchoneros avec le but de la victoire inscrit à la 91ème minute. Avant cette rencontre, Girona n’a perdu qu’une seule fois. C’était justement face au Real Madrid, sur le score de 3-0.

Le club entraîné par Miguel Ángel Sánchez Muñoz, (et) dit Michel, dispute seulement la 4ème saison en Liga de son histoire, division atteinte pour la 1ère fois en 2017. C’est en cette même année que Girona est rachetée par le City Football Group, dont le propriétaire n’est autre que Pere Guardiola, le frère de Pep. Oui, son frère c’est son Pere. Comme en Valais.

Vous l’avez peut-être compris, Girona appartient à la même galaxie que Manchester City, qui comprend aussi :

  • New York City FC
  • Melbourne City FC
  • Yokohama F. Marinos
  • Montevideo City Torque
  • Sichuan Jiuniu FC
  • Mumbai City FC
  • Lommel SK
  • ES Troyes AC
  • Palerme FC
  • EC Bahia

Oui, INEOS, vous êtes vraiment des petits joueurs !

Guernica por un billete

Afin d’assister au choc au sommet de cette 24ème journée, encore faut-il être en mesure de se procurer un précieux sésame. Loin de la paisible vie de la Tuilière où le spectateur lambda peut se pointer 5 minutes avant, acheter son billet en ligne, savourer un délicieux hot-dog froid et arriver à temps pour le coup d’envoi (sans doute donné par Dudic, ici c’est Lausanne). Pour assister à un match du Real Madrid, il vaut mieux s’organiser en avance et mettre des petits sous dans sa tirelire dès l’état fœtal. Car ici les Socios raflent 95% des places et une fois l’ouverture de la billetterie au grand public, il n’y a donc plus le moindre ticket disponible. La tentative de payer 35 euros pour disposer d’un compte Madridista Premium et ainsi accéder 2 jours avant aux billets s’avère rapidement infructueuse. Ça m’a néanmoins permis de recevoir une belle carte à la maison avec un autographe de Modric :

La légende dit qu’il aurait signé en plein match contre Getafe, entre un petit pont et un extérieur du pied.

Bref, il faut trouver un autre moyen d’entrer dans le stade. Le saut en parachute au-dessus du Bernabéu ayant été annulé suite à la fermeture du nouveau toit, il est nécessaire d’explorer d’autres pistes, comme la revente ou les billets VIP. Malheureusement, ces derniers sont également en rupture de stock sur le site officiel. Je tente quand même un mail au club pour savoir s’il n’y a pas du rab. En parallèle, j’envoie quelques messages sur les réseaux sociaux à Printham, Jorge, Pablo ou encore Jessica, jolie blonde plantureuse qui ne dispose que d’une seule photo sur son profil Facebook (je vois vraiment pas ce qui est louche). Toutes et tous disposent de trois billets pour le match en question, suite à un changement de programme. C’est vraiment pas de chance pour eux.

Après quelques échanges écrits, pas besoin d’être Hercule Poirot pour remarquer que ça sent autant l’arnaque qu’un transfert de Souleymane Cissé. La chance d’obtenir des billets par ce biais-là est aussi élevée que celle de croiser Jim Ratcliffe dans les travées de la Tuilière ou de voir Giger réussir un bon centre.

Alors que je commence à me dire que cette affaire sent mauvais et qu’il va falloir passer par l’achat utopique d’un billet devant le stade le jour de match, je reçois un mail d’un officiel du Real Madrid, qui m’indique que d’autres places VIP vont bientôt être mises en vente. Néanmoins, le prix est de 750 euros. Je lui réponds que je n’ai pas envie de vendre mon rein pour assister à cette rencontre, car il m’est quand même utile. Ce brave Monsieur me propose alors d’autres tickets à 390 euros (avec repas et boissons à gogo). Oui, ça reste plus cher qu’un abonnement saisonnier au LS, mais je vous assure que ça a le grand avantage de vous procurer davantage de plaisir en seulement 90 minutes. Le marché est donc conclu.

El partido

Après un passage au lounge VIP où on se fait péter la panse avec mes compagnons de voyage, il est temps de rejoindre le stade pour assister à l’échauffement.

Les joueurs de Girona étaient-ils aussi passés par le buffet ? On les a senti un peu lourdauds. 

L’entrée des 22 acteurs se fait sur l’hymne du Real Madrid, intitulé : « Hala Madrid… y nada más ! ». Pendant ce temps, le LS prend l’ouverture du score face au Stade Lausanne Ouchy. Ce qui nous donne l’idée de ce slogan, inspiré de celui des Madrilènes : « Ah là là, LS… t’es à la masse ! ».

Le coup d’envoi est donné et les Merengues ont du mal à entrer dans le match, comme souvent. Girona en profite pour faire tranquillement tourner le ballon pendant 5 minutes et tente de s’approcher de la cage défendue par Lunin, qui a réussi à mettre sur le banc Kepa Arrizabalaga au prix de belles performances. Au loin, on jette un regard à Kepa : ça rit pas là-bas.

Mais le Real Madrid n’est pas le LS (pfiou, heureusement). Il n’a pas besoin de 21 actions pour marquer. D’ailleurs, il n’a même pas besoin d’occasion. Le but de Vinicius après 6 minutes de jeu en est le parfait exemple. Le Brésilien reçoit la balle à 40 mètres du but, complètement excentré, avant de repiquer dans l’axe et d’armer une merveille de frappe téléguidée qui vient caresser le poteau intérieur du pauvre gardien Gazzaniga. Il n’a pas dû y comprendre grand chose le bougre.

