Grand soir discret

Swiss forward Breel Embolo (2ndR) scores his team's first goal despite Portugal's goalkeeper Rui Patricio during the FIFA World Cup WC 2018 football qualifier between Switzerland and Portugal at the St. Jakob-Park stadium in Basel on September 6, 2016. / AFP PHOTO / FABRICE COFFRINI

Reprendre le fil d’articles sur le foot deux mois après l’Euro n’est pas vraiment le cadeau qu’on attend pour ses sweet sixteen (genre « je voulais une Porsche je n’ai eu qu’une Mercedes à cause de mon connard de beau-père »).

Parce que… est-ce que vous avez vu ce qu’il s’est passé ce soir? Vous l’avez vu? La Suisse a gagné 2-0 contre le Portugal champion d’Europe.

Assis sur mes toilettes pour uriner (oui je fais pipi assis. Dans les magazines féminins on vous dira que je suis un mec super parce que je n’arrose pas le sol mais, en fait, les femmes trouvent ça un peu dévirilisant. En même temps c’est beaucoup plus pratique pour consulter son fil Facebook et ça fait perdre la course de mon cancer de la prostate par rapport à celui de mon foie ou des poumons, les fois où j’ai le mauvais goût de les considérer comme un concours), je suis en train de lire la brochure de mon colocataire paysagiste « Cet arbre est-il habité? Sous-titre : Trous de pics, galeries d’insectes et fruits grignotés, partez à la rencontre des locataires des arbres. » Et je me dis « non mais c’est fou quand même » (je ne me dis jamais des trucs incroyable sur le trône). Pas parce que je suis en train d’enregistrer des informations que j’ignorais comme le fait que les trous des pics verts sont squattés après usage par d’autres oiseaux, mais parce que je suis un peu effaré que cette soirée de foot ne semble pas enthousiasmer les foules qui se pressaient avec leur maillot de la Suisse il y a encore quelques semaines. Alors qu’il y a quelques aspects à mettre au clair après ce match. Et si jamais le mâle du lucane cerf-volant, une sorte de coléoptère, vole bruyamment les soirs d’été les mandibules relevées (j’imagine pour choper des meufs).

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C’est plus pareil après l’euro

Contrairement à certains fachos du foot (oui oui il y en a même qui ont sévi sur ce site) je ne suis pas un aficionado de traiter les gens de footix s’ils n’ont pas assisté au match contre l’Azerbaïdjan en octobre 97. Mais tout de même je me retrouve déçu. Seul avec un pote dans un Sport’s bar de Lausanne qui compte presque plus d’écrans que de clients qui en ont quelque chose à foutre, je comprends que l’enthousiasme démesuré d’un euro ou d’un mondial peuvent tendre à une cure de désintox suite à overdose mais que faut-il de plus? Un match un mardi (non mais sérieux… en plus le mardi il n’y a rien à foutre à part sa lessive) contre le champion d’Europe en titre, avec un enjeu important pour aller en Russie, ça fait un peu de la peine.

La soirée parfaite

Sans vouloir m’étaler sur ma petite vie (le genre de formule qu’on utilise pour le faire) j’ai eu la chance d’avoir une agréable journée. Un début de soirée sur la plage à Lausanne ça fait se dire que c’est chouette de vivre là. Et c’est encore mieux quand on n’est pas les plus gros nazes du monde au foot. Ce soir c’était la plus belle victoire de la Suisse depuis… mais depuis jamais en fait… se taper un champion d’Europe 2-0 avec une première mi-temps où dans le jeu tout est presque parfait. J’ai envie d’embrasser Petkovic, le premier coach à instaurer un système de jeu, il le confirme depuis l’Euro. A certaines époques, on se gaussait de 0-0 à la Grecque contre la France, de victoire toute pourrie et chanceuse en amical contre les Pays-Bas (avant « notre » glorieux Euro de 2008 il fallait absolument qu’on « batte un gros »), de 1-0 à la Féringienne contre l’Espagne, de petits exploits peu ambitieux contre des Norvège, des Honduras, des Slovénie… Là, dans un stade où, surprise, il n’y avait pas que des Portugais, on dirait que l’enthousiasme n’est pas à la hauteur de la performance. Certes on ne demande pas des klaxons ni même le gros titre rouge sur le Télétext. Mais au moins quelques discussions le lendemain dans les bistros à l’heure du café…

