La Coupe du Monde des Clubs, ce non-événement sans suspense

Dire que Doha a bien failli voir le PSG jouer enfin à domicile ! Cela est presque passé inaperçu en comparaison de l’avalanche de trophées remportés en 2020, mais le bourreau du club de la capitale, le Bayern Munich, est devenu récemment champion du monde. Oui, Mesdames, Messieurs, CHAMPION DU MONDE ! Rien que ça. Un peu comme la France, l’Allemagne ou l’Espagne lors de la dernière décennie. Sauf que là, les fans de football s’y sont (encore une fois) autant intéressés que le Conseil Fédéral s’intéresse à la culture depuis le début de la pandémie, c’est-à-dire pas des masses. Alors, la Coupe du Monde des Clubs ne servirait-elle donc à rien? 

En 2021, la Coupe du Monde des Clubs soufflera pourtant les bougies de sa dix-septième édition, avec encore l’espoir de susciter le vif intérêt de suivre les performances exceptionnelles de clubs exotiques au potentiel de deux étoiles sur cinq dans FIFA21. Car oui, tout le monde rêve une fois dans sa vie de voir évoluer le Al Duhail SC contre le Al Ahly SC sur son écran. Et c’est sans compter le décalage horaire, la compétition se déroulant généralement sur le continent asiatique ou au Moyen-Orient.

Initialement organisée fin décembre, cette compétition phare de la plus haute instance du football mondial tente généralement de s’accaparer la gloire face aux plus grands championnats européens qui cherchent à glâner le maximum de points avant la dinde au four. Bien essayé. Par ailleurs déplacé exceptionnellement cette année début février à cause des calendriers chamboulés par le coronavirus, le tournoi a cette fois-ci tenté, en vain, de faire de l’ombre à un autre tournoi de quartier qu’est la Ligue des Champions. Il faut croire que l’espoir fait vivre dans les bureaux de la fédération basée à Zurich.

Un nouvel espoir ?

Mais les dindons de la farce ne seraient-ils pas les pensionnaires du 20 FIFA-Strasse? Car avec un suspense digne d’un épisode des Feux de l’Amour, où Hilary est par exemple furieuse d’apprendre que Devon a rendez-vous avec Simone, la Coupe du Monde des Clubs se présente sous un acabit similaire : un feuilleton ennuyeux à souhait où le scénario est connu d’avance (ou presque, à de rares exceptions). Et aujourd’hui, le triste constat est que cet événement footballistique n’a rien de sexy. Mais l’a-t-il tout du moins déjà été ?

Sûrement pas, malgré sa ‘’fausse bonne’’ volonté de donner un semblant d’espoir aux vainqueurs des coupes continentales de remporter la mise face au grand gagnant de la Ligue des Champions organisée par l’UEFA. Car depuis les débuts de cette compétition au commencement du XXIème siècle, seuls trois clubs basés hors du Vieux-Continent ont soulevé quatre fois la coupe en finale et la majorité de ces moments ont eu lieu avant 2007 (seul le SC Corinthians a gagné miraculeusement contre Chelsea en 2012 depuis). Autant dire une éternité.

Car depuis 2013 et la victoire du… Bayern, le Real Madrid (2014, 2016, 2017, 2018), Barcelone (2015) et Liverpool (2019) ont eu leur nom inscrit sur la coupe dorée. On peut évidemment y voir en partie un pillage progressif de talents par l’Europe dans une marchandisation à outrance. Un phénomène qui a sûrement eu raison, à l’échelle mondiale, de la croissance d’institutions footballistiques telles que le SC Corinthians, qui remporta tout de même deux éditions de la Coupe du Monde des Clubs face au CR Vasco de Gama en 2000 puis justement Chelsea quatorze ans plus tard.

Une histoire transatlantique qui finalement se répète depuis le XVème siècle, les avions ayant aujourd’hui remplacés les navires. Hisse et Ho, Infantino !

Alessandro (Corinthians) accompagné de Blatter en 2012, c’est dire l’éternité depuis la dernière victoire non-européenne.

En tous les cas, la donne n’est pas encore prête de changer sachant qu’une nouvelle formule élargie de la Coupe du Monde des Clubs souhaitée par l’instance a finalement été repoussée alors qu’elle était prévue en 2021. Annonçant en marge de la finale du 11 février dernier que la FIFA se concentrait sur une réforme ayant « non seulement un club de chaque confédération, mais davantage de participations » pour la compétition, les propos de Gianni Infantino ont pour but de stimuler à terme les clubs du monde entier… mais pas nécessairement leurs budgets qui resteront, quoi qu’il en soit, inférieurs aux grosses écuries européennes.