Puis rebelotte trente minutes plus tard. Vinicius invente une passe de l’extérieur du pied qui n’existe pas. Il faut dire que ça aide de s’entraîner tous les jours avec le magicien Modric.

« Tapas est magnifique, mon petit Vini ! » a sûrement dû s’exclamer Omar da Fonseca.

Lancé à pleine vitesse, Bellingham se retrouve en position idéale et comme Sène pas Kaly, il efface le gardien adverse avec une élégance bien anglaise avant de terminer le travail dans le but vide. Le chant des Beatles « Hey Jude » retentit une première fois dans le stade pour célébrer le but du petit prodige de 20 ans. À noter que sur ce 2-0, la défense centrale de Girona se fait salement enrhumer. Le sergent Garcia est proche de Zorro. Euh, zéro pardon. Tandis que Juanpe manque clairement de gaz.

Le 3-0 tombe comme un fruit mûr. Ou comme un bout de jambon ibérique sur une tranche de pain. Dans tous les bons coups, Vinicius martyrise encore une fois ce pauvre Couto avant d’adresser un tir que le gardien ne pourra que repousser dans les pieds de Bellingham, qui marque en véritable renard des surfaces. Cette action est l’occasion parfaite pour souligner la performance du latéral droit de Girona, qui a été à la hauteur de sa coupe de cheveux, à savoir dégueulasse. Couto n’a pas vu la vie en rose (contrairement à sa teinture, donc) et a manqué de tranchant des deux côtés. Il finira même le match en pleurs, réconforté par… son bourreau Vinicius.

Rodrygo classera l’affaire à l’heure de jeu en traversant toute la moitié de terrain adverse, après une récupération dans les pieds de Couto, avant d’ajuster tranquillement le dernier rempart. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le gardien Gazzaniga aura passé une soirée compliquée, avec pas moins de 16 frappes comptabilisées dans sa direction. Oui, Gazza’ et sa bande ont essuyé de nombreux tirs.

Tout l’inverse du Real Madrid, de Lunin et de sa défense inédite. Les statistiques parlent plus que les mots :

0 tir cadré, même le LS n’oserait pas

La troupe de Carlo Ancelotti était pourtant privée de ses 4 défenseurs centraux de métier (Alaba, Militao, Rüdiger et Nacho), ce qui a contraint le coach italien à décaler Carvajal dans l’axe et à faire reculer l’excellent Tchouaméni. Depuis le début de la saison, le Real doit d’ailleurs faire face à un nombre hallucinant de blessures, dont de nombreux titulaires. Pourtant, il réalise une saison exceptionnelle. Comme quoi, ça aide la profondeur de banc. Certains clubs ne semblent pourtant pas encore avoir enregistré cette information (suivez mon regard).

Ainsi, les Merengues sont invaincus en championnat depuis 18 journées ! La dernière défaite remonte au 24 septembre 2023. Quand t’as pas de remplaçants, c’est un peu différent. Tu fais aussi des longues séries, mais de matches sans victoire : 8 rencontres et un dernier succès qui date du 26 novembre 2023 pour le LS. Deux salles, deux ambiances.

Pour en terminer avec ce choc au sommet, il faut encore souligner que Girona n’était tout simplement paëlla. Leur coach Michel a d’ailleurs déclaré après le coup de sifflet final : « Le Real nous a remis à notre place. Je n’ai jamais senti que nous pouvions gagner ce soir ! ». Tiens, ça fait du bien un coach lucide. Hein Magnin ?

Le résumé du match. N’oubliez pas de mouiller la nuque au préalable si vous supportez le LS :

Pendant ce temps, le LS terminait son derby lausannois sur un triste match nul face au faible SLO. Avec une fois de plus des ratés devant le but que même Ancelotti aurait mis au fond du haut de ses 64 ans. Un point qui satisfaisait apparemment Magnin et ses joueurs. Alors que du côté du Bernabéu, le Real continuait de pousser pour marquer d’autres goals, comme si le score était de 0-0. Une autre mentalité, un autre sport.

El viaje a Madrid :

Le reste du séjour a permis de profiter pleinement de la douce vie madrilène. Avec un pied-à-terre qui aurait bien plu à Messi, un peu moins à Wembanyama.

Un toit à l’image du classement du LS : bien bas.

Entre tapas, cerveza, vermouth, chupito, on s’est pris au jeu de quelques sessions de karoaké, avec des paroles aussi approximatives que les relances de Husic. Que ce soit sur des chansons espagnoles avec des locaux, en français sur du « Alexandrie, Alexandra » ou sur du « Aïcha » avec des Marocains, j’ai eu la confirmation que je ne ferais pas une carrière dans la musique. Tout le monde n’est pas aussi lucide…

Là aussi, n’hésitez pas à mettre quelques gouttes d’eau sur la nuque avant l’écoute.

Au niveau culturel, un saut s’imposait au musée du Prado. Après près de 3 heures de visite à passer en revue des œuvres de Goya, Bosch ou Vélasquez, dont une grande partie de tableaux de scènes de guerre, de maladie ou de portraits royaux qui se ressemblent tous, j’en suis ressorti avec une belle indigestion et un joli mal de crâne. C’est le moment du séjour où je me suis senti au plus proche de mon LS.

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