Les Diables, un cache-misère

Hazard fait chavirer le public de Chelsea. De Bruyne fait rêver celui de Man City. Mertens fait bander Naples. Les fans de l’Atletico n’ont d’yeux que pour Carrasco. Ceux de Tottenham, tu leur dis qu’il y a Vertonghen, Dembélé et Alderweireldt dans l’équipe, ils te taillent une pipe. Si tu dis à Rome que tu es pote avec Nainggolan, on t’offre le gîte, le couvert, le tapis rouge, le caviar et les filles (sauf si tu aimes la Lazio, bien entendu). Je continue? Kompany, Courtois, Vermaelen, Meunier, Witsel. C’est du footballeur, ça, Monsieur!

Vu sous cet angle, le foot belge est immensément riche et a potentiellement de quoi émerveiller le monde, même s’il ne le fera pas, je m’en explique par ailleurs en espérant me tromper. Parce qu’il faut voir ce qui gambade sur nos pelouses… Une pitié ! J’avais commencé à regarder le match de mon Standard chéri dimanche soir face à Lokeren, j’ai rendu les armes après 40 minutes d’une première mi-temps affligeante.

À quoi, à qui la faute? Qui sombre? Qui surnage à peu près, au niveau du championnat belge (entendons-nous bien sur ce point).

Premièrement, le foot belge manque de sous. Cruellement. Un marché aussi petit n’intéresse que les organisateurs de paris douteux. Les grands sponsors internationaux, les grands équipementiers (ça peut sembler idiot, mais c’est symptomatique) ont depuis longtemps déserté nos stades. Tu regardes les sponsors sur les maillots et que vois-tu? Un marchand de pneus, un opérateur téléphonique low-cost, un (très beau, faut être honnête) parc animalier, un fabricant de cuisines équipées ou de climatiseurs, etc.

Corollaire du manque de blé, le foot belge n’arrive plus à former des jeunes. Déjà aujourd’hui, bon nombre de Diables n’ont JAMAIS foulé une pelouse belge en équipe de jeunes. Et l’hémorragie n’est pas près de s’arrêter. Le moindre gamin qui tape correctement dans un ballon part à 15 ans vers les Pays-Bas, l’Italie, l’Angleterre ou la France. Et les clubs ne peuvent pas se protéger puisque la loi n’autorise la signature d’un contrat (aspirant) pro qu’une fois atteint l’âge de 16 ans. La voie du pillage de talent est balisée en long, en large et en travers.

Les stades belges dorment du vendredi soir au dimanche soir…

Deuxièmement, la faute aux dirigeants, même si le « premièrement » atténue partiellement leurs responsabilités. Le manque de moyens financiers impose le court-termisme. À de rares exceptions près, il faut des résultats tout de suite. Résultat: après 7 journées de championnat, 5 entraîneurs ont été virés (dont le Suisse Weiler, champion la saison dernière avec Anderlecht et élu entraîneur de l’année – mauvais du jour au lendemain, va comprendre !). Un seul transfert raté, celui du joueur qui va bonifier les autres et sublimer l’équipe, et tout l’édifice s’écroule. C’est ainsi que trois clubs qui, la saison dernière, ont tous mérité une place en coupe d’Europe (Anderlecht, Gand et Ostende) végètent actuellement dans la seconde partie du tableau. Je préfère jeter un voile pudique sur leurs résultats européens. Même Bruges, qui trône actuellement en tête du championnat, s’est fait éjecter sans gloire des tours préliminaires de la Ligue européenne.

On voit donc en ce moment plonger des clubs « historiques » du championnat, même si comme le disait justement le susnommé Weiler « Ce n’est pas la tradition qui fait marquer des goals »: Anderlecht, Gand, Standard. Et on voit (ré)apparaître Bruges, Charleroi, Mouscron, l’Antwerp (le plus vieux club du pays) et Beveren. Tiens donc? Des clubs qui font confiance à des entraîneurs et à des joueurs (même sur le retour) qui connaissent le championnat sur le bout des crampons, qui investissent judicieusement sans s’imaginer que, même à ce niveau, il est possible d’acheter le succès et qui ne mettent pas une pression intenable sur leur coach.

Mais alors qu’on s’extasie sur le niveau et les prestations de l’équipe nationale, les stades belges dorment du vendredi soir au dimanche soir, victimes plus ou moins complices de leur appauvrissement. Et celui qui y tient vraiment peut – selon l’abonnement au câblo-distributeur – regarder tous les matches en direct à la télé.  Bon courage.

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1 Commentaire

  1. N’étaient les droits d’auteurs, je me permettrais un copy paste et pondrais sur le champ un article sur le championnat suisse (mutatis mutandis, bien sûr, et avec une petite nuances pour nos sympathiques internationaux qui ne méritent malheureusement pas -encore – des éloges aussi appuyés…)

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