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Les goodies

Ça ne vous a pas fait un petit pincement au cœur les petits drapeaux dans le stade à la place des éventails à la con ou des applaudisseurs gonflables pour attardés qu’on se tape ces dernières années? Ça le faisait tellement pendant la qualification de 2006. Enfin ils les ont ressortis. Ça donne un effet visuel chouette dans le stade, du dynamisme et ça rappelle de bons souvenirs aussi.

Chanter les hymnes

Bon je profite de l’occasion pour parler d’un sujet qui m’exaspère. J’entends par-ci par-là des gens s’agacer que certains de nos joueurs (sous-entendu « nos Kosovars et nos Noirs sauf-Gelson-parce-que-lui-c’est-un-bon-gars ») ne chantent pas l’hymne. J’aurais des choses à dire. La première, c’est que à part ceux qui, comme moi, ont eu le privilège de devenir un homme à l’école de recrue (et aussi d’apprendre à faire caca dans les chaussures des plus faibles et fumer des pétards dans le canon d’un fusil), qui en connaît assez les paroles pour dire qu’il le chanterait par cœur? Ce chant n’est que récemment devenu un symbole de liant culturel, on n’en avait rien à foutre avant. D’ailleurs (et pour le coup envoyez-moi vos vieilles VHS si vous voulez me prouver le contraire), quand j’étais gosse dans les années 90, les joueurs de l’équipe suisse ne CHANTAIENT PAS l’hymne. L’hymne national, c’était juste une petite musique pour entrer dans le match, un truc folklorique sympa qui ne devait pas être le garant d’un quelconque vecteur de valeurs d’investissement pour son équipe et son pays, un truc qui, de toute façon, se chantait dans trois langues donc ça aurait été trop dissonant…

Et pis bon franchement le Cantique suisse… non mais qui a envie de chanter cette merde momière et pataude sérieusement? Qu’est-ce qu’on en a à foutre que des joueurs de foot chantent ce truc? Genre limite ça veut dire que les mecs ont des bons goûts musicaux…. Mon Dieu mais quelle chance, quel privilège, quel bonheur de ne pas s’ébaubir devant des symboles nationalistes aussi crétins et vains que des Marseillaises ou des Deutschlandlied!

Le Portugal

Pour le Portugal, ce n’est pas tant l’absence de Ronaldo sur le terrain qui a pesé, mais sans doute son absence dans le cadre. Son charisme et son leadership, ceux qui ont sans doute aidé à conquérir le titre, n’étaient pas là. Le Portugal faisait penser ce soir à quand la Suisse joue contre la Slovaquie, un brouillon agaçant où on sait qu’il serait possible de mieux faire. En deuxième mi-temps, la Suisse s’est fait bouffer, étouffer… heureusement! Sinon cela aurait vraiment voulu dire qu’on ne jouait pas contre des champions d’Europe menés 2-0!

Il y a toujours de la qualité dans cette équipe et ils restent les favoris à la qualification, mais ce soir ils n’y étaient pas vraiment. Et la Nati a su saisir l’occasion.

Les joueurs qu’il faut aimer même si on ne les a pas toujours aimé

Ils sont trois. D’abord Schär. On en a dit beaucoup de mal par le passé (je l’ai eu comparé à un « Philipp Degen du pauvre » c’est dire si je suis capable de hurler avec les loups et que je me serais sans doute engagé dans la Résistance dès 1947) mais quel joueur il devient! Puissant, présent dans les duels, technique, il est en passe de devenir un sacré défenseur en Europe.

