Vuelta 2021 : résumé

Malchanceux en juillet sur les routes du Tour de France, Primoz Roglic se venge une nouvelle fois un mois plus tard en Espagne. Sans véritable opposition, il remporte une troisième Vuelta consécutive comme Rominger et Heras en leur temps. Agréable à suivre comme souvent, la ronde ibérique est marquée par les exploits répétés des baroudeurs en montagne comme par la sortie sanguinaire de Miguel Angel Lopez la veille de l’arrivée à Saint-Jacques-de-Compostelle.

La Vuelta en deux mots

Hat trick pour Roglic.

L’homme de la Vuelta

Primoz Roglic sans contestation possible. Vainqueur de son premier Grand Tour ici-même en 2019, le Slovène récidive à l’automne 2020 lors de la fameuse saison covid, avant de signer un retentissant triplé cette année au cœur d’un été bouillant. L’ancien sauteur à skis maîtrise définitivement l’art du rebond. Blessé et défaillant en juillet sur les routes du Tour, il n’aura pas attendu longtemps pour se remettre à l’endroit. Sa médaille d’or sur le contre-la-montre des Jeux olympiques de Tokyo laissait déjà entrevoir une fin de saison radieuse. En Espagne, dans son deuxième pays quelque part, Roglic écrase la concurrence à plate couture de Burgos à Saint-Jacques-de-Compostelle, du départ à l’arrivée, aussi bien en montagne que sur le contre-la-montre. Avec quatre victoires d’étapes à la clé comme l’année passée, il termine son récital en Galice dans la ville sacrée. C’est la fin du pèlerinage pour le natif de Trbovlje, ville perdue au fin fond de la Slovénie. Une fois les micros tendus face à la gloire, Primoz reste mutique comme à l’accoutumée. Il annonce juste qu’il reviendra l’an prochain pour décrocher un quatrième succès mais omet d’admettre que ses victoires sur la Vuelta sont le fruit de ses échecs répétés sur le Tour de France.

Le grimpeur de la Vuelta

Michael Storer. Inconnu au bataillon encore au début de cette année 2021, le jeune Australien se fait remarquer pour la première fois sur le Giro en accompagnant très loin son leader Romain Bardet en montagne. Sur la vingtième étape, il le place même en situation idéale au pied de l’Alpe Motta, mais Bardet se fait ensuite essorer par la grande lessiveuse Damiano Caruso. Sur cette Vuelta, Storer a les coudées franches en raison de la chute précoce de Bardet qui délaisse rapidement le classement général au profit du farniente. Le natif de Perth obtient deux victoires d’étapes au Balcon d’Alicante et à Rincón de la Victoria. Les deux fois, il émerge en costaud d’un groupe d’échappés. Sans une stratégie absurde de l’équipe Bahrain Victorious sur l’étape reine du Gamoniteiro, il signait même un triplé retentissant. Storer se consolera avec le maillot de meilleur grimpeur décroché quatre jours plus tard à l’arrivée.

Le sprinteur de la Vuelta

Fabio Jakobsen. Victime d’une chute effroyable il y a un an à plus de 80 km/h lors d’un sprint au Tour de Pologne, le Néerlandais avait failli mourir en direct à la télévision. Huit mois après, il est réapparu en compétition et n’a pas mis longtemps pour relever les bras au Tour de Wallonie. Mais entre la Wallonie et la Vuelta, il y a un monde d’écart. Comme Cavendish au mois de juillet au Tour de France, la Deceuninck-Quick Step fait renaître de ses cendres un sprinteur en souffrance. En effet, Jakobsen s’impose à trois reprises en Espagne et finit logiquement avec le maillot vert de meilleur sprinteur sur le dos.

Le puncheur de la Vuelta

Magnus Cort Nielsen. Le Danois est connu pour être un coureur complet et endurant. Au départ de Burgos, il s’est déjà imposé à trois reprises sur la Vuelta (deux fois en 2016 et une fois en 2020). Toujours en troisième semaine et toujours au sprint quand le plateau des sprinteurs s’amenuise. Sur ce Tour d’Espagne, il étend encore sa palette puisqu’il l’emporte échappé en haut de la montagne de Cullera en fin de première semaine, puis sur un sprint massif à Cordoue en deuxième semaine, et enfin en réglant un groupe de fuyards en Galice à deux jours de l’arrivée. Ce hat trick passe légèrement inaperçu face à la razzia de Roglic (quatre succès d’étapes et la victoire finale) mais confirme que la Vuelta est devenu au fil des ans le Grand Tour qui sourit le plus aux baroudeurs.

L’abandon de la Vuelta

Alejandro Valverde. À 41 ans, El Imbatido revit. L’homme aux vingt Top 10 en Grand Tour (un record toutes époques confondues) a réalisé un gros printemps ardennais (5ème de l’Amstel, 3ème de la Flèche et 4ème à Liège) avant de s’imposer sur un sprint en montée au Dauphiné comme à la grande époque. Sur cette Vuelta, il forme avec son fils Enric Mas et le rebelle Miguel Angel Lopez un redoutable trident chez Movistar qui truste les premières places du classement général après une semaine de course. Alors que la Vuelta arrive chez lui, Valverde est victime d’une lourde chute qui n’est pas sans rappeler celle qu’il avait dû endurer sur le Tour de France 2017. Passant sous un rail de sécurité avant de tomber dans un ravin quelques mètres en contrebas, le Murcian s’en sort miraculeusement avec juste une fracture de la clavicule. Cela le contraint cependant à l’abandon et dénature quelque peu cette Vuelta passionnante jusque-là. Movistar ne s’en remettra jamais vraiment puisque Enric Mas ne parviendra pas par la suite à inquiéter Roglic comme Superman Lopez craquera complètement deux semaines plus tard.

