L’émotion, cette si mauvaise conseillère

Désormais, chaque mois, Carton-Rouge a le plaisir de sortir ses griffes dans le nouvel hebdomadaire régional répondant au doux nom de Riviera Chablais votre région. Notre mission : croquer une thématique d’actualité sur le sport suisse avec impertinence. Nous publions quelques jours plus tard cette chronique sur notre site. La dixième édition porte sur la qualification de la Suisse pour la Coupe du monde de foot. Et sur l’euphorie qui en découle. 

La Suisse verra la Coupe de Monde de football 2022. Chouette. La Suisse ira au Qatar. Moins chouette. Mais c’est un autre débat. Ce qui est sûr, c’est que Yann Sommer et sa troupe nous ont offert une année 2021 historiquement riche en émotions, ponctuée par un ticket direct pour le Mondial, au nez et à la barbe des champions d’Europe italiens. Wahnsinn ! Grâce à un superbe travail de fond, la Nati est désormais une habituée des compétitions internationales pour notre plus grand bonheur. Mais aussi pour celui des joueurs, du staff et des dirigeants. D’ailleurs tout le monde s’est permis de crier sa joie partout et à qui veut bien l’entendre. Pour les acteurs de terrain ça se comprend tout à fait. Pour le nouveau sélectionneur Murat Yakin encore plus. Passer de Schaffhouse à un statut de quasi-héros national en moins de quatre mois, c’est aussi inespéré que de voir du ciel bleu à New Delhi. Mais pour les instances dirigeantes de l’ASF, son président en tête, c’est un peu moins digne de la fonction.

Rembobinons : 15 novembre, la Suisse se qualifie pour le Mondial. Le 16 au matin, Yakin est prolongé de deux ans supplémentaires, jusqu’en 2024. Oui oui, le même sélectionneur qui était à peu près le quinzième choix (à juste titre) au moment de sa nomination il y a une centaine de jours. Et enfin toujours le 16, dans l’après-midi, Dominique Blanc, président de l’ASF, qui déclare sans sourciller au Matin que « c’est absolument possible » que la Suisse soit couronnée championne du monde au Qatar. Rien que ça. Franchement n’ayons pas peur des mots, Shaqiri mérite le ballon d’or, Elvedi n’a rien à envier au Beckenbauer de la grande époque et la Swissporarena de Lucerne, c’est le Maracanã en mieux. On force honteusement le trait mais il y a quand même lieu de se demander comment diriger au mieux le football suisse. N’importe quel bon patron vous le dira. La clé, même dans les périodes fastes, c’est de prendre de la hauteur, de rester vigilent, d’analyser le contexte, les tendances, et surtout de ne pas gouverner avec les émotions. Tout change très vite, particulièrement dans le foot. Cet été, l’ASF n’avait aucun plan B lorsque son sélectionneur démissionnaire s’est fait la malle. Aujourd’hui, tout est beau dans le meilleur des mondes et l’ASF ne se prive pas de savourer intensément. Soit. Mais si on analyse froidement les choses, aussi belle que fut cette qualification, il faut bien admettre que les planètes étaient quand même un peu alignées. Être dirigeant et ne pas s’en rendre compte serait une grande erreur. Sous peine de tomber de haut. « Émotion », comme on dit au loto.

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