Ensuite, Mehmedi. Certes, il n’a pas toutes les facultés mentales pour résoudre un Mickey Enigme mais combien de gestes importants lui doit-on ces dernières années? Combien de buts majeurs? Il se fait systématiquement critiquer dans la presse pour sa discrétion dans certains matchs, mais son humilité, son engagement et sa faculté à revêtir le costume de Deus ex machina en font un joueur qu’on devrait remercier d’exister, qu’on devrait adorer et à qui on devrait consacrer un chant de supporter (je propose « oh Mehmedi, oh Mehmedi, oh Mehmedi »).

3692012_galleryEnfin, Behrami. Sans s’en rendre compte, nous perdrons un de nos plus grand joueurs dans l’histoire de la Suisse lorsqu’il prendra sa retraite dans deux ans. Il a droit à sa place à côté des Sutter, Türkyilmaz et Frei. Il a marqué contre la Turquie en 2005 déjà, il était là dans tant de moments importants. Sa mentalité est tellement précieuse qu’on se demande comment on a fait avant de le connaître et qu’on se demande comment on fera sans (un peu comme le sexe en fait…)

Behrami, c’est le mec qui n’a jamais flamboyé en club mais a toujours été extraordinaire avec l’équipe nationale. Le contre-exemple même de Lichtsteiner… tiens, parlons-en de celui-ci.

Lichtsteiner

Alors déjà, shooter contre la main de Djourou parce qu’on ne fait pas confiance à son gardien, en tant que capitaine c’est un peu naze. Mais mailler sur tout le monde tout en continuant dans la même veine de jeu pathétique et inefficace que lors de ses deux dernières compétitions internationales, ça commence à gonfler. Lichtsteiner est malheureusement à la fin de sa carrière. La Juve l’a relégué au rôle de figurant et il subira bientôt de la part de Petkovic (qui a prouvé qu’il n’en avait rien à foutre des statuts) le même sort que Inler. La cerise sur le gâteau fut de le voir engueuler Embolo (je rappelle buteur du soir) car il voulait mettre le maillot portugais qu’il venait d’échanger. Non mais sérieusement, un vieil aigri qui empêche un gamin de mettre un maillot pour pas qu’il porte d’autres couleurs que celles de son pays. Lichtsteiner c’est les gars qui était à la Fête de la Lutte et qui était outré qu’un Noir y participe (surtout parce qu’il était romand). Il nous faisait marrer avec son côté sanguin et colérique, là il devient un lamentable frustré qui ne prend du plaisir qu’à pourrir la vie aux autres. Vivement Michael Lang.

Et la suite?

On a encore un mois pour se gausser  de cette magnifique victoire et ça, ce n’est pas comme si on en avait souvent l’occasion. Au-delà de ça, l’équipe est belle et tend à tenir les belles promesses qu’elle avait dévoilées pendant l’Euro. Il serait génial d’envisager un carton plein dans ses qualifs et de se tirer directement en Russie. En attendant, on se réjouit de les revoir (et ça non plus on n’en a pas eu souvent l’occasion).

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6 Commentaires

  1. Magnifique article, bravo !! Pour moi, il manque juste un passage sur Johan Djourou. Autant je l’ai souvent critiqué, autant hier soir j’ai trouvé qu’il a (r)assuré… Vous en pensez quoi ?

    • Djourou a fait du bon job comme il l’a fait à l’Euro (contre toute attente). Même si il donne l’impression d’être toujours à deux cheveux de faire une connerie. Mais pour que Djourou joue comme il l’a fait, il a besoin d’un patron comme Schär.

  2. Mon coup de chapeau pour le match c’est pour le goal de Mehmedi, genre le mec il a 3 défenseurs adverses autour de lui, il y en a 2 devant et le type il contrôle la balle, cadre et tire tellement bien que le gardien ne bouge même pas. Et il fait quoi après? Il tape juste la min de son capitaine genre « ouais d’accord j’ai marqué mais ça va, tranquille ».
    Limite il s’est excusé, quoi!

  3. Dans la catégories des joueurs qu’on a pas toujours kiffés, il y a aussi Seferovic, que je trouve habituellement ultra chèvre, mais qui là a fait super plaisir de part son engagement et son altruisme! Bel article! 🙂

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