Un titre et Puig c’est tout

Si tu dis « San Juan » à un type comme Yves Martin, il y a une probabilité au moins aussi forte qu’une bourde de Johann Djourou qu’il te réponde « Porto Rico » du tac au tac. Par contre, si à ce même genre de bonhomme tu lui dis « Monica Puig », il te répondra assurément par un haussement d’épaules et un air un peu niais.

Et on ne saura le lui reprocher tant la Portoricaine est quasiment inconnue au bataillon. Et pourtant, Monica Puig est championne olympique. La première de l’histoire de ce petit état américain non intégré. Et pas lauréate dans une discipline aussi improbable que le pentathlon moderne ou le taekwondo. Non, la jeune femme de 24 ans est championne olympique en titre de tennis suite à son succès de Rio, rejoignant ainsi au palmarès Steffi Graf, Justine Henin ou Serena Williams pour ne citer que les plus illustres de ses prédécessrices.

A la décharge de l’ami Martin (il faut éviter de trop se mettre à dos son rédacteur en chef), il faut bien reconnaître que le statut de ce territoire non incorporé des Etats-Unis est un peu hybride, que ses hauts faits ne sont, à tort peut-être, que peu relatés dans notre si relevée presse romande et qu’ainsi le commun des mortels ne saurait en maîtriser toutes les subtilités. Ainsi, peut-on se poser la question de savoir si la brave Monica ne constitue pas une énième médaille d’or de la bannière étoilée. Si la distinction entre un état américain et un état indépendant est aussi limpide que la distinction entre le budget du LS et celui du PSG, celle entre un état non incorporé et un état américain ou entre un état non incorporé et un état indépendant s’apparente plus à celle entre le respect et la violation des règles du fair-play financier par le fonds souverain du Qatar. Maintenant, si le CIO a décidé que l’île antillaise constituait bien une nation au sens olympique du terme, alors Monica Puig est bien la première véritable héroïne sportive de son pays.

Alors certes, la belle Portoricaine, alors 56ème mondiale, avait gagné en 2014 le tournoi de Strasbourg (qui est pratiquement aussi relevé que celui de Gstaad en termes de plateau), et fait naître quelques espoirs en franchissant deux puis trois tours à Roland-Garros et à Wimbledon, mais la confirmation ne semblait pas vouloir venir et plus aucun titre ne viendra garnir son escarcelle, et elle finira même l’année 2015 aux confins du top 100 de la WTA (92ème).

L’année 2016 débute néanmoins de manière plus convaincante et la droitière de San Juan, malgré l’absence de titre, remonte à la 34ème place mondiale. Ça le fait mieux mais ça n’en fait toutefois pas, et de loin, une favorite pour les Jeux. Surtout que le tirage au sort la place dans une sacrée partie de tableau. Pas superstitieuse pour un sou, elle adopte un chien 2 semaines avant le début de la compétition et l’appelle Rio. C’était donc ça. Ma très chère Lara, si tu me lis, n’hésite pas une seconde. Prends un canari ou un hamster et appelle le Pyeongchang et tu gagneras la descente en février prochain. C’est limpide et implacable.

Laissant toutefois Rio à la maison, elle rejoint Rio (la ville pas le chien) sans trop de pression et balaye la slovène Polona Hercog puis la russe Anastasia Pavlyuchenkova, tête de série numéro 14, sur le même score (6-3, 6-2) lors des deux premiers tours. Arrive ensuite la 4ème joueuse mondiale, l’Espagnole Garbine Muguruza, tout fraîchement victorieuse de Roland Garros qu’elle explose totalement sur un score digne d’un Roger des grands jours (6-1, 6-1). Même tarif en quarts pour la surprenante Allemande Laura Siegemund (6-1, 6-1 à nouveau). Là voilà donc en demi-finales des JO, aux portes de la médaille donc, en n’ayant égaré aucun set et seulement 14 jeux en 4 parties. Juste exceptionnel donc, même s’il faut parfois relativiser les scores du tennis féminin tant la propension de certaines athlètes à balancer un match semble solidement ancrée.

Face à la Tchèque Petra Kvitova, la lutte est plus acharnée et il lui faudra près de 2 heures pour l’emporter et se qualifier pour la finale face à l’Allemande Angélique Kerber, 2ème joueuse mondiale et titrée à Melbourne en début d’année. Un monstre. Mais Monica Puig n’en a cure et rien ne semble pouvoir arrêter la Portoricaine. S’appuyant sur un excellent service et des qualités physiques et mentales impressionnantes, elle va littéralement écœurer la native de Brême. En état de grâce, exceptionnelle en revers et trouvant les lignes du court avec son jeu audacieux et tout en puissance, elle aura étouffé son adversaire dans une 3ème manche décisive de tous les dangers pour l’emporter finalement sur sa quatrième balle de match. Incrédule, l’air de ne pas y croire, elle a lâché sa raquette et pris sa tête entre ses mains les larmes aux yeux avant de s’accroupir sur le court puis, enfin, de saluer un public tout acquis à sa cause.

L’exploit est retentissant. Personne n’aurait misé le moindre dollar sur cette jeune femme surtout, qu’au contraire du tournoi masculin, toutes les meilleures joueuses de la planète étaient présentes au Brésil. Venue quasiment de nulle part, elle a réussi la semaine parfaite. Malheureusement pour elle, il semblerait bien que cet exploit ahurissant reste finalement sans lendemain. Alors qu’elle était en droit de penser que cette médaille d’or lui donnerait confiance en ce qu’elle était capable de réussir et lui permettrait de grimper au classement, elle est aujourd’hui 70ème mondiale. Il semblerait donc plutôt qu’elle se soit laissé griser par le succès ou que la pression se soit tout d’un coup révélée trop forte. Et ce ne sont pas les exemples qui manquent. Surtout en tennis féminin.

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