Olympique-assiette

Récemment, l’algorithme de YouTube m’a proposé un documentaire intitulé « LE SCANDALE DES STADES OLYMPIQUES ABANDONNÉS DES JO DE 2004 ! (Urbex) », publié en juillet 2021, soit 17 ans après. Ayant réalisé dernièrement que les Jeux d’hiver à Pékin (idée pour le moins saugrenue) arrivaient dans seulement trois mois dans un silence médiatique plutôt étrange, je me dis que regarder cette vidéo pourra me mettre dans l’ambiance de la Sainte-Trinité JO-corruption-gaspillage écologique.

Première surprise : je m’attendais à une enquête du style « Cash Investigation ». Que nenni ! On suit Gabriel et Corentin dans leurs œuvres, c’est-à-dire de l’urbex. Urbex, quézaco ? Et bien il ne s’agit point de la dernière localité ajoutée à la commune de Bex, mais plutôt de l’exploration urbaine, pratique consistant à visiter des lieux construits et abandonnés par l’homme. Mais dès lors, quel lien avec le sport me direz-vous ? Je vous le donne en mille : nos deux acolytes se décarcassent pour nous montrer les sites abandonnés après les Jeux olympiques de 2004 à Athènes.

En 2000, les JO de Sydney avaient été les premiers à inclure un volet écologique dans le dossier de candidature (p. ex. énergie solaire et matériaux recyclables). Du coup, je pensais bêtement que tous les Jeux suivants avaient suivi la même voie. Grossière erreur : la démesure prévalut. Athènes ayant accueilli les premiers Jeux de l’ère moderne en 1896, ceux de 2004 marquaient le retour au bercail et il fallait donc frapper fort. De plus, ces Jeux étant les premiers à se tenir après les attentats du 11 septembre 2001, le budget sécurité fut faramineux (l’OTAN enverra même un sous-marin) ! Ajoutez à cela les traditionnels retards de construction et gonflement du budget, secouez avec des glaçons et vous obtenez une petite dette à servir bien frais aux prochaines générations.

Sac à dos et caméra à la main, on suit nos joyeux drilles sur un site gigantesque. Premier choc : sur 22 lieux dédiés, 20 sont à l’abandon complet. On ne parle pas juste du terrain de softball, mais de quasiment la totalité de l’endroit ! On a beau se douter que les promesses de reconversion faites avant la compétition restent la plupart du temps de la poudre aux yeux, le constater en images est un tantinet plus violent. En effet, elles sont éloquentes et dépeignent un grand gâchis. Est-il besoin d’avoir fait l’EPFL pour deviner que le potentiel de réutilisation de stades de hockey sur gazon et de baseball est proche du néant dans un pays qui ne compte que 10 millions d’habitants et dont l’intérêt pour ces sports est plutôt mineur ? Plus étrange, les piscines olympiques n’ont pas été réutilisées alors que la météo grecque incite plutôt à la baignade.

Une reconversion réussie du site en « street canoë-kayak »…

Les problèmes listés laissent le spectateur dubitatif. D’abord, la taille démesurée. Je veux bien que les Grecs aient inventé le concept d’hubris, mais est-il vraiment nécessaire de construire un stade de 9000 personnes pour voir 8 équipes de base-ball pendant deux semaines ? Le gaspillage est sidéral : sur le terrain de hockey sur gazon, on a même laissé le revêtement qui s’est progressivement décollé et les cages en friche.

Un terrain, des cages. Aucun adolescent n’en voudrait, un site à abandonner d’urgence !

Ensuite, le choix du béton qui empêche le démontage et le recyclage des matériaux. Enfin, laisser un site à l’abandon, c’est une chose mais laisser l’électricité (alarmes, lumières) et la climatisation activées confine au foutage de gueule du contribuable dans un pays endetté jusqu’au cou. Côté finance, depuis la fin de ces JO, l’État grec et sa capitale doivent dépenser chaque année près de 50 millions d’euros pour l’entretien et la sécurité de ces sites abandonnés. Ces jeux sont considérés comme les plus chers de l’Histoire. Coûts estimés : entre 6 et 27 milliards d’euros. D’après certaines estimations, la dette du pays augmenta de 2 à 3 %. Pas sûr que les Grecs imaginaient ajouter « plus pauvre » à la devise olympique. D’ailleurs, une pensée spéciale pour les quelques employés payés à faire des rondes en voiture pour surveiller le site désaffecté, job ô combien rébarbatif s’il en est.

Athènes, morne plaine…

Autre scandale s’inscrivant à merveille dans l’idéal de fraternité olympique : la main-d’œuvre étrangère, moins chère et illégale. Il y aurait eu une centaine de morts et près de 5000 blessés. Spéciale dédicace au Qatar, auquel la Grèce a montré la voie. Les reporters découvrent des squats sur certains sites, squats eux-mêmes abandonnés (ou vidés ?), ce qui confère un petit côté Walking Dead au tout. De là à convertir le site en terrain de paintball ou en escape room, il n’y a qu’un pas.

Ils ont même pas pris le temps de ranger la salle de dopage…

Le documentaire se termine tout de même sur une note positive : les investissements ont tout de même aidé à développer les infrastructures (nouvel aéroport, tramways, etc.). Le centre nautique pour la voile a été reconverti en port privé. Le stade panathénaïque sert pour des concerts et des événements. En revanche, mention spéciale à ce coup de génie architectural : le plongeoir a été retiré après les jeux car il était soumis à de trop forts vents.

Au final, on peut se dire que les Valaisans ont eu le nez creux en se fendant d’un non à la votation de 2018 sur le projet de Jeux olympiques à Sion en 2026. Quant à savoir si les prochains Jeux feront mieux en matière de reconversion des sites, la question reste entière…

En bonus : voici les prochaines villes hôtes.

JO d’hiver

JO d’été

2022 Pékin 2024 Paris
2026 Milan/Cortina d’Ampezzo 2028 Los Angeles
2032 Brisbane
A propos Florent Gonnet 49 Articles
Que penserait Molière de la VAR ?

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