Mais bon, à la FIFA, il ne faut visiblement pas pousser trop loin le concept d’égalité quand on s’aperçoit que lors de la finale du 11 février dernier à Doha, deux femmes du sextuor arbitral n’étaient pas conviées à saluer le prince qatarien sur le podium à la remise des médailles. Un moment polémique – encore un – pour les dirigeants de l’instance qui ont probablement dû se réfugier dans un bunker en voyant le communiqué lunaire de l’état qatarien suite à cet incident et qui précise qu’un « malentendu est né de la perception que trois des officiels du match ne voulaient pas mener le « coup de poing » habituel avec Son Excellence le cheikh Joaan bin Hamad Al Thani, ce qui était bien sûr leur droit. »

Ou l’art de botter en touche aussi bien qu’un défenseur aux pieds carrés d’une équipe de Ligue 2 BKT. Finalement, l’exercice devient une spécialité locale puisque quelques jours plus tard, une nouvelle polémique éclata au sujet de la tenue des beach-volleyeuses pour un tournoi international. À Doha, elles devaient être habillées d’un t-shirt manche courte et d’un short jusqu’aux genoux pour « respecter la culture et les traditions locales ». Mais après le triomphe des Bavarois en terres quatariennes, c’est un autre tremblement du sol qui s’opéra grâce à la paire… allemande de Julia Sude et Karla Borger qui menaçait un boycott. Et quelques jours plus tard, patatras c’est à nouveau la machine-arrière au pays du golfe Persique qui accepte finalement le bikini historique suite aux smashes des Allemandes. À croire que ce peuple conserve en lui de réels leaders.

La guerre des budgets (qui n’aura jamais lieu)

Qu’on se rassure, le Bayern Munich s’est adjugé son titre à Doha sans changer son ensemble moulant pour un ample habit traditionnel. Et en termes sportifs, le club allemand a assuré le coup sans compter sur une armada infinie de Sud-américains dans ses rangs. Suite à leur victoire ric-rac 1-0 en finale contre Tigres, der Rekordmeister a surtout remporté son 6ème titre sur l’année 2020 (Championnat de Bundesliga, Coupe d’Allemagne, Supercoupe d’Allemagne, Ligue des Champions, Supercoupe d’Europe et Mondial des Clubs). Un exploit que seul le Barça avait réalisé en 2009, concluant ainsi une saison magnifique par une victoire ne souffrant d’aucune contestation. Et c’est peut-être bien cela le problème. Parce qu’en face du vénérable André-Pierre Gignac, seule véritable ‘’star’’ avec Guido Pizarro, il y avait l’armada qui a roulé l’an dernier sur l’Europe avec l’artilleur Lewandowski. Et le magicien Gnarby. Et la flèche Davies. Et le mur Neuer. Et…

Bref.

Straß et paillettes pour les Rouge et Blanc.

Il y a un monde entre le Bayern et le Tigres. Le gouffre est même abyssal et impossible à rattraper pour le club mexicain qui se situe, à quelques milliers d’euros près, au même niveau que le FC Lorient, le Benevento Calcio ou l’Arminia Bielefeld. Tous ces clubs se situent aussi profondément dans le classement dans leur championnat respectif que l’est le Titanic dans l’Atlantique. En accusant une différence de valeur proche de 770 millions d’euros selon le site TransferMarkt, l’équipe dirigée par Hans-Dieter Flick est donc un mastodonte qu’il est difficile de faire vaciller, tant bien même que le finaliste mexicain compte parmi les meilleures équipes de la zone CONCACAF (Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes). Pire, avec leurs environ 253 millions d’euros cumulés, tous les clubs participant à l’édition 2020 n’arrivent même pas à la valeur totale du bulldozer bavarois. Comme pour Mercedes en F1, la domination du pays trikolore persiste.

Cette réalité des budgets inégaux est d’autant plus cocasse qu’elle fait de l’ombre aux propos du Président de la FIFA qui affirme, dans son récent discours du premier anniversaire de leur Vision (bidon) 2020-2023, vouloir « développer le football mondial moderne, accessible et inclusif (…) envisagé ». En soi, de fausses promesses parfois dignes d’un politique, mais aussi des paroles vides comme l’était le jeu du FC Nantes sous la courte ère du grand Raymond Domenech.

D’ailleurs, on attend encore la réaction des ouvriers des stades qataris qui doivent être sacrément hilares de ce postulat fumeux, eux qui compteraient parmi leurs collègues plus de six mille décès sur les chantiers depuis l’attribution en 2010 de l’événement au pays hôte de la prochaine Coupe du Monde.

La vraie, hein.

A propos Vic Perrin 21 Articles
Un peu casse-cou, mais pas trop casse-couilles

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