La buse de la Vuelta

Miguel Angel Lopez. Si Superman Lopez a pris pour habitude de s’enfuir à cheval en Colombie comme sur la photo, il s’esquive ce coup-ci en voiture du Tour d’Espagne, la veille de l’arrivée de la course à Saint-Jacques-de-Compostelle. Encore troisième de la Vuelta au matin de la vingtième étape après s’être imposé l’avant-veille au sommet de l’inédit et monumental Gaminoteiro, il craque complètement sur les routes accidentées de Galice. Voyant le podium lui échapper au même titre qu’un bon classement général, il décide tout simplement de mettre pied à terre pour abandonner. Ses directeurs sportifs lui ordonnent de reprendre la route mais Lopez, fidèle à sa réputation de mauvais garçon, ne veut rien entendre. Après un quart d’heure de palabres, il finit par monter dans la voiture Movistar. Cet abandon irrationnel scandalise le monde du cyclisme qui voit là un manque de respect total pour la course, pour ses équipiers qui se sont mis à la planche pour lui pendant trois semaines, ainsi que pour son équipe Movistar qui l’a accueillie l’hiver dernier en faisant table rase des nombreuses critiques émises par le Colombien à son encontre ces dernières années. Netflix se frotte déjà les doigts en vue du reportage sur la saison 3 de l’équipe Movistar…

Le tournant de la Vuelta

La 17ème étape menant aux mythiques lacs de Covadonga dans les Asturies. Egan Bernal attaque à 60 kilomètres de l’arrivée pour renverser la Vuelta. Seul Primoz Roglic parvient à le suivre. Dans la montée finale, Bernal craque et Roglic s’envole. Le Slovène décroche une nouvelle victoire d’étape qui scelle le sort de ce 76ème Tour d’Espagne.

L’esthète de la Vuelta

Romain Bardet. Un Grand Tour sans Romain Bardet au départ n’a jamais la même saveur qu’en sa présence. Tout le monde sait que j’adore tailler « la bardette ». Mes moqueries répétées m’ont valu de nombreuses inimitiés, à commencer par celle du principal intéressé. Mais force est de constater que l’Auvergnat fait toujours tout son possible pour se faire taper sur les doigts. Avant sa deuxième partie de saison, Romain annonce venir en Espagne pour chasser uniquement les victoires d’étapes. Après un Giro moyen conclu à la septième place sans lever les bras une seule fois, sa stratégie se tient. Mais au Tour de Burgos servant de préparation au Tour d’Espagne, le natif de Brioude a une jambe au-dessus de tout le monde. Il écrase la concurrence sur le Picón Blanco. Après trois ans et demi sans gagner la moindre course, c’est la renaissance inattendue. Face à cette surprise, Bardet s’enflamme subitement en revoyant ses ambitions à la hausse. Deux jours plus tard, il s’effondre pourtant aux lacs de Neila, laissant filer une course par étapes qui lui tendait enfin les bras, huit ans après sa seule victoire sur le redoutable Tour de l’Ain. Dans la foulée, il vient sur la Vuelta pour décrocher un bon classement général. Manque de bol, il chute lourdement dès la première semaine et voit de nouveau ses objectifs partir en lambeau. Il se recentre alors sur les victoires d’étapes et finit par l’emporter échappé au Pico Villuercas, dix jours plus tard. Son Tour d’Espagne est sauvé comme sa mèche rebelle, mais l’ensemble manque une nouvelle fois de consistance. Après avoir changé d’équipe à l’intersaison en passant des amateurs d’AG2R aux professionnels de DSM, Bardet comptait reprendre son envol sur les Grands Tours. Malgré cette forte remise en question, il ne récolte une nouvelle fois pas les fruits de son travail. Pire, il finit par se faire challenger dans sa propre équipe par son lieutenant Michael Storer. Lieutenant qui rejoindra l’an prochain l’équipe Groupama-FDJ de son pire ennemi, un certain Thibaut Pinot…

La Vuelta des Suisses

Deux Suisses étaient présents au départ de cette Vuelta. Johan Jacobs effectuait là ses débuts en Grand Tour en tant qu’équipier chez Movistar. Un Suisse dans la maison-mère espagnole, cela peut surprendre sur le papier. Victime d’une lourde chute sur la neuvième étape, Jacobs finira malheureusement prématurément sa course dans un hôpital andalou. Quant à Gino Mäder, il effectuera une Vuelta remarquable de bout en bout en se démenant pour son leader Jack Haig, qui montera sur la troisième marche du podium à Saint-Jacques-de-Compostelle derrière Roglic et Mas. Ce travail colossal n’empêchera pas Mäder de finir lui-même cinquième et meilleur jeune de ce Tour d’Espagne. Après une victoire d’étape au Giro et sur le Tour de Suisse au printemps, Mäder confirme déjà en 2021 tous les espoirs placés en lui.

Et si la Vuelta s’était courue à l’eau claire ?

Comme l’image fort bien le vieux druide Cyrille Guimard : « La Vuelta, c’est la Vuelta », le Tour d’Espagne est une course qui se court par tradition davantage au kérosène qu’à l’eau de rose. Trouver un vainqueur clean, au-dessus de tout soupçon, relève plus ou moins de l’exploit depuis trente ans. Même si les coureurs espagnols, en apesanteur au début du 21ème siècle, ne vampirisent plus vraiment les classements de leur tour national, il me paraît difficile de trouver une réponse à cette question mal formulée.

A propos Thierry Bientz 47 Articles
Après avoir parcouru 250 000 kilomètres à vélo en 20 ans, j'ai décidé de prendre un peu la plume pour raconter le cyclisme...

Commentaires Facebook

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.